pascale bordet

Pascale Bordet : « je porte du blanc pour m’oublier et qu’on ne m’oublie pas »

Partagez l'article !

Par Julie Cadilhac – bscnews.fr/ Pascale Bordet a commencé sa carrière de costumière de théâtre en 1982 aux ateliers de l’Opéra Garnier et au Théâtre du Trèfle.

propos recueillis par

Partagez l'article !

Elle travaille depuis comme indépendante, principalement pour le théâtre privé. Pour des pièces classiques ou contemporaines, elle a notamment « habillé » Michel Bouquet, Isabelle Carré, Cristiana Reali, Francis Huster, Michel Aumont, Sara Giraudeau ou encore Annie Duperey qui a rédigé la préface de son dernier Beau-Livre. Elle a été nominée depuis plus de dix fois aux Molières et a reçu deux fois le Molière de la meilleure créatrice de costumes en 1999 et en 2002. En 2000, elle a été également récompensée du prix Renaud-Barrault. Après avoir publié chez Actes Sud, La Magie du costume, est paru en janvier 2012 les Cahiers secrets d’une costumière de théâtre, une petite merveille qui enchantera tous les amoureux du théâtre. Pascale Bordet habille les comédiens tout en les dessinant. Son livre regorge de croquis attrayants et expressifs auxquels s’ajoutent des commentaires manuscrits, témoignages du travail en gestation. Avec la complicité des superbes photographies de Laurencine Lot, elle nous permet de pénétrer dans les coulisses de son métier aussi passionnant qu’exigeant et protège à sa manière cet artisanat théâtral et ce savoir-faire unique. Chapitre après chapitre, on jouit de son écriture espiègle et imagée et l’on s’émerveille devant ses créations. Pascale Bordet , depuis l’armoire à rêves de ses parents artisans à ses dernières confections de costumes, confie ses secrets de création, citent des maximes de grandes personnalités du théâtre qui l’inspirent et nous détaillent ce qui fait la spécificité d’un costume de théâtre. Ce Beau-Livre est mené avec passion et pertinence : il vit et , page après page, parce que Pascale Bordet est une magicienne tapie dans l’ombre, l’envie urgente de se rendre au théâtre nous saisit…d’ailleurs, il ne serait pas étonnant qu’en le fermant, vous ne soyez persuadé d’avoir entendu résonner des applaudissements….en tous cas, nous, on applaudit! Le costumier fait partie des métiers trop méconnus du théâtre. Officiant dans l’ombre, il participe pourtant, dès le début, au processus de création. Souvent, les comédiens attendent impatiemment le moment, dès les répétitions, où ils vont revêtir leur costume de scène pour affiner leur interprétation, pour mieux entrer dans la peau de leur personnage.Le témoignage de Pascale Bordet nous éclaire sur son approche. Après avoir commencé au Théâtre du Trèfle et aux ateliers de l’Opéra Garnier à Paris (1982-1986), elle travaille comme indépendante pendant plus de vingt ans, principalement pour le théâtre privé et, de temps à autre, pour la télévision ou la scène musicale. Depuis ses premières collaborations avec Jean-Paul Farré, elle ne cesse plus, habillant Michel Bouquet, Jacques Dufilho, Isabelle Carré ou Cristiana Reali, travaillant pour Georges Wilson, Jean-Claude Brialy, Georges Werler, Alain Sachs ou Stephan Meldegg, pour des pièces classiques ou contemporaines.

En lisant votre armoire à rêves, premier chapitre de vos carnets, on pense au « buffet » d’Arthur Rimbaud….on vous l’a déjà dit? En plus du goût du tissu, vous avez le goût du mot! Quelle a été la genèse de cet ouvrage?
Mon livre m’a été nécessaire, vital ; j’avais besoin d’expliquer mon métier, comment je le faisais et faire découvrir les coulisses où je passe ma vie. Il m’a fallu quatre années pour le construire.

Si vous êtes douée avec une aiguille et un fil, vous ne l’êtes pas moins avec un crayon et l’aquarelle….où avez-vous appris à dessiner?
Je n’ai jamais pris de cours de dessin, mais j’ai toujours dessiné et peint depuis l’enfance, sur un coin de table.

