Inaba Mayumi : Dans la douce lumière du ciel…

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Par Félix Brun – bscnews.fr/ Depuis la nuit des temps, les chats ont toujours suscité notre curiosité, stimulé notre imagination, obligeant l’être humain à s’interroger sur lui-même. Associant tendresse, mystère, fantaisie,indépendance et cruauté parfois, le chat tisse avec l’homme des liens d’amitié fidèles et durables.

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Le livre d’Inaba Mayumi nous raconte la relation entre un chaton accroché au grillage d’un jardin, et celle qui l’a recueilli, l’a nommé Mî : Mî qui va l’accompagner dans les errements de sa vie citadine. Il nous raconte l’histoire de celle pour qui « les mots détenaient un pouvoir illimité », et devient « obsédée par le désir d’écrire », influencée par l’immense ville : « Si j’essaie d’analyser la raison de cette évolution, la seule explication qui me vient est la stimulation intense que l’énergie foudroyante de Tôkiô a produite sur moi. [….] Les transformations quotidiennes qui s’échappent des quartiers comme la sève coule de l’arbre, la vitesse, les bruits et les odeurs en ébullition, tous ces éléments ont réveillé en moi une énergie nouvelle sans que j’en aie conscience, qui s’est matérialisée en un désir d’écrire. »
La crise économique, les mutations professionnelles de son mari, les déménagements, la solitude, le saké, vont briser l’équilibre fragile et délicat de la narratrice : « Sans me décider à aller voir mon mari à Osaka, je passais mes journées avec la tête pleine de mots, et je savais que j’étais en train de rejeter quelque chose avec une indifférence cruelle. Les larmes ne tarissaient pas, l’ivresse leur donnait du flux, et c’était par obstination, et non par fierté que je m’accrochais aux mots. » La chatte Mî, compagne de tous les instants, soulage les désarrois de sa maîtresse: « Et c’était toujours Mî qui m’aidait à traverser l’impasse des sentiments stériles qui ne me conduisaient nulle part. » Le dernier déménagement ressemble à un exil dans une résidence où la végétation est totalement absente: « un endroit brun délavé, presque blanc. Un quartier gris anthracite. »
Câline, joueuse, opiniâtre et indépendante, Mî est personnifiée au fil du temps : « j’étais son soutien, elle était le mien, telle était notre relation, [….] car je voulais regarder avec elle discrètement, le monde qu’elle voyait avec ses yeux. » Mî est le témoin et, en partie, la cause de l’évolution de sa maîtresse : « La principale transformation était que j’avais gagné mon indépendance, je m’étais habitué à ma vie avec Mî, je m’étais faite au travail de rédaction que j’avais entrepris grâce à mes amies et amis, ce que j’avais commencé d’écrire sans savoir si cela me mènerait quelque part avait pris forme. Sans que je m’en aperçoive, j’avais fini par devenir écrivain. » La chatte vieillit, atteint le stade de la dégénérescence, et meurt d’avoir beaucoup vécu ; « Et moi pendant de longues années j’avais été la compagne de jeu de cette chatte craintive, naïve et sans calcul. Avec sa voix, ses gestes, ses yeux, son corps tout entier…Cette adorable compagne n’était plus à présent qu’une belle endormie, pour moi seule. »
Dans cette relation entre Mî et sa maîtresse, dans cette liaison même, règne une harmonie légère, vaporeuse, gracile, quand bien même les situations sont embarrassantes. Avec ce roman parsemé de poèmes , à l’écriture élégante et réaliste, Inaba Mayumi aborde de nombreux thèmes qui conduisent le lecteur à s’interroger en permanence sur la nature, Dieu, l’importance de l’animal dans nos sociétés modernes mais aussi sur la solitude, le temps, la mort et les rapports sociaux. La maîtresse de Mî est-elle misanthrope, misandre ou tout simplement libre, comme Mî ? Peut-on considérer comme Natsumi Sôseki que : « Pour comprendre quelque chose aux chats, il faut être un chat soi-même . »?

Titre : 20 ans avec mon chat
Auteur : Inaba Mayumi
Editions : Philippe Picquier

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