Anthony Palou,Yann Queffélec, Edouard Brasey accompagnent votre printemps

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Par Emmanuelle de Boysson- bscnews.fr/ Bonne nouvelle : « Fruits & légumes » paraît en J’ai Lu. Anthony Palou, l’ami du petit déjeuner, nous réjouit tous les matins de son billet « Bien vu » en page télé du Figaro Et Vous. Gratinées, bourrées d’humour, ses chroniques sont des petits bonheurs, un espace de liberté, de réflexion, de drôlerie. Ecrivain raffiné, cultivé, Palou a une musique, une « patte » à lui, ce style inimitable, délicieux et mordant, à la manière d’un Bernard Frank. Fin observateur de l’actualité, il parle de tout, aussi bien des petits commerces, de la frite que de Trenet, de Dali, de Depardieu, de « Homo Touristicus », de « Koh-Lanta », de Benoît XVI, de Jeanne Moreau, des politiques tous poils, des camions restaurateurs, du mariage gay, du cochon, d’Edouard Leclerc, des voisins, de la compassion que de l’Alzheimer…

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Passionné de philosophie, bardé de prix littéraires (Prix Décembre pour « Camille », prix des Deux Magots pour « Fruits & légumes ») et pourtant discret, peu friand des médias, cet écrivain rare nous avait emballés avec cette chronique familiale à la Pagnol sur une dynastie fruitière, parue chez Albin Michel. Immigré espagnol venu vendre sa soupe majorquine à Quimper, le grand-père du narrateur se fait une place dans le crachin breton. Son père n’a pas le virus des primeurs. La déferlante des hypermarchés entraîne la faillite de son petit commerce. Malgré les drames, les amours contrariées, le déclassement, Anthony Palou a l’élégance de la légèreté, de l’autodérision, l’art de ressusciter par les odeurs, les couleurs, un monde disparu : le village de Puerto de Soller, dans les Baléares, avant le tsunami du tourisme, avec ses ânes, ses Vespas, ses Seat 500, ses chats squelettiques. Les halles de Quimper, avant la déferlante des hypermarchés, avec ses grandes gueules, ses demi-grossistes, ses maraîchers, ses vieilles en quête de quelques fanes « pour le brouet du soir ». L’auteur croque les petites gens avec la bonté d’un Tchekhov. Construit en une galerie de tableaux, « Fruits & légumes » se déguste au fil d’impressions, d’anecdotes, autant de contes grinçants, comiques ou poignants. Même les huissiers ont « un certain côté poétique ». Ce styliste ultra sensible sait que « les souvenirs ont toujours quelque chose de complaisant et de répugnant : comme si on léchait la poussière ». Il mélange sur sa palette humour tendre et réalisme, à nous faire monter les larmes aux yeux. Le taureau de cinq cent kilos qui rechigne à entrer dans l’arène devient une métaphore annonciatrice de la fin du commerce de proximité sacrifié sur l’hôtel du profit. Un livre inoubliable. Fabuleux, comme le dit Yann Moix. Nous avons voulu en savoir plus sur Anthony Palou. Il se dit Breton « avec quelques gouttes de sang pimentées espagnoles ». Il se sent Breton « par embruns, varech, crabes, araignées, palourdes roses des Glénans, fou de Bassan, mouettes… » Il aime le côté rogue, graniteux de la Bretagne. Il admire Chateaubriand, « l’écrivain à cheval entre deux siècles qui ouvre la porte du XIXème siècle. Ce fils de Rousseau, le père de Hugo, Lamartine, Vigny, le père du romantisme royaliste et catholique et, osons, le grand-père de Baudelaire, l’ancêtre de Barrès… » Pour lui « les Bretons sont une diaspora. Pas besoin d’y vivre pour la sentir. Comme Pasteur s’est inoculé la rage, celui qui s’est inoculé la Bretagne bave, toute sa vie, d’écume ». Quand on lui demande si « Fruits & légumes » est un roman autobiographique, Anthony Palou sourit : « C’est une ratatouille. Pas d’autofiction chez moi, pas d’introspection, quelle horreur, ce ragoût de l’égo est si vulgaire. Si on veut parler du moi, c’est le Fellini de « Amarcord » ou de « 8 ½ », si vous voulez. Même s’il parle de lui, l’artiste se doit être un menteur, c’est-à-dire un prestidigitateur. Un tricheur. Alors oui : le cadre de « Fruits & légumes » est vrai mais le tableau qu’il renferme est miné. C’est un faux. Je suis le faussaire de ma vie. Il faut toujours travailler dans la fausse monnaie ». En écrivant « Fruits & Légumes », il s’est rendu compte que le petit commerce avait été peu ou prou déserté par la littérature : « Dutourd, ce dernier des Mohicans, fut le dernier à écrire là-dessus, c’était « Au bon beurre ». Alors, bien sûr, le petit commerce, tout de suite, quand on en parle, il y a ce côté étiqueté « poujado ». Palou n’a pas tort : les petits commerces furent en grand danger dès la fin des années 60 avec l’arrivée des hypers puis des supermarchés. « Beaucoup d’entre eux ont dû baisser le rideau de fer, mettre la clé sous la porte. Regardez aujourd’hui certains villages, les bourgs saignés de leurs commerces de proximité. Mais, je pense, que tout n’est pas perdu, j’ai l’âme optimiste, convaincu qu’il y a un sens de l’histoire, comme on dit, qu’on reviendra aux fondamentaux ». Le secrétaire de Jean-Edern Hallier a gardé de son mentor, le sens de « la volonté de la volonté ». « Celle d’être celui qu’on doit être. Jean-Edern avait tous les défauts, sans doute était-ce là sa principale qualité ». Proche de Bernard Frank, il aimait cet écrivain « au dos rond, le poil soyeux, la langue râpeuse. L’élégance et le style absolu, le raffinement. Il avait ce côté, comment dirais-je, ce côté imper froissé, ce côté mastic, Humphrey Bogart des lettres, très classe, très « Grand sommeil » qui, mine de rien, faisait la pluie et le beau temps. Il était l’esprit français, l’esprit et le vin, ce n’est qui n’est pas une petite chose, le saint-Julien et le champagne, quelque chose entre Stendhal et Constant, Chateaubriand et Proust… Sa chronique du jeudi – celle du Monde puis de l’Obs – était notre gigot du dimanche. » Anthony Palou a beaucoup lu, il s’y connaît autant en musique, en cinéma, en art ou en philo. Ses réalisateurs de cinéma préférés ? Chaplin, Fellini. Ses musiciens ? Josquin Desprez, Monteverdi, Vivaldi… et puis Monk, Trenet… Ses peintres ? Velasquez et Bacon, et tout Venise…La philosophie prime : « elle se doit être l’enseignement de « l’apprendre à vivre » ». La philosophie se résume à très peu de chose, en fait : la théorie, la morale, le salut. A partir de là, il faut faire son marché, son panier. Soit on choisit la raison pour se sortir de cette embrouille, c’est-à-dire avec les moyens du bord, soit on s’en sort par la foi que, personnellement, je n’ai pas. L’homme est un macaque qui peut s’en tirer comme ça, en faisant un œuf à la coque, en faisant de l’art qu’il pense être le crime parfait ».

