L’invention de nos vies : un roman féministe

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Par Laurence Biava – bscnews.fr/ Karine Tuil, toujours en lice pour le Prix Goncourt 2013, a fait un retour remarqué en cette rentrée littéraire avec « L’invention de nos vies », un très bon roman sur la passion amoureuse, qui raconte le gigantesque mensonge de Sam/Samir qui s’approprie l’identité d’un ami de jeunesse et devient avocat célèbre aux Etats-Unis après son départ de France.

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Avec « L’invention de nos vies », Karine Tuil a voulu écrire un roman sur le désir qu’on peut avoir d’échapper au déterminisme en incitant les gens à falsifier leurs existences. En se créant son identité propre avec tous les moyens dont on dispose actuellement pour devenir un parfait petit imposteur. L’accent est mis dans le livre sur la construction d’un faux bagage culturel, sur le vernis social, sur le fait que chacun cherche à briller dans une société ultra concurrentielle, obsédée par la performance, le narcissisme, et la réussite sociale. 

Celle du héros Samir est intéressante : il ne change pas d’identité, conduit qu’il serait par une vaine ambition, par opportunisme, ou par désir de notoriété éphémère. Non, il trafique son cursus de façon aberrante pour échapper à un complexe d’infériorité qui le ronge depuis l’enfance – celui d’appartenir à un environnement socio-culturel très modeste – et parce qu’il a le sentiment que la société lui impose ce stratagème et le soumet à l’élitisme. Son moteur ? Le désir de puissance, le pouvoir. Il veut appartenir à la haute société, s’attirer la considération des puissants, en épouser les codes.

Karine Tuil a réussi ce livre parce qu’elle parvient à nous dire combien chacun peut réinventer sa vie, la ré-enchanter, l’enjoliver, en faire une œuvre d’art, et mettre en scène son existence jusque dans ses voies parallèles afin de se libérer du poids fort du passé sans doute ou bien, pour flirter avec cette sensation excitante de se trouver à un moment donné dans l’illégitimité, à l’égal de Samir qui, de musulman, se fit passer pour un juif qu’il n’est pas.. 
Enfin, c’est un livre important parce qu’il est féministe : l’héroine Nina devient un sujet de rivalité entre les deux hommes de l’histoire. C’est une façon pour Karine Tuil de s’interroger sur le statut actuel des femmes dans les sphères de pouvoir en tant que « signe de réussite » et de montrer à travers son roman les rapports hommes-femmes révélateurs du fonctionnement de la société.

L’invention de nos vies de Karine Tuil
Editions Grasset
490 pages
Prix : 20.90 €

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