Suite à ses expériences d’écriture pour des livres-cd jeunesse dont la narration a été prise en charge par deux fois par le comédien François Morel, il a imaginé un roman satirique sur le dictateur Adolf Hitler qui, on vous l’assure, séduira autant les adolescents que les adultes. C’est une petite histoire qui ressemble à la Grande dans laquelle on découvre un adolescent despotiquement charismatique qui devient le petit protégé d’une proviseur Maréchale dont la devise est « Travail, Famille, Poterie ». Vous y croiserez la belle France qui oscille entre fascination pour le jeune Adolf et résistance, le grand Charles très doué en football, l’intègre et déterminé Jean et un attroupement d’ados antipathiques qui cherchent à satisfaire à tout prix les folies d’un Führer en puissance. Historiquement passionnant puisqu’y sont insérés des anecdotes méconnues sur le dictateur et farcies de calembours et d’humour joueur, voilà un livre coup de coeur! Rencontre avec un auteur montpelliérain aussi sympathique que talentueux dont on vous conseille de suivre les parutions de près!
Quel est le point de départ de ce « roman hystérique » ?
Tout part du principe que la grande leçon de l’histoire, c’est qu’on ne tire jamais assez les leçons du passé et que quand l’histoire nous repasse ses plats, ils sont souvent empoisonnés. L’éternel recommencement, c’est fascinant. Avec Adolf, c’est « fascisant ». Ça m’a donné envie d’écrire une histoire de fantômes où les revenants sont des personnages historiques qui se réincarnent en adolescents d’aujourd’hui et qui revivent, à leur échelle, les événements tragiques qu’ils ont provoqués dans une vie antérieure. Des personnages avec un corps de jeune, mais une cervelle de vieux. Pour que le récit soit fort, il me fallait des créatures d’épouvante à visage humain. Hitler et sa clique de crétins sanguinaires, y’a pas mieux.
Ensuite, le jeu a consisté à superposer trois « couches » pour provoquer des télescopages et des grincements de dents entre le passé et le présent, la fiction et le réel, le collectif et l’intime. Ce qui est troublant, c’est que ces morts-vivants ont quelque chose d’actuel. « Mein Kampf » va tomber dans le domaine public fin 2015, soit soixante-dix ans après la mort d’Hitler. En Inde, en Indonésie ou en en Turquie, c’est un best-seller dont la plupart des lecteurs sont des jeunes… La bête immonde bouge encore. J’aurais bien titré le livre « Le ventre est encore fécond », mais c’était déjà pris…
Brosser le sale portrait d’Adolf, c’est un acte d’écriture défouloir ?
Oui parce qu’on a tous en nous un petit Adolf prêt à bondir. Se confronter à lui, c’est prendre conscience de notre côté obscur, de notre part d’inhumanité que des circonstances particulières peuvent faire surgir. Des drames personnels ou des tragédies collectives. J’ai essayé d’en rire parce que je ne vois pas d’autre façon de le rendre supportable.
Avant d’imaginer cette satire délicieuse, y a-t-il, à part des ouvrages encyclopédiques ( hum enfin je suppose…?), des fictions qui vous ont donné envie de réécrire la tragédie de la Shoah et de son maître à orchestrer ( Je pense à La part de l’Autre, Maus, Le nazi et le barbier… )?
J’ai failli abandonner plusieurs fois le projet justement à cause de la question de la Shoah. Je ne voyais pas comment en parler avec humour dans un récit parodique. J’ai fait un refus d’obstacle, je voulais me concentrer seulement sur la personnalité d’Hitler et sur ses proches. Mais l’éluder aurait été une faute. Alors, je l’évoque avec des moyens détournés, au travers de la phobie obsessionnelle d’Adolf pour les rats. J’ai pensé au « Rhinocéros » de Ionesco, à « La peste » de Camus, à « Maus » de Spiegelman où les Juifs sont des souris et les nazis des chats. Pour le personnage d’Adolf, j’ai visionné beaucoup de documentaires et bien sûr « Le Dictateur » de Chaplin. Quand on voit les meetings filmés d’Hitler et la gestuelle d’Adenoid Hinkel incarné par Chaplin, on se demande lequel des deux singe l’autre. C’est un personnage tellement grotesque qu’il offre un grand éventail de possibilités comiques sans qu’on ait à forcer le trait, car il est lui-même une caricature. Il paraît qu’Hitler a vu plusieurs fois « Le Dictateur », il n’a sûrement rien compris au film.
Adolf, roman hystérique, est une petite histoire qui ressemble à la grande : elle a des fins pédagogiques souhaitées?
Le livre est plus hystérique qu’historique, mais c’est une farce documentée où beaucoup de choses sont à la fois vraies et invraisemblables. J’ai essayé d’être sérieux sur le fond et divertissant sur la forme. Évidemment, si ma petite histoire pouvait donner envie de se replonger dans la grande, ce serait formidable ! Je suis récemment tombé sur les résultats d’un sondage effectué en 2009 par une association d’anciens combattants écossais auprès de 2000 enfants âgés de 9 à 15 ans. D’après les résultats, 10% pensent que les SS sont des personnages de la série « Le clan des sept » de Enid Blyton, 21% sont persuadés que Goebbels était un Juif célèbre qui a publié son journal intime et 15% qu’Auschwitz était un parc d’attractions… Pour ne pas participer à la confusion des esprits, il y a un tableau de correspondances entre les personnages fictifs et les personnages réels à la fin du livre, ainsi qu’un rappel des dates des grands événements de la Seconde Guerre mondiale.
