Comment avez-vous l’idée de vous lancer dans des nouvelles érotiques ?
Je ne parlerai pas de nouvelles à proprement érotiques, mais plutôt sociétales; j’ai eu envie d’évoquer la sexualité dans ce qu’elle nous renseigne sur l’état de notre monde. Nous vivons au rythme des nouvelles technologies, des progrès de la science, du culte de la jeunesse, de la consommation à outrance, de l’impératif de la beauté, de la jeunesse. Forcément la sexualité, c’est à dire notre part la plus intime, est influencée par cet air du temps. Je mets donc en scène ou plutôt en saynètes des hommes et des femmes en proie à leur fantasme ou à leur cauchemar sexuel le plus inavouable et je les regarde s’en démêler !
Quel était votre projet ?
Je voulais parler du désir, de ses frustrations, des impératifs auxquels nous obéissons, du sexe comme métaphore des relations homme – femme. Le titre, volontairement guerrier, exprime les batailles que l’on se livre et que l’on livre à l’autre : il faut être beau, aimable, intelligent, riche si possible, performant au lit et débordant d’imagination, bref l’amour au XXIème siècle est un art difficile que j’essaie d’explorer avec humour mais en dénonçant aussi au passage quelque travers, obsessions, et tics de notre époque.
Quelle image avez-vous voulu donner de la sexualité ? Quel est votre regard sur la vie sexuelle aujourd’hui ?
Jamais nous n’avons été aussi libres en apparence : on peut, entre adultes consentants, réaliser tous ses fantasmes. Mais derrière cette liberté, se cache des diktats, des obsessions : regardez l’importance de la chirurgie esthétique, même intime, du corps avec tatouages et piercings, de l’âge avec le jeunisme ou les cougars, les préoccupations écolo même au lit, l’influence du porno sur les jeunes générations, l’injonction pour les femmes, même lorsqu’elles viennent d’accoucher, de monter au rideau …
Entre les apparences et la réalité, il existe un fossé que j’ai voulu illustrer. Que se passe-t-il quand deux acteurs de film porno tombent amoureux ? Comment réagir quand sa meilleure amie connaît un flou dans son identité sexuelle ? Pourquoi maigrir ne fait pas forcement avancer votre libido ? Voilà des thèmes qui me servent à explorer la nouvelle géométrie amoureuse.
Qu’est-ce qui vous a inspiré dans ces petites histoires de séduction ? Sont-elles un peu autobiographiques ?
Je suis romancière et j’ai vu dans notre nouvelle carte du Tendre une façon de confronter mes personnages à des fiascos amoureux en cascade et je suis aussi journaliste, spécialisée en sujets de société. Or, depuis quelques années, on voit poindre de nouveaux comportements amoureux. Connaissez vous le trouple, l’Air Sex, les polyamoureux, les sex -friends ? Autant de concepts rigolos venus d’Amérique qui arrivent chez nous et que j’ai voulu confronter à la vraie vie …
Pour ce qui est de l’autobiographie, je me retrancherai derrière le mot de Flaubert, « Madame Bovary c’est moi !» .
Ecrire de la littérature érotique est-il un exercice difficile ? Comment vous y prenez-vous ?
Je ne décris pas des corps en action, donc je ne pense pas qu’il s’agisse d’un texte érotique à proprement parler mais j’évoque des situations où je me concentre sur le ressenti des personnages. Que se passe-t-il dans la tête d’une stagiaire victime de harcèlement au bureau ? Comment peut on conjuguer libido et bio ? Que se passe-t-il quand après la naissance on préfère son bébé plutôt que son mari ? Comment l’achat de sex toys peut mener à la rupture ? Pourquoi les hommes achètent ils des cadeaux aussi ridicules à la Saint Valentin ? Quelle ligne de conduite a adopter quand on retrouve un ex sur Copains d’Avant ou Meetic ? Voilà ce qui m’amuse. Si le trouble nait chez les lecteurs, c’est un plus mais ce n’est pas le but premier…
Vous êtes-vous inspirée d’autres auteurs ? Lesquels admirez-vous ?
J’aime beaucoup les « short-stories », nouvelles très courtes américaines avec des auteurs comme Richard Yates, Alice Munro ou mon idole, Joyce Carol Oates. Il faut sur deux pages, trois au plus, trouver un ton, camper des personnages, décrire une situation et trouver une chute inattendue, un exercice difficile et jubilatoire. J’ai écrit 80 nouvelles, j’aurai pu continuer, tant les idées arrivent, ne serait ce qu’en tendant l’oreille, .
Vous êtes journaliste à Avantages, parlez-nous de votre travail. De vos derniers coups de cœur, des sujets qui vous intéressent.
Je m’occupe en effet des sujets de société et j’ai travaillé sur les nouvelles théories du bonheur, chez les économistes (Daniel Cohen par exemple ). Je suis passionnée par l’actu comme le mariage homo ou la consommation collaborative. Je travaille également comme critique littéraire pour ce magazine et pour Service littéraire et je lis environ 12 livres par mois. Enfin je termine un quatrième livre, un roman autobiographique dans la veine du premier « Et le jour pour eux sera comme la nuit » . Bref, heureuse et occupée !
Ariane Bois – Dernières nouvelles du front sexuel – l’Éditeur
( photo DR)
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