Poésie : la voix du monde d’Eric Dubois

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Par Laurence Biava – bscnews.fr / Après « Radiographie » et « C’est encore l’hiver », Eric Dubois est revenu récemment avec « Mais qui lira le dernier poème ? » paru sous format numérique et en version papier. Ce sont des très beaux textes cours et épars, qui justifient totalement l’écriture poétique au sens où celle-ci témoigne tête baissée face au monde et face à soi-même.

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L’écriture d’Eric Dubois a cette particularité qu’elle cherche partout sa marque, elle tente d’appréhender n’importe quelle bribe du quotidien à laquelle elle donne du sens, de la nécessité. Elle porte un idéal brut et elle est sans lyrisme ou mièvrerie de comptoir..
Revendiquant depuis toujours la place du poète dans la société, et son bon droit à la reconnaissance publique, Eric Dubois déplie et explore une écriture pleine de formes concrètes usant des calembours, de métaphores subtiles pour dire les paradoxes et les contradictions de l’emprise du monde sur ses mouvements, ses humeurs, sur ce qui le lie et le relie au monde qui l’entoure et qu’il entoure aussi de sa poésie réaliste. Ses tertres de textes me plaisent, et me réjouissent chaque fois.

Il est dans ce poème
il m’écrit
C’est lui qui guide ma main
qui trouve les mots
Il me parle
Le mot est Dieu
Le mot est l’univers
Dieu est l’alphabet du silence

Aucun mot ne semble inutile, il est là, dépouillé, posé juste Il existe simplement. Il se dit et se dit lentement. On dirait des variations mélancoliques, voire des psalmodies, qui s’expriment sur un seul fil narratif pour dire la séparation, le bruit alentour, la peur, l’âme, le silence, la juxtaposition des situations. Les textes, toujours courts, savamment ourlés, sont des objets vivants, dont le sens explose sous nos yeux. On ferme les yeux parfois, on les prend à pleines mains et on les dit à voix haute. Chaque mot semble choisi avec soin, et s’égrène ainsi, sans cacophonie, pour dire la souffrance muette. Pourtant, le poète ne s’épanche pas. Ne se plaint pas. Sa voix vous reconnaît, parle pour vous, qui que vous soyez, voisin, conjoint, parent, vous-même. On peut sans mal la comprendre, elle est unique dans la poésie contemporaine française. Il s’agit d’un déshabillage de soi, de sublimation, de fantasmagorie pour dire les corps, l’environnement, le ciel, la réflexion existentielle de tout un chacun.
L’ensemble est sensuel, dépouillé, sans masque, presque anonyme. L’humain est pourtant terriblement présent, avec sa sentimentalité, son vécu, et toutes ces choses qu’il empoigne, et puis qu’il délaisse. Ce recueil de poésie sombre est une réussite. Merci à Eric Dubois d’exister.

Des mots toujours des mots à creuser dans ses pas.
Nous ne sommes que des pieds
écorchés sur la terre ferme
Des pieds qui croisent d’autres pieds
Des poèmes sanglants
qui avancent le long des routes
Des mots lourds de reproches
qui s’enlisent sur la terre ferme
Nulle mansuétude pour ces pieds
qui claudiquent
Qui s’en iront un jour les pieds devant
dans la terre ferme

Mais qui lira le dernier poème ?
Eric Dubois
Editions Publie.net
52 pages – 11,99 € ( papier) 2,99 € ( Ebook)

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