Olivier Costes aimait-il l’Histoire à l’école ?
J’ai toujours aimé les histoires dans l‘Histoire et préféré la récré à l’école.
Règle-t-il ses comptes avec une Maréchale quelconque qui aurait servi ( et sévi) il y a quelques années dans un établissement qu’il fréquentait ?
Non.
Bref – j’y viens!- comment est venue l’idée de transposer cette Grande Histoire dans une école ?
Le nazisme embrigadait la jeunesse dans les Hitlerjungend. Avec les lebensborn, il les prenait même au biberon pour en faire les « élites » de la race aryenne. Ce sont des éléments qui m’ont décidé à transposer mon récit dans un lycée, pour confronter les démons d’hier à la jeunesse d’aujourd’hui. L’adolescence est une période où on est manipulable, perméable à la pression du groupe. On se cherche des idoles, des repères. On est la proie idéale de tout système de conditionnement.
Sur la quatrième de couverture, on lit que ce bouquin s’inspire d’anecdotes méconnues de l’Histoire…pourriez-vous nous en citer deux parmi celles dont pourraient passer à côté les ignorants que nous sommes ?
J’ai tout découvert de la personnalité d’Hitler en me documentant pour le livre. Je suis tombé de ma chaise plusieurs fois, car quand on met tous les détails de sa vie bout à bout, on arrive à une accumulation de faits incroyables, le plus souvent terrifiants, mais aussi romanesques et grotesques. Je ne savais pas qu’Hitler était le fruit d’un mariage consanguin et que son père le battait, qu’il se destinait aux Beaux-Arts, qu’il a vécu comme un clochard et vendu ses aquarelles pour survivre, qu’il adorait à ce point Wagner, qu’il était végétarien, qu’il a lui-même choisi la croix gammée comme emblème en s’inspirant du pacifique svastika hindou qu’il a détourné, que six des sept femmes qu’il a connues intimement se sont suicidées ou ont tenté de le faire, qu’il eût sans doute la maladie de Parkinson pendant la campagne de Russie et qu’il se savait condamné à un horizon de quatre ou cinq ans (ce qui peut expliquer sa précipitation)… L’un des épisodes les plus tragiques qui illustrent bien la fascination qu’il provoquait à son époque, concerne la famille Goebbels. Magda, la femme de Joseph, a eu avec son mari six enfants. Elle leur a tous donné un prénom qui commence par un H comme Hitler. Après le suicide de son führer, elle les a tous empoisonnés au cyanure avant de se tuer elle aussi…
Vous êtes un adepte des jeux de mots et clins d’oeil espiègles : ça se travaille ou c’est de nature chez Olivier Costes ?
Jouer avec le son et le sens des mots, ça fait partie du plaisir d’écrire et j’espère aussi, du plaisir de lire. Après, tout est une question de dosage. Il ne faut pas que ça tourne à l’almanach Vermot. Comme j’ai toujours peur que le lecteur s’ennuie, j’essaie de faire des phrases vivantes qui ont du rythme et une certaine mélodie. C’est pour ça qu’il y a beaucoup de dialogues dans le livre, ça donne un côté théâtral. En plus, ça correspond bien à Hitler qui croyait à la supériorité de l’oral sur l’écrit.
En haut de chaque chapitre, on trouve des phrases énigmatiques…énoncées réellement à la radio par les résistants? Vous avez poussé le souci du clin d’oeil jusque-là ?
Oui ce sont d’authentiques « messages personnels » de radio Londres. J’adore leur côté absurde et leur poésie surréaliste. Ils ont une douceur étonnante qui contraste avec la dureté de la période. Leur humour était porteur d’espérance. Ne pas sombrer dans la gravité, c’est aussi une forme de résistance. Mes préférés sont ceux avec des animaux : « La vache saute par dessus la lune », « Le cheval bleu se promène sur l’horizon », « Les girafes ne portent pas de faux-col » ou « Le chimpanzé est protocolaire ». Ceux avec les personnages sont bien aussi, il raconte des petites histoires très visuelles : « Tante Amélie fait du vélo en short », « Grand-mère mange nos bonbons ». Il y a également le très beau « L’acide rougit le tournesol » et bien sûr le célèbre « Les sanglots longs des violons de l’automne » qui annonçait le débarquement des Alliés. J’ai gardé « Bercent mon cœur… » et non pas « Blessent mon cœur »comme l’avait écrit Verlaine, car les Résistants faisaient référence au texte de la chanson de Trénet qui présente quelques différences avec le poème original.
