Les historiens de garde: une mise en garde adressée au public féru d’histoire
Par Régis Sully – bscnews.fr/ « La véritable alternative se situe entre roman national et histoire scientifique,entre mythologie people et une histoire publique » Ce livre est une mise en garde adressée au public féru d’histoire. Méfiez vous semblent dire les auteurs de ces faux historiens qui profitent de leur notoriété acquise dans d’autres domaines, pour promouvoir une histoire de France sujette à caution.
Une histoire de France sous forme de récit où il y aurait des bons, des méchants et en toile de fond une France éternelle. Une histoire prompte à enthousiasmer, à émouvoir mais prompte également à étouffer tout esprit critique. Parmi ces « histrions » pour reprendre l’expression de Nicolas Offenstadt qui a rédigé la préface de ce livre, celui qui va concentrer les foudres des auteurs c’est Lorant Deutsch pour son livre «Métronome». Que lui reprochent-ils? Les griefs sont nombreux: des inexactitudes, un manque de distance critique vis à vis des sources mais surtout une instrumentalisation de l’histoire qui est forcée de se plier à l’éclairage personnel du comédien, monarchiste assumé. L’ombre de Patrick Buisson avec qui Lorant Deutsch travaille vient conforter les soupçons des auteurs sur ses intentions idéologiques . Mais ce dernier n’est pas le seul historien de garde. Il est issu d’une lignée déjà bien fournie comme Bainville connu pour ses ouvrages,comme Sacha Guitry connu pour sa filmographie. De nos jours, ils sont nombreux ceux qu’on peut ranger dans cette mouvance. Les auteurs citent Ferrand qui sévit sur les ondes et à la télévision, Sevilla, Zemmour, Casali. Tous, peu ou prou, critiquent l’enseignement de l’histoire tel qu’il est transmis par l’institution. Tous portent un regard très critique sur la révolution française qui annonce, pour certains, les totalitarismes du XX ème siècle. Tous glorifient le rôle des grands hommes Louis XIV, Napoléon ….Certes, on comprend la nature du combat engagé par ces historiens contre les partisans du roman national mais une interrogation demeure comment se fait-il qu’ils aient le vent en poupe ? Les auteurs arguent de la complicité irréfléchie des médias et notamment de la télévision depuis la caméra explore le temps jusqu’à l’ombre d’un doute émission diffusée sur la France 3, de l’appui de certaines collectivités territoriales comme la Mairie de Paris avec Métronome. Mais les médias ne satisfont-ils pas un besoin profond des Français? Ne répondent-ils pas à une attente du public? Les auteurs en ont conscience. Ils notent « la fascination du public pour le clinquant du roman national»,ils reconnaissent le «succès d’audience ou d’édition». Les auteurs ne sont pas les seuls à constater ce désir d’histoire , si on se réfère à un article du Monde daté du 27 juin relatant les conclusions d’une enquête inédite sur le niveau des élèves en histoire-géographie une enseignante de primaire déclare : « Mes élèves adorent les grands hommes! Si on y ajoute le siège d’une ville on a tous les moments préférés de mes élèves de CM1». Quelle histoire enseignée? Quelle histoire promouvoir auprès du public? Voilà des questions qui vont au-delà de la matière et qui posent des problèmes de société: repli identitaire, facilité d’intégration ou pas, bref une manière de construire ou de consolider un vivre ensemble. C’est pour cela que ce livre doit être lu. C’est un éclairage qui mérite qu’on s’y attarde.
► Les Historiens de garde — De Lorànt Deutsch à Patrick Buisson, la résurgence du roman national
WILLIAM BLANC, AURORE CHÉRY, CHRISTOPHE NAUDIN
Editions inculte – 15,90 €
A lire aussi:
1914 : « Leurs noms composent la longue et douloureuse préface du XX ème siècle »
Fidel Castro : Cuba, l’autre capitalisme