Yann Queffélec : « Dictionnaire amoureux de la Bretagne ». Ed Plon.
Yann Queffélec incarne la Bretagne. Fils de l’écrivain, Henri Queffélec, frère de la pianiste Anne Queffélec, il a grandi l’Aber-Ildut. Moniteur à l’école de voile Jeunesse et Marine, il a navigué avec Éric Tabarly avant de publier à trente deux ans une biographie de Béla Bartók. Quatre ans plus tard, il reçoit le prix Goncourt pour « Les Noces barbares. » Depuis, il publie des romans aux personnages en mal d’amour. Le « Dictionnaire amoureux de la Bretagne » est un récit personnel, un voyage au pays du vent, des travailleurs de la mer, des Pardon, des peintres de Pont-Aven. La Bretagne de son enfance, de ses peurs, de ses rêves, de ses amours, un pays du bout du monde. Comme un peintre sur une falaise, Queffélec glane des impressions, les souvenirs surgissent : il revient à la maison familiale, revoit les objets fétiche, fait revivre les siens avec tendresse. Conteur, il s’enflamme pour l’Ankou, le moissonneur des corps, dont lui parlait Pierre Jakez Hélias, la pêche à l’araignée, les Celtes. Sa Bretagne est celle des poètes et des écrivains : Hugo, Chateaubriand, Segalen, Max Jacob… Irène Frain, Gilles Martin-Chauffier, Patrick Mahé, Anthony Palou… Généreux, chaleureux, Queffélec a l’esprit large, ouvert sur l’océan. Dans ce formidable abécédaire, la Bretagne surgit, avec ses marins, ses pêcheurs, ses goémoniers, ses traditions, sa cuisine, ses écrivains, ses bateaux, ses îles, ses criques, sa lumière, sa force. Un livre fascinant au style puissant. Amoureux, très amoureux de ce pays où « nulle part, je n’ai respiré cet air vif, anisé, salin », où les femmes sont vraies, il va recherchant « dans sa voix d’homme l’enfant qui perdure en lui, le bugaled Breizh intemporel sous l’hermine de ses aïeux ». « Bretagne chérie, mon pays d’Armor, écoute-moi ».

Edouard Brasey « Les pardons de Locronan ». Ed. Calmann-Levy
Cet été, début juillet ; aura lieu a Locronan la Grande Troménie, ce parcours druidique devenu un pèlerinage chrétien auquel participent les Bretons des alentours et des milliers de pèlerins venus d’ailleurs. La légende veut que la druidesse, la Kéban ait enfermé sa fille dans un coffre pour que saint Ronan ne la convertisse pas. On retrouve au bord du chemin de la procession la Jument de pierre sur laquelle les femmes stériles se frottaient. Edouard Brasey a eu l’idée d’évoquer ce pardon sous forme d’un roman à suspense. Juillet 1911, à l’heure de la Troménie, Linette quitte son atelier de tissage (les tisserands de toile à bateaux firent la fortune de Locronan). La jeune fille est courtisée par Yves, artiste peintre. Elle lui préfère Tanguy, même s’il dénigre la religion et ses traditions. Le lendemain de la procession, l’eau du puits de la place a été empoissonnée : on compte les morts. Une série de crimes s’enchaîne. Qui est coupable ? Qui poursuit la petite cité médiévale de sa haine ?

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