Les livres partent dans tous les sens : Partez avec un livre!

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Par Marc Emile Baronheid – bscnews.fr/ Les livres partent dans tous les sens. Les valises renferment parfois la carpe et le lapin. Choisissez malin, pour ne pas partir avec des kilos superflus, même si la question se pose plus souvent au retour et pas pour des raisons semblables.

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Un duo d’enfer

Dans la lignée des road movies, un Bordelais narre la folle équipée d’une paire de branquignols qui n’auraient jamais dû se croiser : Vincent, diplômé en sciences dentaires, pianiste au toucher touché par la grâce et Carell, mi-demeuré, foncièrement voyou. Le second embarque l’autre dans un rodéo délirant qui se soldera par 17 véhicules volés, 270 hectares de forêt brûlés, 1 braquage, la mort directe de 4 personnes, les morts indirectes de 18 autres, dont 2 enfants et une kyrielle de dommages collatéraux. Les effets d’une crise de la quarantaine ou les conséquences de l’enterrement tardif d’une vie de garçon ? Un conseil : prenez garde à qui vous croisez, sur la route des vacances. Mais où diable l’auteur va-t-il chercher tout cela ? Dans son passé de livreur de pizzas ou de télévendeur de listes de mariage ? Moralité : cuisinez vous-même et ne vous mariez pas ! Mais emportez Gendron, où que vous alliez.
« Road Tripes », Sébastien Gendron, Albin Michel, 17 euros TTC (toutes tueries comptées)

Paris, flamme fatale
Les tribulations d’Edgar Morin dans les différents quartiers de Paris sont liées à des étapes de sa vie amoureuse, intellectuelle et politique. « J’habitais Vanves quand /je/ devins chômeur intellectuel », « Au bout de quelques mois d’installation rue Saint-Benoît, l’argent vient à me manquer », « En 1980, je m’installe dans l’appartement d’Edwige, rue de la Pompe », « Comme j’ai joui de Paris entre 15 et 19 ans ! », « Je l’invite au restaurant Chez Françoise, situé sous l’aérogare des Invalides. Nous y buvons du Beaujolais dont je lui vante les qualités. Une fois sortis, je lui propose d’aller déguster de la boukha , eau-de-vie de figue, dans le petit restaurant tunisien Lalou, rue des Rosiers. Puis je lui propose d’écouter chez moi des disques de flamenco. L’inéluctable se produit, elle y reste pour la nuit , et restera avec moi quinze ans ». Ces souvenirs pourraient passer pour purement anecdotiques. Il n’en est rien. L’essentiel est à découvrir dans un ouvrage passionnant. Morin a été acteur de la résistance et partie prenante du commerce des idées de son siècle. Tout est relaté dans ces pages – illustrées – qui restituent une partie excitante de l’épopée de Paris.
« Mon Paris, ma mémoire », Edgar Morin, Fayard, 19 euros

Loin de la camarilla Sartre, du clan Saint-Benoît, des divorces idéologiques et de la fine fleur politique abordés par Morin, voici une enquête sur la faune qui parasite l’avenue des Champs-Elysées et ses alentours. Point de Duras, Breton, Blanchot ou Mascolo. Les figures illustres ont nom Francis le Belge, Laurent de Gourcuff, Lionel Bensemoun. A défaut d’idées, on y brasse des millions. Le nu intégral avec full contact et champagne à volonté n’a rien de commun avec la carte du Flore. Petits délinquants et grands mafieux ne sont jamais loin des rois et des reines de la nuit ; palaces et haute couture côtoient cercles de jeux et clubs de strip-tease. Un spécialiste de la vie des stars et des faits divers a mené l’enquête, entre beaux gosses bodybuildés, VIP, étudiantes en rupture de ban et amateurs de sensations rares. A lire avant de se faire dorloter au spa du «Fouquet’s, où vous n’apercevrez pas le Petit Nicolas (le fils de Sempé)»
« La vie cachée des Champs-Elysées », Florian Anselme, éditions du Moment, 16,95 euros

Entre Alexandre Lacroix et Paris, c’est l’amour fou. L’auteur de « Contribution à la théorie du baiser » a choisi le mode romanesque pour inviter à l’exploration savante et sentimentale de sa ville. Tout part du Jardin du Luxembourg, cher à tant d’écrivains, de Théodore de Banville à Vassilis Alexakis, et se termine 7, rue Charles-François Dupuis, où le narrateur choisit d’un peu réduire la voilure de sa flamboyante maîtresse, pour les beaux yeux et les cernes émouvants d’une certaine Jeanne. Comme le tonton chanté par Bécaud. Dans l’intervalle, un séduisant exercice d’érudition, à coup d’anecdotes, de références lettrées, de souvenirs personnels. « Je n’avais pas envie d’étreindre trop vite le réel ; je préférais me promener dans les rues de Paris en recherchant des hasards miraculeux et des correspondances poétiques, les yeux embués par l’espérance ». Pareil roman géographique rivalise avantageusement avec bien des guides, petits ou grands, futés ou non. Surtout, Lacroix n’est ni dupe, ni aveugle. Son lyrisme sait être critique, sa lucidité bannit la grandiloquence. On ne voit jamais ce qu’on sait, écrit-il. Qui bene amat …
« Voyage au centre de Paris », Alexandre Lacroix, Flammarion, 20 euros

L’être et le néon
Né à Port-au-Prince en 1973, Bonel Auguste a signé des poèmes et un essai, avant d’oser un premier roman. Le résultat est surprenant. La prose n’a pas altéré le ton poétique ; elle l’a détourné malicieusement, intensément, jusqu’à lui extorquer tous les ailleurs du rêve et du désenchantement. Bonel ouvre la langue avec un « long couteau très effilé », comme un poisson arraché à la mer bleu turquoise. Il triture la phrase, la bouscule, la bascule et se lance dans des improvisations « qui virent aux multiples couleurs du néon avant dé dégouliner sous la décharge électrique », comme il le dit des envolées de John Coltrane, qu’il révère entre tous. Son idole : Lola, cheveux coupés courts, jolie poitrine, allure sereine, alors que l’auguste désir est tout en distorsions, en assauts d’angoisse. Le chat de la belle s’appelle Charles, en hommage à Baudelaire, qui évoqua Lola de Valence après avoir vu le tableau de Manet. Bonel recopie des vers d’Artaud, autre figure tutélaire. Pas étonnant dès lors, que ses veines charrient du sang estropié. Ce livre est mince, bref, cataclysmique mais aussi touché par des moments de légèreté bouleversée. Bonel écrit à fleur de cœur. Son angoisse est insulaire ; son bonheur est funambulesque. Sa magie passe par toutes les Lolas. De Gainsbourg, Ophüls, Demy, Cécil Saint-Laurent et désormais Bonel Auguste.
« Un cri Lola », Bonel Auguste, Vents d’ailleurs, 9 euros

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