Dave St-Pierre : danser, aimer et mourir

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Par Carine Roy – bscnews.fr/ La condition humaine chorégraphiée en trois tableaux avec du cœur, du cul et de la chair. Des histoires jalonnées de petits et grands drames, avec des fulgurances de plaisir et de jouissance. Danseur, chorégraphe et metteur en scène, Dave St-Pierre est né en 1974 à Saint-Jérôme au Québec. Sa trilogie sur l’amour à vif est présentée du 6 au 15 février au Théâtre de la Ville à Paris et c’est un événement ! Particularité de cet artiste : ses danseurs et danseuses sont nus sur scène. L’amour et les corps sont ainsi dévoilés de façon ludique et extrême, entre danse et théâtre!

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Les noms de ses spectacles annoncent la couleur : « La Pornographie des âmes », « Un peu de tendresse bordel de merde ! » et « Foudres ». Chorégraphe jusqu’au-boutiste, Dave St-Pierre possède un sacré appétit de vivre dû à ses problèmes de santé : il est atteint de fibrose kystique. Il a subit une greffe du poumon qui lui a redonné son souffle. La metteuse en scène Brigitte Poupart a ainsi réalisé en 2012 le documentaire « Over my Dead Body » portant sur le quotidien de Dave St-Pierre, qui s’inspire également du solo du même nom dansé par le chorégraphe. A 40 ans, le risque de ne plus pouvoir exercer son métier modifie son rapport au temps. La vie est trop courte pour la perdre en compromis, seules importent l’urgence et l’ambiguïté des sentiments qu’il tente de transcrire sur scène. « Ma démarche s’inscrit maintenant dans le moment présent, l’ici, l’immédiateté » explique-t-il. « L’erreur et l’excès sont les moteurs principaux. L’erreur est et sera toujours présente. C’est elle qui est responsable de l’ici et du maintenant. C’est l’erreur qui rend l’humain plus humain que nature. L’excès est viscéral. Je n’y peux rien, c’est là, dans mon esprit. »

Ses chorégraphies sont des déferlantes d’énergies, sa danse est faite de fulgurance et de désolation. Elle est pourtant souvent jubilatoire, drôle et toujours subversive. Dans cette trilogie, ce Montréalais met en pièces les utopies, la complexité des rapports humains, la difficulté d’aimer, la violence du couple. A quel moment l’amour devient une lutte, un combat pour souvent se terminer par une issue fatale. Cela traverse toute son œuvre. Putains d’histoires d’amour ! « Le pire de cette rencontre inévitable entre deux êtres serait de vivre la violence subite d’un coup de foudre et de tomber fatalement et éperdument amoureux… et en mourir d’envie à vouloir en crever ». Il nous parle de la souffrance de l’état amoureux : « J’ai mal, je suis ému, je suis perdu, je suis dans sa peau, dans son corps, son sexe, son désir, sa pudeur, sa vie » et des mouvements qu’il provoque : « Tu me donnes cette envie de me lancer, les poings fermés, tête baissée, dans cette impudeur, cette façon de laisser le corps mou dans une chute qui n’a pas de fin ». Sa danse est un miroir grossissant et les tableaux qu’il chorégraphie sont tantôt tendres, euphorisants, tantôt bouleversants ou glauques.
Dans le 3ème opus, « Foudres », un des danseurs nu, avec seulement deux ailes accrochés dans le dos, se lève de sa chaise et déclare : « Allo je m’appelle Cupidon Julien. Je sais pas trop ce qui se passe avec moi, c’est bizarre c’est comme si je tombais en amour avec toutes les personnes que je touche. Et ça me rend vraiment jaloux. Ça me donne envie de leur faire mal, de les écraser, de les torturer, de briser leur amour, de leur casser les jambes avec une masse, de leur arracher la tête, leur chier dans le corps (il crie), mettre leur peau et puis de fourrer leur petite fille !! » Puis, il mime la copulation, il crie à nouveau, et pris de spasmes, il tente de se rasseoir et tombe de sa chaise en arrière. Effet comique garanti ! Dave St-Pierre manie l’humour potache, grinçant, naïf, il s’amuse de tout. Sur scène, ces danseurs sont avant tout des jeunes gens qui s’amusent. Aucune notion de sexualité au sens littéral du terme, ses danseurs sont très enfantins et très libres, et de là, naît le trouble.
Pendant un spectacle de Dave St-Pierre, le public est sur le qui-vive. A tout instant, tout peut arriver. Le metteur en scène québécois adore faire participer le public, il apporte ainsi de la dérision et de l’humain. Dans « Foudres », un des danseurs choisit un spectateur, le fait monter sur scène et celui-ci se retrouve à simuler une copulation avec une poupée gonflable, rejoint par les autres danseurs tous nus dans une joyeuse pagaille ! Dans « Un peu de tendresse bordel de merde ! », les danseurs déferlent sur le public en enjambant totalement nus les gradins, on se retrouve avec une « foufoune » ou une « une paire de c… » au-dessus de la tête : c’est très drôle… et parfois embarrassant ! Il alterne les scènes hard et d’humour. Il dégoupille ainsi le malaise. Car des moments de tensions, il y en a aussi. Dans une autre scène, un couple s’affronte lors un corps à corps bestial. Il suffoque, glisse sur le sol mouillé devenu hostile… Et le charnel peut dévier aussi vers le morbide, c’est la vision de la maladie et de la mort… Ces scènes sont liées à la vie intime de Dave St-Pierre qui, malade, connaît la fragilité et la brièveté de la vie.

Dates des représentations:
– « La Pornographie des âmes », « Un peu de tendresse bordel de merde ! » et « Foudres » du 6 au 15 février au Théâtre de la Ville à Paris.
– « Un peu de tendresse bordel de merde ! » le 20 et 21 février au TAP de Poitiers, le 25 février à la Comédie de Clermont-Ferrand…

Documentaire « Over my Dead Body », documentaire de Brigitte Poupart. Disponible en DVD chez F3M (les Films 3 Mars).

Copyright -photo :  » FOUDRES » mise en scène de Dave St-Pierre – Photographe : Wolgang Kirchner

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