Franz Bartelt : l’anacoluthe finale
Par Marc-Emile Baronheid – BSCNEWS.FR / Au moment où les éditeurs intriguent et où les auteures minaudent pour décrocher les lauriers des prix d’automne, un morceau de bravoure homérique vient faire heureuse diversion parmi les conciliabules féroces, les maquignonnages inavouables et les manigances horizontales.
Majésu Monroe n’est pas apparenté à Marylin, ce qui n’est pas franchement un handicap lorsqu’on veut faire carrière de la brocante. Sa spécialité : les pièces rares, improbables, stupéfiantes. Il peut vous vendre la tétine de Richelieu, la cendre du Phénix, l’ancêtre de l’accordéon d’Yvette Horner – breveté sous le nom de piano à Bartelt – et même une chaussette – trouée – d’Arthur Rimbaud. Il n’y a pas de bonne poésie sans belle filouterie. Mieux, après cinq bières, il vous laisse renifler la très faisandée ceinture de chasteté d’Eléonore de Cayasse, dont certains croient savoir que le sang coulerait dans les veines de Christine Boutin. Majésu rencontre Noème, née de parents richissimes dont elle s’acharne à vomir le statut social. Du pain bénit pour l’auteur, un certain Franz B, bien connu des services de police littéraire car fiché pour ses dérives anarchisantes. Il ne faut pas s’en plaindre, quand on porte en haute estime ce vagabond de Rimbaud qui houspillait ses frères formolisés.
Majésu et Noème se découvrent une haine commune des riches, un même penchant pour la bibine et une semblable absence de scrupules. On se marie pour moins que cela. Le lecteur ne s’étonnera donc pas que les trublions passent devant monsieur le maire et encore moins que la noce soit mémorable.
Les classes laborieuses n’échappent pas aux lendemains qui déchantent. Noème se sent pousser des ailes dorées à la suite d’événements que vous découvrirez. Elle ne veut plus d’une vie polluée par les relents du prolétariat. « Le divorce est une erreur qui répare l’erreur du mariage » (Oscar Wilde, revu par Frigide Barjot). Elle se refuse à Majésu, cet avatar de coco charnel qui réalise alors que la Roche Tarpéienne est proche du capital. Que peut la roublardise face à la férocité ? L’estime de soi considérée comme une excroissance du talon d’Achille est-elle soluble dans la fringale de la nouvelle Avida Dollars ? Bartelt est un stratège imprévisible, doué d’une imagination retorse et d’une fantaisie égarante. Ce n’est pas un hasard s’il appartient aux joyeux garnements qui décernent les prix de l’Humour noir. Il admire Dhôtel et la galaxie ardennaise mais son inspiration est veinée de Monteilhet. Et Rimbaud ? On lui doit déjà un « Terrine Rimbaud », roman paru en 2004. A quoi rime ce nouveau titre ? Cherchez et trouvez. Il y a bien le genou de Claire et les seins de Sophie Marceau …
Franz Bartelt
Le fémur de Rimbaud
Editions Gallimard
Prix : 18,50 €
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