Eric Rohmer : la biographie d’un amoureux de la beauté sous toutes ses formes

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Par Laurence Biava – bscnews.fr/ Voici la première biographie d’Eric Rohmer : puritain et esthète, catholique pratiquant et amoureux de la beauté sous toutes ses formes, rédacteur en chef des Cahiers du Cinéma et homme de télévision, citoyen désengagé, nostalgique de l’Ancien Régime. Un homme riche de ses contradictions, et de l’extraordinaire diversité de ses curiosité artistiques.

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Le livre d’Antoine de Baecque (en collaboration avec Noël Herpe) est d’une beauté sidérante. La biographie révèle le portrait d’un grand metteur en scène imperturbable et pervers qui aimait s’inventer des doubles (son vrai nom est Maurice Schérer) et masquer son visage derrière ses films.
Le masque et la caméra, en effet, pour précisément cacher le fait qu’il n’y a rien à cacher. Aucun secret d’alcôve. Juste un homme riche de ses contradictions, aux vies rangées et parallèles, qui incarne une manière très française et très raffinée de faire du cinéma, un homme qui, un soir, pourtant, se fait rattraper par une atroce irruption de ce qui n’était pour lui qu’un simple matériau cinématographique. Il vient alors de signer son film le plus pop et le plus branché, « Les Nuits de la Pleine Lune », avec Pascale Ogier, la préférée de ses Rohmeriennes, une parmi tant d’autres, qui, au début de la carrière du cinéaste ne peuplent que les écrans et les fantasmes de celui-ci, leur mentor…
Les pans entiers de la vie du bonhomme sont ici revisités et détaillés on ne peut mieux. A côté de la bibliographie sélective, il y a l’impressionnante filmographie ainsi qu’un index non moins parfaitement référencé. Et comme si cela ne suffisait pas, la bio est nourrie d’archives inédites sur papier glacé en couleurs. Un des passages les plus remarquables est sans conteste celui qui évoque les débuts de Rohmer -dont Renoir dira « qu’il en a été le fil d’Ariane, sans Bazin, la dispersion eût été complète »- devenu rédacteur en chef des Cahiers du Cinéma.
« En mars 1957, Eric Rohmer succède dans cette fonction à Joseph-Marie Lo Duca, l’un des fondateurs, qui n’y jouait plus de rôle effectif depuis un certain temps. Cette promotion consacre la prise de pouvoir progressive de la nouvelle génération critique – les « jeunes Turcs » – groupés derrière Rohmer – sur les sommaires des numéros des Cahiers. Elle est également l’aboutissement de sa présence matérielle dans le bureau du 146, avenue des Champs-Elysées. La véritable responsabilité des Cahiers du Cinéma, celle qui oriente une ligne, marque un ton, imprime un style, vient un peu plus tard, dans le courant de l’année 1958, lorsque l’homme de bientôt 40 ans se retrouve seul aux commandes par la force des choses.»
« Il conduit les obsèques, comme s’il était à la fois le veuf et le père », écrit Antoine de Baecque. Réussite totale que ce gros–œuvre (606 pages) qui remonte aux sources de l’existence les plus méconnues de cet extraordinaire homme-orchestre, pour qui le cinéma – il était aussi écrivain, dessinateur, compositeur, producteur – représentait un conglomérat de tous les arts possibles. Un ouvrage majestueux pour le plus intègre et le plus chaste de nos cinéastes.

« Eric Rohmer »
Antoine de Baecque, Noël Herpe
Biographie – Editions Stock
608 pages
Prix: 29 euros

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