Les charmes : trois ouvrages pour tenter de les débusquer

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Par Pascal Baronheid –bscnews.fr/ Le charme est-il une notion volatile ? Différents mais avec la beauté, le trouble, l’émotion pour dénominateurs communs, trois ouvrages tentent d’en débusquer les … charmes. Non sans bonheur.

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Le charme selon Harold Cobert serait susceptible d’apporter de la douceur dans un monde trop brut. Pour le rencontrer, l’écrivain a emprunté de curieux chemins, entrant en littérature par Honoré-Gabriel Riquetti de Mirabeau, auquel Hugo attribuait une laideur grandiose et fulgurante, mais qui fut comblé de l’abandon de plusieurs femmes « dans une fièvre physique incandescente ». Cousin de la séduction, en relation avec la beauté, l’érotisme, la transgression, le charme est aussi une manière de cultiver le mystère, d’avancer sous des apparences contradictoires. Ce n’est pas innocemment que Cobert emprunte son épigraphe à Oscar Wilde : « on devrait toujours être légèrement improbable ». Il s’emploie à l’être, dans un essai agréable, solidement charpenté, oscillant de la diaphanéité spirituelle aux euphémismes charnels.
Pour sa part, Jean Feixas joint au geste des auteurs qu’il convoque la parole des images venues illustrer la toute-puissante érotique du bas. Une magie d’autant plus intense qu’elle est suggérée de manière subreptice. Par un mouvement de jambes, un coup de vent fripon, la petite musique rauque de deux bas qui se frôlent, l’éclair subjuguant du nu clair de la peau, loin en amont du rêve le plus fou. « alors j’ai des avant-goût du paradis » écrivait Jean Lorrain. L’album propose l’histoire du bas, de l’Antiquité à nos jours, à travers ses formes, ses matières, ses emplois, sa symbolique, ses fantasmes et son indétrônable empire. Brigitte Bardot, Baudelaire, Marlène Dietrich, Courbet, Nougaro, Souchon ont enluminé la légende. Des amateurs naïfs furent confondus tel, en 1889, cet esthète étourdi, comparaissant devant un tribunal parisien pour s’être assis devant une station de tramway afin de lorgner les bas des voyageuses qui gagnaient l’impériale en retroussant leur jupe. Laissons au trousseur émérite que fut Victor Hugo cet joli mot de la fin :

Jeanne a laissé de son jarret
Tomber un joli ruban rose,
Qu’en vers on diviniserait,
Qu’on baise aimablement en prose

S’il est malaisé d’endiguer la marée des nouveautés d’automne et de ne pas laisser une perle fine échapper à l’attention, pareille mésaventure peut survenir avant l’été. Réaliser que l’on n’est pas le seul à la vivre est une manière de consolation. Le roman d’Oscar Coop-Phane (né en 1988) en est l’illustration. Epaulé par une nomination pour le prix de Flore et une sélection pour le prix Wepler, Zénith-Hôtel, objet de notre remords, devient la curiosité de la rentrée. Et ce n’est que justice, tant est prenant l’univers de Nanou, donneuse d’amour.
Les premières lignes : « Quand je me lève, mes dents sont grasses. J’ai un goût sale dans la bouche. Un goût animal un peu dégoûtant. Je le préfère pourtant àchaussure celui que j’ai quand je me couche, celui des autres et de leur crasse. Mon corps me gêne. Il s’étire dans mes draps comme un vieux sac mal gonflé. J’essaye de ne pas trop le toucher ce corps malade ; il y a trop de mains qui l’ont empoigné. Il faut qu’il se repose encore un peu dans mes draps sales ».
Ce que donne Nanou à ses partenaires furtifs est un ersatz du charme, un Canada dry de la tendresse, un carrosse habillé en citrouille. Il y a Emmanuel, qui choisit dans le métro les filles auxquelles il va penser quand Estelle – qui ronfle un peu et est encombrée par la graisse – lui offrira la traditionnelle turlute d’après restaurant. Aussi Victor, qui vit avec son chien Bâton, parce qu’il a fait une croix sur ces femmes bonnes à vous pomper le fric, puis à partir avec un prof de voile. Encore Luc, qui répare des mobylettes et s’abîme à la bière. Sans parler d’Antoine, pour qui le bonheur sentirait la purée et les châtaignes le dimanche après-midi. Une cour des miracles par défaut, un touchant défilé d’humbles, de sans-grade, de voyageurs immobiles restés à quai avec leur malle de frustrations, de solitude, de rêves avortés. On pense à Henri Calet et son « Ne me secouez pas, je suis plein de larmes ». Coop-Phane avance, imperturbable, Coop-Phane touche le fond de l’infortune, immense d’empathie, et même la pire des tempêtes ne l’empêche pas d’atteindre le cœur de la cible.

Harold« Petit éloge du charme », Harold Cobert, François Bourin Editeur, 14 eur
« Le Bas », Jean Feixas, Jean-Claude Gawsewitch, 39 eur – 500 illustrations
« Zénith-Hôtel », Oscar Coop-Phane, Finitude, 13, 50 euros

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