Gastronomie et gourmandises : de la physiologie du palais
Par Marc-Emile Baronheid – bscnews.fr/ On ne naît pas gourmet ; on le devient. Il paraît que la confrérie accueille en majorité des gourmands repentis. Le leitmotiv serait « en avoir ou pas ». Sur le bout de la langue ou aux marches du palais, la concupiscence ne montre jamais sa face immodérée. Ce qui ne l’empêche pas de savourer ad libitum.
Il existe deux écoles de funambules du langage. La première pratique le palindrome ; la seconde donne dans l’anagramme, à bouche que veux-tu. L’anagramme consiste à mélanger les lettres d’un mot, d’une phrase, pour en former un(e) autre. Exemple : « la garde meurt mais ne se rend pas », éclatante saillie de Cambronne, devient, triturée et recyclée, « espéra emmerder un tas d’Anglais ». Deux compères s’y adonnent à la folie. L’un désarticule la matière première, l’autre assure le texte de liaison censé légitimer la transmutation. Sylvain Tesson, fils de mais pas que, tend une perche complice aux élucubrations acrobatiques de Jacques Perry Salkow, déjà fiché par les services de la police académique pour des « Anagrammes renversantes » commises en 2011. Il s’agit donc dans son cas de récidive manifeste. Au second qui fait de « la transhumance des icebergs » un chemin menant « à ces berges charmantes du Nil », le premier assure la caution d’Antoine, de Cléopâtre et même du Titanic. Pour amateurs de plaisir solitaires ou de parties carrées.
Anagrammes à la folie
Jacques Perry-Salkow, Sylvain Tesson
Editions des équateurs
Prix : 12 €
Ecrivain, éditeur à l’enseigne de Blanche – comme les oies de même couleur, Franck Spengler marque plutôt une dilection pour les anagrammes mathématiques, telle 69. Chez ce maître queux pour le plaisir de quelques un(e)s – le coquin n’enfourne qu’en privé -, le gourmand le dispute au gourmet. D’où ce traité de cuisine sensuelle et amoureuse (le sens de la nuance, noblesse oblige), riche de recettes tendres, suaves, coquines, raffinées, possiblement aphrodisiaques mais surtout gourmandes, illustrant à merveille cet aphorisme de Brillat-Savarin : « recevoir quelqu’un, c’est se charger de son bonheur tout le temps qu’il est sous votre toit ». Entrées, plats, desserts, cocktails, harmonie des mets et des vins : tout y est, photos couleurs à l’appui. Rigoureusement précise, chaque recette est agrémentée d’une citation littéraire et d’un petit mot de l’auteur, souvent gastronomique, parfois anecdotique. Ainsi, on doit à un certain Norbert la recette de tajine que sa femme Rachida lui préparait, chaque fois qu’elle allait rejoindre son amant. L’infidèle envolée, Norbert le confectionne lui-même et le propose comme « Tajine des cocus ». Bon prince oriental, Franck Spengler l’a rebaptisé « Tajine des mille et une nuits », sans préciser s’il est à l’origine de cette gourmandise.
Cuisine sensuelle et amoureuse
Franck Spengler
Editions Blanche – Prix : 17,50 €
EN LIBRAIRIE LE 14 NOVEMBRE