Antoine Guiloppé : l’art délicat de la découpe
Par Julie Cadilhac – bscnews.fr/ S’il vous arrive de parcourir les rayons des librairies jeunesse, en quête d’une merveille livresque à offrir à un petit bout, vous connaissez à n’en point douter le travail superbe d’Antoine Guiloppé.
Auteur et illustrateur de nombreux albums parus notamment chez les éditions Philippe Picquier, Thierry Magnier et Casterman, les tout derniers, parus chez Gautier Languereau, Plein Soleil et Pleine Lune, ont remporté un succès unanime. Ce jeune artiste, né à Chambéry et vivant aujourd’hui en région parisienne, a imaginé pour ces trois dernières parutions des albums riches en contraste dont les pages sont des oeuvres dignes de virtuoses dentellières. On y découvre un bestiaire aussi attirant que mystérieux et des paysages entre ombres et lumières. Il nous présente ici son dernier ouvrage, Ma jungle, qui fera rugir d’étonnement ravi enfants et parents!
Qui est Antoine Guilloppé? On a tendance à vous imaginer comme Edward aux mains d’argent….
Je comprends, mais la réalité est bien plus simple. Je ne suis qu’un auteur-illustrateur, comme tant d’autres, avec ses crayons et sa gomme!
La nature et ses animaux sont votre thème de prédilection…tout gamin, vous passiez des heures à rêver de jungle et de paysages sauvages?
Il est évident que mon enfance savoyarde, avec ses longues promenades d’hiver en forêt, a influencé mon travail et alimenté mon imaginaire. Je suis un vrai citadin qui ne peut pas se passer de la nature! Quant à la jungle ou la savane, je n’y ai jamais mis les pieds, c’est ça l’imagination!
Avec quels outils et matériaux travaillez-vous pour vos découpes laser? Pouvez-vous nous expliquer en mots et /ou en dessins quelles ont été les étapes d’une de vos découpes de Ma jungle?
La découpe laser est la toute dernière étape d’un processus de création qui commence, comme toujours, par une idée, un crayonné, un encrage et c’est seulement à l ‘impression que le découpage se fait. Souvent on parle de la beauté d’un original car on peut admirer ses coups de pinceaux, la qualité de ses couleurs, le texture de la peinture mais dans le cas d’un album comme »Ma jungle » c’est surtout le résultat qui est spectaculaire (vous trouverez à côté un croquis d’avant encrage). Concrètement, je ne manipule aucun laser! Je conçois le livre, l’histoire, les dessins et j’apporte l’idée du découpage mais ensuite ce n’est plus qu’une question de compétence technique de l’imprimeur. Je n’ai pas eu à découper moi-même une image, cela aurait été laborieux et finalement moins bien réalisé. J’ai croisé depuis des spécialistes du découpage papier, c’est très impressionnant mais passer des heures avec un cutter à découper des formes n’était pas mon idée de départ. Je voulais qu’une machine soit au service de mon idée.
« Ma jungle » cherche à développer l’imaginaire de l’enfant, le sensibiliser à la fragilité d’un objet d’art, le sensibiliser à la beauté mystérieuse de la nature?
Quand j’écris une histoire, je laisse toujours une grande part de non-dit au lecteur pour qu’il fasse appel à sa concentration et à ses sensations. J’adopte un rythme qui permet au lecteur de poser ses propres notes sur ma partition. La qualité de fabrication de cet album impose une lecture calme et posée. Ce côté élégant, qui peut faire penser à un objet d’art, est dû à l’apport de mon éditrice qui a tout de suite vu en mon idée un « beau livre ».
Lumières et ombres se partagent la vedette dans vos albums : vous êtes un artiste des contrastes?
Je crois qu’on peut le dire! Depuis plusieurs années maintenant je travaille sur les contrastes forts et je n’ai pas trouvé plus tranché que le noir qui côtoie le blanc. Même sur les sentiments qui circulent dans mes albums, j’aime jouer avec la peur et l’inquiétude pour les confronter à la douceur et au réconfort.
Quels sont vos mentors en matière d’art pictural et plastique?
Sans hésiter, je peux dire que Frank Miller, Franquin et ses » Idées noires » ou encore Hermann ont été des guides décisifs dans ma manière de concevoir une image. La bande dessinée a eu une place très importante dans mon éducation. Pour ce qui est des peintres plus « classiques » j’ai, comme beaucoup de personnes, été très impressionné et séduit par Edward Hopper qui, pour moi, était aussi un artiste du non-dit. Il y a une grande part d’imaginaire qui traverse son œuvre. C’est fascinant. J’ai déjà croisé quelques-unes de ses toiles et je ne vais pas manquer de me ruer au Grand Palais!
Si vous deviez citer une phrase qui vous définit bien, laquelle serait-ce?
C’est une question difficile mais une phrase me vient à l’esprit: « Je ne veux pas que vous imaginiez que je veux répandre la haine. Si vous m’aimez, je vous aime. Mais ceux qui ne m’aiment pas, alors, non, ceux-là, je ne les aime pas. » Malcolm X
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