À la fin de ses études, il part sur Lyon et commence par travailler pour le théâtre de marionnettes de Guignol pour peindre les toiles de fond, dessiner et construire les décors et accessoires. S’il est décorateur et peintre, il revêt régulièrement deux autres casquettes, celle de caricaturiste et celle d’enseignant. Après deux expositions ( dont l’une intitulée « Sur les toits la nuit » représentant des quartiers de Lyon vus de haut la nuit) , il quitte Lugdunum pour la capitale et commence à travailler pour la presse, publie un petit recueil « Dessins d’humeur » et gagne le prix « Cognac » à la biennale internationale du dessin d’humour de Jonsac. Depuis Jean-Martial Dubois enseigne la bd au Musée du Louvre et est devenu un exposant régulier de la Galerie Daniel Maghen. En 2011, le Moulin Rouge a utilisé en outre une de ses illustrations pour sa communication. Ses dessins, truffés d’humour et rehaussés de couleurs vives, ajoutent aux paysages quotidiens une espièglerie poétique…et si le proverbe dit que la nuit tous les chats sont gris, avec Jean-Martial Dubois, la lumière s’invite et pare l’obscurité de couleurs attrayantes.
A 15 ans, vous publiez vos premières pages dans le Gessien et y racontez l’histoire de votre quartier et alentours… Depuis vous avez aussi croqué Lyon puis Paris… « Croquer » le quotidien des paysages urbains, cela relève d’une nature profondément poétique, non ? Ou vous avez manqué une carrière d’architecte ?
Non, je ne pense pas avoir manqué une carrière d’architecte, mais j’aurais certainement été comblé en faisant des maquettes. La miniature me transporte instantanément. Devant un paysage en miniature, je ne le regarde pas, je le visite, mon esprit se balade à l’intérieur. Dans mes grands paysages urbains, c’est pareil, je me balade à l’intérieur. C’est magique ! Quant à ma nature poétique, je dirais plus que je suis un contemplatif, surtout entre chien et loup. Observer le quotidien d’une ville en pleine effervescence me ravit. J’ai toujours un carnet sur moi, pour prendre des notes graphiques, pour saisir la magie de l’instant. Ces notes sont ainsi une de mes bases de travail et je peux les réinjecter après dans mes dessins, que cela soit sous la forme de la poésie ou de l’humour.
On découvre souvent dans vos dessins des détails fantaisistes et vous avez l’humour à la pointe du crayon… Certains disent que l’humour est une forme de poésie… Adhérez-vous à cette idée ?
L’humour, une forme de poésie ? Je ne sais pas, la définition qui me parle le plus est celle de Boris Vian : « L’humour, c’est la politesse du désespoir ». L’humour poétique est pour moi un humour gentil, attendrissant. Avant, je faisais de l’humour noir et cynique mais j’avais la vie qui va avec : bistrots, fêtes, copains, excès… Maintenant, ma vie est plus calme et douce, la poésie a recouvert d’un voile léger le cynique aigri que j’étais, l’humour est devenu l’arc-en-ciel de l’orage. Ainsi, l’humour reste pour moi une façon de voir, un état d’esprit. Si je suis caricaturiste, ce n’est pas pour rien, je vois drôle, mes yeux sont taquins et un brin provocateurs mais toujours avec bienveillance.
Avec quels supports et avec quels outils et matières avez-vous travaillé pour réaliser les dessins qui sont exposés à la Galerie Daniel Maghen ?
C’est très simple. Du papier, de l’aquarelle, des crayons de couleur et des rehauts de gouache. Un jeu d’enfant et vingt cinq ans de pratique. Je commence par un crayonné que je repasse à l’encre de chine puis vient le bal des couleurs qui peut durer de deux jours à une semaine. L’aquarelle domine en reine victorieuse tandis que les crayons et la gouache sont ses fidèles valets, n’existant que pour la mettre en valeur.
Les œuvres exposées à la Galerie sont celles de l’exposition de 2012 ? Qu’y trouve-t-on exactement ?
Les œuvres exposées à la Galerie datent de 2010 à 2013. Elles sont un ensemble de différentes séries et attendent patiemment leurs futurs propriétaires.
Les dix nouveaux dessins du mois de novembre sont le résultat d’idées et de pistes que je développe actuellement autour de l’écran de projection comme surface créatrice d’imaginaire. On y trouve des vues de toits de Paris la nuit, beaucoup de ciels et de nuages, des humains ; même si ma marque de fabrique reste la vue aérienne en général. Mes dessins sont le résultat de recherches inachevées comme de prouesses techniques, d’humeurs vagabondes comme de longues réflexions, de grands comme de petits formats. Les idées sont toujours en mouvement, prêtes à être fixées sur le papier.
Votre travail sur la lumière et les couleurs est épatant. Il répond à votre goût pour le fauvisme ?
Merci, le mouvement fauve m’a beaucoup parlé quand j’étais peintre et m’a donné le goût des couleurs. J’aime les coloristes comme Gauguin, Van Gogh, Matisse, Derain, Van Doghen, Hopper… Pour moi, la lumière et la couleur sont les habits du sujet. Un dessin en noir et blanc est un dessin nu. Il n’est qu’idée, sujet, esprit. Un dessin en couleur est un dessin habillé, pour sortir en soirée ou pour aller en forêt, voyant ou humble. Si l’idée se suffit à elle-même, je ne l’habille pas. La lumière et la couleur sont là pour servir l’idée, lui donner une ambiance. Je suis généreux en couleur.
Depuis 2010, vous enseignez la BD au Musée du Louvre… Si vous deviez citer une règle indispensable pour réaliser une bonne planche, laquelle serait-ce ?
De toute évidence, la règle n°1 pour moi est la lisibilité. En BD, il y a de tout : tous les styles, du plus dépouillé au plus travaillé, de Snoopy à Bilal mais pour moi, la priorité est d’arriver à lire immédiatement le déroulé de l’histoire, sans encombres.
Enfin, quelles sont vos actualités ? Travaillez-vous toujours pour la presse ? Pour l’édition ?
Pour la presse, de temps en temps, ça tombe, un dessin par-ci par-là mais cela fait un petit moment que je ne m’en suis pas occupé car je me concentrais plus sur le dessin d’auteur. Quant à l’édition, je peaufine en ce moment plusieurs projets autour de Paris et de son patrimoine, comme un où je mélange dans le même dessin passé, présent et futur. Mon objectif est de continuer de produire pour la Galerie Daniel Maghen tout en trouvant une maison d’édition qui me permettra de concrétiser ces nouveaux projets qui me tiennent à cœur.
Le site de Jean-Martial Dubois: www.jeanmartialdubois.fr
De nombreuses oeuvres de Jean-Martial Dubois sont à découvrir à la Galerie Daniel Maghen ( Paris)
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