Quelle a été la genèse de ce projet Vox?
Après quelques collaborations comme designer ou dans le monde de la BD, j’avais besoin de réaliser une oeuvre qui décrirait mon univers imaginaire, dans laquelle je pourrais mêler mes différentes thématiques et passions. Une sorte de déclaration artistique, ainsi qu’un point de départ pour des projets futurs. C’est aussi ça qui fait de VOX un artbook original parce que, le plus souvent pour des dessinateurs, l’artbook est une sorte de récolte des dessins faits, une collection de leur travail; pour moi VOX c’est un concept, plein de dessins inédits, je dis toujours: « comme si j’étais un musicien »… Vox est mon premier album.
L’animation et le manga semblent être des sources d’inspiration. Quels sont vos références dans le domaine?
C’est vrai, au début de ma formation, les artistes japonais ont été fondamentaux. Dernièrement la bonne globalisation des idées et des styles montre comme les langages visuels sont de plus en plus libres de se développer de façon intéressante en dehors des cases et des cultures de départ. Alors je regarde toujours du côté des japonais ( Katsuya Terada, Murata, Okama) mais aussi d’autres artistes internationaux comme James Jean, Ashley Wood… et plein de jeunes moins connus mais qui représentent en effet ma génération d' »artistes hybrides ».
Vox… c’est d’abord l’expression de la passion d’un mélomane pour la musique rock?
Bien sûr, la musique est pour moi une source d’inspiration fondamentale. Je suis ému par l’énergie du rock en géneral, mais avec toutes les nuances que j’aime: cela part d’une fascination pour l’alternative-rock, de mon intérêt pour certaines expérimentations de progressive-rock jusqu’aux atmosphères mélancoliques du post-rock.
Vous pratiquez également la musique? De quel instrument jouez-vous?
J’ai joué de la basse électrique, dans différents projets musicaux, et, il y a un peu de temps encore j’étais dans deux groupes en même temps. Mais maintenant j’ai moins de temps pour m’engager avec un groupe, je reste quand même encore entouré d’amis musiciens et je n’ai pas quitté complètement cette passion puisque la musique est effectivement liée à mon projet VOX…
Si vous deviez citer vos auteurs-compositeurs de prédilection, lesquels serait-ce?
Parmi les groupes que je préfère, je peux mentionner les Smashing Pumpkins, Foo Fighters et sûrement Muse. Mais j’aime aussi beaucoup Sigur Ros, Mew, Radiohead, Flaming Lips, Tool, Carpark North, King Crimson… J’aime aussi beaucoup dessiner en écoutant de la musique instrumentale, des BO ou de la musique classique; ça donne beaucoup d’espace pour imaginer et, au contraire, dernièrement aussi, j’aime réfléchir et méditer stimulé par les mots de Franco Battiato.
Un morceau de musique culte pour vous?
Difficile d’en choisir seulement un! mais allez, un des chefs d’oeuvre que je peux dire « parfait » c’est Tonight, tonight des Smashing Pumpkins. Poétique, surréel, puissant et surprenant.
Vous créez donc en musique? Ce RockBook compile des images qui vous viennent en écoutant certains morceaux de musique en particulier?
L’inspiration pour des images ça vient de plusieurs endroits, des fois imprévisibles – c’est vrai que j’écoute toujours de la musique quand je dessine, ça c’est utile pour donner l’energie, faire voler l’imagination, mais mes dessins ce sont ma propre musique imaginaire. Des fois, ce sont mes images qui inspirent des morceaux, mais ça c’est une autre histoire et pour le moment je ne peux pas trop en révéler davantage!
On lit » Tu sais, ces cordes vibrantes d’énergie….Elles forment l’univers. Tout n’est que musique! Ainsi mes notes sont couleurs, Je les ai toutes jouées pour ce livre. » Si vos notes sont couleurs, elles développent aussi
des thèmes particuliers : les villes tentaculaires à hauts gratte-ciel, les jeunes gens sexys, l’aviation militaire etc…pouvez-vous nous en dire davantage sur ces images qui véhiculent dans ce livre sans mot?
J’aime beaucoup le contraste: la beauté féminine en contraste avec des machines de guerre, ou le corps dans l’architecture des villes modernes, ou encore des éléments comme les instruments, amplis et câbles… En même temps, des atmosphères malinconiques je ne peux les exprimer qu’avec des couleurs vives. Les avions et leur aérodynamique c’est de la magie pour moi, parce que c’est de la beauté « fonctionnelle », des lignes faites pour voler vite, mais le résultat à mes yeux est charmant, et c’est le même cas pour les éléments naturels qu’on retrouve dans VOX, les oiseaux ou les fleurs: la nature produit des formes et des couleurs avant tout pour des motifs d’utilité, la beauté c’est juste l’ interprétation de l’observateur. Et j’insiste mais les vibrations de l’air font le son, les vibrations des vagues électromagnétiques de la lumière visible font les couleurs, on peux créer de la musique avec cela, et des images, et on s’émeut de tout ça.
Quels outils et matériaux utilisez-vous? Travaillez-vous exclusivement avec des outils numériques?
Avec VOX, j’ai commencé à travailler complètement en numérique, avec la tablette-écran Cintiq, c’est parfait pour moi parce que, dans ma méthode créative, j’ai un esprit assez tourmenté, je change d’avis, je retourne des fois sur des images, avec de nouvelles idées etc…C’est comme enregistrer la musique rock, au delà des mains du musicien, tout ce qui suit représente différents niveaux de technologie, d’abord l’instrument, les amplificateurs, le microphone, la table de mixage…Après on peut discuter à propos du son analogique ou numérique, mais ce que je veux dire c’est que les outils sont seulement un moyen pour exprimer des idées et des émotions et donc je vois toujours la « touche » humaine au centre de la créativité, même dans une oeuvre produite en numérique. Au final on a un livre, produit avec de la technologie, mais imprimé sur du papier, il est donc réel, il peut être dans vos mains, et si vous le feuillettez beaucoup, comme tous les objets avec le temps il va s’user, c’est le même cas qu’un disque en vinyle hein!
Vous faîtes du graphic-design et on lit qu’aujourd’hui vous souhaitez évoluer vers le dessin, l’illustration etc…des projets en cours?
Je considère le design comme un aspect fondamental du dessin, donc j’aime me soucier de mes oeuvres jusqu’à la maquette et au packaging. A propos de projets en cours ou futurs, je voudrais vraiment développer des projets « dérivés » à partir de VOX, des choses qui vont même au-delà du papier…et peut-être que finalement c’est arrivé pour moi le moment de raconter des histoires avec mes images.
Pour le choix de cette palette de couleurs acidulés et vives et l’utilisation de certaines représentations futuristes, on pense à Interstella 5555, le travail commun fait entre Daft Punk et Leiji Matsumoto’s…c’est la première fois qu’on vous le dit?
Oui, en effet c’est la premiére fois! mais j’aime la comparaison (sourire) même si au niveau du « sons et images » là c’était plus « disco ».
Musique et illustration, deux domaines artistiques pour lesquels c’est la première fois que vous avez cherché à trouver des partitions communes?
Quand j’étais vraiment pris dans la musique, avec mes groupes, je voyais plutôt le dessin au service de la musique, ce qui se passe maintenant, c’est un peu le contraire, la musique devient idéalement « bande originale » de mes images. Mais je peux dire, que, pour moi, les deux aspect sont vraiment bien mêlés et la synesthésie est presque totale, donc les éléments et les thématiques musicaux feront encore partie de mes prochaines oeuvres et projets.
Titre: Vox
Editions: Soleil – Métamorphoses
En librairie dès septembre 2013
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