Sur la route again : les fulgurances de Kerouac

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Par Laurence Biava – bscnews.fr/ Portrait: Michèle Guieu/«J’ai écrit ce livre parce que nous allons tous mourir. Alors, restons vivants, dans cette Amérique comme poème » .C’est un grand livre, divisé en cinq grandes parties..C’est un dialogue qui s’est entamé, à cinquante ans de distance, entre Jack Kerouac, le célèbre « pionnier » et Guillaume Chérel, écrivain français.

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C’est un colossal récit du voyage de l’auteur Chérel, de New York à San Francisco en passant par Chicago et Denver, sur les traces de Kerouac dans l’Amérique d’aujourd’hui. « Sur la route again aux États-Unis avec Kerouac » est une autre marche des pionniers vers l’Ouest : dans un monde où tout s’accélère, où la longévité devient rare, avoir mené et recherché cette aventure, qui est, en conséquence, vécue sous forme de philosophie, Chérel l’aventurier explique et justifie ici son goût pour les choses de la vie et développe l’altérité. En menant sa barque comme l’a fait avant lui Kérouac, il exprime en se dédoublant, en quelque sorte, ce besoin de spiritualité qui peut rattacher tout Américain de la génération qui précède, à son continent, et les européens que nous sommes à une certaine conception de la littérature : voilà donc celle dépeinte ici des écrivains-voyageurs, férus et imprégnés de reliefs, de paraboles, d’aurores éclatées, de randonnées, de découverte du monde. C’est dans cet esprit que Chérel a parcouru, avec un regard aussi décalé, la route qui rendit célèbre l’écrivain devenu emblématique de la Beat Génération. « Il y a cinquante ans, Jack, tu évoquais déjà la tristesse qui émane des stations de bus. Cela sent toujours la pauvreté : détritus, crachats au sol, vagabonds désargentés, bordel organisé ». Durant trois mois, on le guette. Avec un mimétisme troublant, on le voit observer, bourlinguer, vibrer, jouir, noter, exploser, raconter, parler, digresser sur à peu près tout. Vivre, quoi. Vivre intensément. Et toujours dans le remix cette correspondance mystique et quelques monologues dits à voix haute avec son illustre prédécesseur, auquel il se mesure dans des exploits littéraire et fraternel. Ce que Neal Cassady fut pour Kerouac, ce dernier l’est pour Chérel : un emblématique compagnon de voyage sauvage et frénétique, une inspiration, un recours, une relève, un style et une attitude qui vous donne envie de goûter chaque instant , de lever les yeux vers le ciel, de savourer l’immense liberté. . « Il se passa plus d’un mois avant que je te revoie en rêve, Jack. Je restai chez mes nouveaux amis de San Diego et de Mexico, tout ce temps à écrire les articles. J’avais quitté Los Angeles à l’aube et mon car longeait enfin la côte pour filer vers la frontière du Mexique. » Le périple évolue assez vite et nous mène jusqu’à Mexico City. « Je marche à Mexico où ça sent le graillon, ça grouille de partout. Les filles disent mi corazon aux garçons de café, comme on dit mi amor à Cuba ». Et constat : « Le Mexique de Burroughs a moins changé que l’Amérique de Kerouac ». Il faut insister sur la préface de l’écrivain irlandais Colum MacCann qui explique que le voyage reste un moyen de rencontre et de découverte au hasard. Que l’on ne peut faire l’impasse de l’expérience, que du mouvement naît la joie. C’est ce que fait Chérel, qui mate et sautille d’instant en instant, s’enthousiasme de référence en rencontres fugaces à brûle-pourpoint et à point nommé et dit tout. Les ruses pour dormir à 35 cents la nuit dans une « salle de cinéma sinistre de Détroit ». Il dit ces brèves de bistrot, potache, se plaint aussi, mais il suit le mouvement, se l’approprie, pour, comme tout romancier en quête de vérité, transmettre à son tour. Surtout, -et là est la force de l’ouvrage –, en refaisant cette Route céleste et merveilleuse qui parle seule à force d’être arpentée, qui essaye d’appréhender et de s’approprier la substance de ce Jack, qui cautionne littéralement cette quête éperdue du départ éternel, de cette vie sur la route, en fourrant son nez jusque dans les derniers recoins, j’ai mieux compris le projet grandiose de Guillaume Chérel, cette façon qu’il a de peindre des scènes, de raconter sa vision du monde. Et toujours ce dédale intérieur, fougueux, fantasque, existentiel. Et attachant 20000 kilomètres tout de même. Chapeau, il fallait le faire. L’impression qui restera ? Une écriture qui déboule et s’étonne en permanence. On appréciera les phrases en anglais : car le voyage est aussi ininterrompu : et à ce titre, il faut entrer aussi, par bribes et brides dans la langue et la pensée de l’autre. On aimera son ton intrépide, sa clarté. Tous ces moments où il hallucine. Et le verbe qui explose. Les mots qui explorent, creusent, fouillent. Guillaume Chérel livre son errance, et suit sa route…. à double sens…. Sur son chemin intérieur, il a cherché les fulgurances de Kerouac, ce clochard céleste. Je pense et espère qu’il les a trouvées.

Sur la route again par Guillaume Chérel
Editions Transboréal
Prix : 20.90 €

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