Vous dites qu’  » il faut commencer par apprendre les époques, historiques, toutes, l’histoire du costume et toute l’histoire, car tout est lié et a un sens culturel et politique ». Un sacré travail en amont en plus de la lecture de la pièce et l’analyse de ses personnages…. Vous précisez cependant « qu’on n’échappe pas à sa propre époque, on revisite toujours le passé à travers le présent ». Vous faites donc tout sauf un travail de reconstitution …parce que vous le jugez inintéressant au théâtre ou que cela ne vous intéresse pas personnellement?
Je ne fais pas un travail de reconstitution ; au théâtre il y est question de création pour moi, et je juge beaucoup moins intéressant le copier/coller ; même un simple dessin s’il est créatif vaut des milliers de mots et de photos.

De nombreuses citations s’invitent ça et là dans les pages de votre livre….le signe d’une amoureuse de la formule? de la réplique?
Bien sûr que j’aime les formules.

Si vous deviez citer un costume qui vous a été particulièrement compliqué à concevoir?
Le costume le plus compliqué à concevoir, c’est celui que je fais en ce moment ; c’est-à-dire toujours celui que je cherche au présent. Une fois trouvé, je ne le trouve plus compliqué.

Et celui dont vous avez été le plus fière?
Le costume du Roi se meurt de Michel Bouquet est le costume dont je suis le plus fière parce qu’il me dit qu’il joue bien avec… et ça fait dix ans qu’il le joue. D’ailleurs tous les costumes du « Roi » je les ai faits à la main. Ils m’appartiennent mais je vais en faire don au théâtre

En avez-vous gardé certains? Pour les mettre dans une armoire où vos enfants puis petits-enfants pourraient fouiller?
Je ne veux rien posséder car ça brouille la création à venir : j’aime la page blanche et recommencer à chaque fois.

Avez-vous des matières de prédilection? et d’autres qui sont vos bêtes noires en confection?
Mes matières de prédilections sont avant tout anciennes, je me nourris de leur vie et à moi d’en faire toute une histoire ; je n’aime pas les matériaux chimiques modernes, flasques et sans vie.

Vous expliquez que le costume de théâtre commence par la chaussure, doit être facile à enfiler, doit avoir des colifichets qui font sens …recette après recette, on rencontre une dame qui a l’art de raconter des histoires et aurait pu être tentée , au théâtre, de les raconter autrement qu’au travers des tissus?
Je raconte des histoires avec des costumes ; je ne suis que costumière pas comédienne ; moi j’ai les tissus pour dire les mots, et je me cache derrière ; j’aime bien qu’on ne me voit pas, qu’on découvre les costumes porteurs de sens, et seulement, moi, bien après.
Si vous deviez citer une pièce dont les costumes vous ont convaincu que costumière de théâtre était votre vocation, laquelle serait-ce?
En autres, c’est d’abord Le Roi se meurt dont les costumes m’ont convaincu que costumière de théâtre était bien ma vocation.

Y a -t-il un personnage de théâtre dont vous aimeriez créer le costume…et qui ne s’est pour l’instant pas proposé à vous?
J’aimerais tout autant re-costumer Le Misanthrope mais cela ne s’est pas retrouvé.

Vous dîtes que dans chaque costume de théâtre, vous ajoutez un gri-gri pour rassurer le comédien….un secret entre vous et lui. La costumière est un peu la « maman » de la pièce? celle qui chouchoute et fait briller sur scène ses enfants parfois capricieux mais sur lesquels elle garde un oeil toujours prévenant?
La costumière est un peu « maman » à rassurer les comédiens mais aussi infirmière des âmes, psychanalyste, jardinière des humeurs, protectrice de ces « gentils animaux » que sont les acteurs !

Enfin, si vous deviez citer une phrase qui, selon vous, explique à la perfection votre métier, laquelle serait-ce?
Personnellement je ne porte que du blanc et je dis : je porte du blanc pour m’oublier et pour qu’on ne m’oublie pas ! C’est une des phrases qui expliquent bien mon métier.

> Le site de Pascale Bordet : www.pascalebordet.fr

A lire aussi:

Le monde de l’entreprise aux prises du théâtre et des nouvelles technologies

Georges Lavaudant, Patrick Pineau, Frédéric Borie, Marie Kauffmann et l’impétueux Cyrano

Jean-Michel Ribes au pays du non-sens et de l’humour

Frédéric Diefenthal et Catherine Jacob : Rencontre avec Gaston et la duchesse Dupont-Dufort du Voyageur sans bagage

Gwendoline Hamon : le voyageur sans bagage, une histoire de familles

Omar Porras : « C’est la scène qui nous oriente tous »

Il vous reste

0 article à lire

M'abonner à