Les Mystères de Paris : du romantisme noir sur les planches
Par Julie Cadilhac – bscnews.fr/ © BMP Palazon 2012 / Le roman d’Eugène Sue a le talent, au sein d’une atmosphère sombre et entachée de meurtres crapuleux, de faire percer quelques notes d’espoir et de justice salvatrices. Il y est question d’un jeune aristocrate, Rodolphe, qui se déguise en ouvrier pour approcher les plus démunis et leur venir en aide. Il rencontre dans Paris trois êtres lumineux: Fleur-de-Marie, une jeune orpheline que la pauvreté a mené à la prostitution et à la prison, le Chourineur qui se repend de ses meurtres passés en étant généreux et la singulière et sage Rigolette …mais il va subir également les affres d’êtres aux agissements monstrueux comme l’affreuse Chouette ou encore le vénal notaire Ferrand.
Au fur et à mesure des ricochets dramatiques, Rodolphe apprendra des vérités , à propos de sa propre histoire, d’une noirceur qu’il ne soupçonnait pas. Aussi, dans ce Paris des bas-fonds où l’on croise des individus dignes des plus grands drames de Zola, Eugène Sue a placé des âmes dont la candeur, l’honnêteté et la générosité soulagent et apaisent. L’auteur offre cependant des répits provisoires plutôt que des rédemptions ; le poids des hérédités et des vécus semble inexorable. La mise en scène de William Mesguich réussit assez aisément à nous faire entrer dans cet univers encanaillé entre chien et loup . En outre, la direction d’acteurs, la scénographie, les jeux de lumière, les effets sonores et les clins d’oeil anachroniques ne sont pas sans rappeler l’univers coloré et déjanté de Baz Luhrmann dans son Moulin Rouge. Le choix de faire endosser plusieurs rôles à chaque comédien est plaisant, celui de Monsieur Loyal, narrateur amusé et critique, leur étant commun ; Sterenn Guirriec incarne de façon très touchante la candeur de Fleur-de-Marie, Marie Frémont est une Rigolette attrayante, William Mesguich un Rodophe élégant. Les rôles plus machiavéliques sont parfois moins convaincants, même si l’on conviendra aisément qu’il n’est pas simple de jouer de façon vraisemblable une sorcière ou un ogre aux yeux crevés (en y mettant un peu plus de nuances peut-être?).
Pour conclure? Voilà un spectacle attrayant pour de nombreuses raisons : l’écriture – épique et polémique par touches – d’Eugène Sue nous rappelle les misères du XIXème siècle et nous amène à réfléchir sur la question de l’amélioration réelle des conditions de vie des moins favorisés aujourd’hui, le choix d’une esthétique en noir-blanc et un rien désuète est tout à fait charmante; enfin la mise en scène un rien baroque amène de la couleur, indispensable pour ne pas sombrer dans ce » Paris de bandits ». N’hésitez donc pas à profiter de cette fresque historique dans laquelle les méchants sont si malveillants qu’ils semblent sortir d’un film burtonien …et puis, profitez! on vous offre l’opportunité d’embrasser en 2h15 une oeuvre majeure de 1200 pages! C’est aussi ça, le génie et la magie du théâtre!
Les mystères de Paris d’Eugène Sue
Mise en scène : William Mesguich
Adaptation: CHarlotte Escamez
Avec Jacques Courtes, Zazie Delem, Romain Francisco, Marie Frémont, Sterenn Guirriec, Julie Laufenbuchler, William Mesguich
Production déléguée du Théâtre de l’Etreinte
Dates de représentation:
– Le jeudi 18 avril 2013 à 20h30 au Théâtre Jacques Cœur de Lattes (34) – Mas d’Encivade, 1050 Avenue Léonard de Vinci 34970 Lattes
– Du jeudi 16 mai 2013 au dimanche 16 juin 2013 ; Du mardi au vendredi à 20h et le dimanche à 16h au Théâtre de la Tempête (Grande Salle) à Paris (75)