À la santé d’Henry Miller: la quête initiatique de Balthazar

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Par Mélina Hoffmann – bscnews.fr/ « Le passé ne doit pas être un refuge facile, pratique, qui se transforme en réalité encombrante, en piège, un lourd fardeau qui plombe l’existence, le maléfice de la lucidité. Le passé est le passage vers le présent. L’imagination se ballade, flirtant entre la mémoire et l’oubli. Comme le courage et la lâcheté, si proches qu’ils finissent par se confondre, le souvenir et l’oubli n’ont d’autre solution que de cohabiter, devenir complices. Tout repose dans le dosage. C’est un peu le sens de mon histoire. »

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Il est des rencontres comme des séismes, capables de faire s’effondrer les fondations de toute une vie. Pour un sourire, un visage, quelques mots, une simple présence, c’est parfois tout un univers qui bascule. Pour un lien qui ne s’explique pas, pour une destination inconnue, pour une incertitude, on a envie de se perdre, de quitter le confort rassurant d’un quotidien sans surprise, de se mettre en danger. C’est au cours d’un mariage auquel il est invité que Balthazar Saint-Cene, antiquaire de renom sur la place de Paris et quarantenaire misanthrope, rencontre Alma, une femme mystérieuse et troublante à laquelle il se sent immédiatement lié sans toutefois parvenir à définir la nature de ce lien. Elle dit être son ange gardien, s’échappe sans qu’il n’ait le temps de la retenir puis lui revient, évanescente… Elle sait tout de lui. D’elle il ne sait rien. Pourtant, cette fascination, ce besoin irrépressible et soudain de ne plus s’en séparer. « Il nous fallait rattraper le temps perdu, réparer l’injustice de ne pas s’être rencontrés avant, bien avant, depuis le début, depuis toujours… » Est-elle seulement réelle ? On en doute parfois.Entre curiosité, obsession et remise en question, Balthazar décide alors de tout quitter – femme, enfant et activité professionnelle -, pour enfin peut-être se trouver lui-même. Car au-delà de cette Alma – à la fois si proche et si inaccessible – dont il veut suivre la trace et percer les mystères, c’est avant tout sur celle de sa propre existence qu’il se lance. « Qu’est-ce que j’allais en faire, de cette liberté ? Peut-être revenir au point de départ ? Est-ce que tout est inscrit quelque part ? Peut-on modifier même une petite ligne de ce qui définit ce que nous sommes, et ne cessons jamais d’être ? »Tout au long de ce qui se révèlera être une véritable quête initiatique, Balthazar – en proie à ses propres contradictions et à un passé douloureux – se livre à un dialogue intérieur avec sa conscience, incarnée par Henry Miller. Choix évidemment judicieux que ce romancier américain qui se voulait en recherche perpétuelle de sa pleine libération, aspirant à l’intensité dans la vie comme dans l’art. L’œuvre d’Henri Miller – sujet à de nombreuses controverses – combat le puritanisme anglo-saxon et fait l’éloge d’une sexualité libérée dont il est beaucoup question au début de ce livre notamment.La légèreté et l’écriture parfois crue des premiers chapitres cèdent peu à peu la place à un fond plus énigmatique et profond, teinté de nombreuses interrogations, et abordant avec beaucoup de justesse la complexité des liens familiaux, notamment le lien père-fils à travers la relation entre Balthazar et son père : « D’amour pur et simple, il ne fut jamais question… On ne peut obtenir de ce type d’homme, ni effusion, ni tendresse. J’en ai pleuré souvent, même si j’ai du mal à l’avouer (…) Aujourd’hui encore, je conserve de mon enfance une boule douloureuse dans le creux du bide, et un ganglion rouge, même en été. » Olivier Bernabé nous offre un livre bavard mais néanmoins captivant et touchant, aux personnages fouillés et attachants. Aussi, malgré les quelques longueurs que l’on pourrait lui reprocher, les rebondissements nombreux nous mènent avec rythme jusqu’à un dénouement surprenant. On suit avec intérêt l’évolution de cet homme bien décidé à trouver les pièces manquantes du puzzle de sa vie et à les assembler dans le bon ordre. On s’approprie certains de ses questionnements, ses doutes, ses craintes, ses raisonnements. On sourit, on réfléchit, et c’est un peu à contrecœur qu’on le quitte, ce Balthazar…

À la santé d’Henry Miller – Olivier Bernabé
Editions Persée

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