Beaucoup de ces messages s’adaptaient très bien à des chapitres où je me moque des marottes d’Adolf : « Le musicien est enthousiaste !» pour la partie qui parle de sa passion pour les opéras de Wagner, « Pierrot ressemble à son grand-père »introduit un passage sur sa généalogie, « Frédérick était roi de Prusse » permet d’évoquer sa fascination pour Frédéric le Grand, « Véronèse était un peintre » pour se moquer du petit talent d’aquarelliste d’Hitler et « Je n’aime pas la blanquette de veau » pour railler son régime végétarien. « La secrétaire est jolie » était parfait pour parler d’Eva (Braun)… J’ai aussi appris que le pom-pom-pom-pom d’introduction des messages signifiait le V de « Victoire » en morse.
Le STO (Serviettes et Torchons Obligatoires) aussi bien que le Ratzkiller sont tout bonnement effrayants…la soumission béate des élèves et du personnel administratif à Adolf fait froid dans le dos… c’est un effet que vous avez travaillé à ménager d’arrache-stylo ?
C’est l’un des grands mystères d’Hitler. Comment ce pervers paranoïaque a-t-il pu entraîner dans sa folie tout un peuple dont la grande majorité était a priori sains d’esprit ? Pourquoi personne n’a réagi à temps ? Quand on le voit aujourd’hui, on ne lui reconnaît aucun charisme, on le trouve idiot, laid, ridicule, pathétique. Mais à son époque, on admirait son génie. Il hypnotisait les foules et avait toutes les femmes à ses pieds. En France, cette soumission à Hitler s’appelait la collaboration. Soumission incarnée par le héros de la Première Guerre mondiale, le Maréchal Pétain. Il envoûtait totalement ses supporters et paralysait ses adversaires. Il a quand même été consacré « Homme de l’année » par le Time Magazine en 1938 ! C’est incompréhensible. Ma seule explication, c’est que dans un monde de dingues, les fous furieux ont une bonne chance de prospérer.
Adolf, roman hystérique, va être augmentée et enrichie pour un public adulte dans une nouvelle version qui paraîtra en janvier 2013: la violence du cercle d’Adolf va-t-elle être décuplée? Allez-vous évoquer les déportations de rats? Les tortures des résistants? bref, que comptez-vous ajouter dont la version adolescente ne dispose pas ?
Le nazisme c’est une salamandre, on a beau couper ses membres, ça repousse toujours. Tous les mois, on fait de nouvelles découvertes. La dernière en date, c’est cette statue bouddhique portant un svastika (croix gammée), que les nazis étaient allés chercher au Tibet en 1938 où ils espéraient trouver les origines de la race aryenne. Déjà cette expédition est rocambolesque, on dirait une aventure de Tintin. Mais ce n’est pas tout. Les scientifiques viennent de découvrir que la statue est faite en matériaux extraterrestres. Elle a été taillée dans une météorite qui s’est écrasée à la frontière de la Sibérie et de la Mongolie il y’a 15 000 ans. Ça vaut Indiana Jones ! Des trucs comme ça, il en sort tout le temps. Je les guette, je les trie et j’essaie de les intégrer dans la nouvelle version du livre. Mais la trame sera la même. Je vais développer quelques détails sur la mystique nazie, le profil psychanalytique d’Hitler, les soins du sulfureux docteur Théodore (Morrell), et ajouter un chapitre économique, car le contexte de crise actuel ressemble un peu à celui que connaissait l’Allemagne entre les deux guerres. L’hyperinflation en moins. Mais des parallèles sont possibles. Par exemple, au mois de mai dernier, les néo-nazis de l’Aube dorée ont profité du chaos et de l’instabilité du pays pour faire leur entrée au parlement grec.
Olivier Costes aime le foot, non? On se souvient de son morceau Champion d’Immonde et de ses métaphores footballistiques : « Fais-moi une passe, je ne peux pas vivre sans but »….Naturellement, vous avez donc imaginé le débarquement en Normandie comme une méga-raclée des « nazillons » par les potes américains et anglais du Grand Charles?
Oui j’aime le foot, mais comme tout le monde, depuis quelque temps, j’ai du mal avec ce sport. Même si l’équipe de France a beaucoup de vertus… soporifiques. Certes, c’est le plus cher des somnifères, mais, depuis que les Qataris ont acheté le championnat, ce sont eux qui payent ! Pour en revenir au livre, le foot se prêtait bien aux instincts guerriers de mes personnages qui n’ont pas vraiment le goût des rencontres amicales. En plus, les stades sont toujours des réservoirs de fanatisme. Adolf, c’est le pire des hooligans, il se sert du sport à des fins de propagande et bafoue toutes les règles. Il est tout le temps hors-jeu. Heureusement, il n’atteindra pas son but. Staline et les Alliés lui mettront un carton rouge.
Aujourd’hui on pense aux matchs de la ligue 1 réservés à ceux qui ont envie de se ruiner en chaînes câblées, l’équipe de France qui ne court pas beaucoup sur le terrain et se met en grève lors des grandes rencontres, les scandales et affaires pas nettes, etc. Une satire du foot en bonne et due forme, décapante et bien salée, où seraient croquées les dérives de l’institution et ses abus, les joueurs et leur peopolisation … ça vous tenterait? ( Nous oui….!)
Peut-être… mais je crains qu’aujourd’hui ce soit plus dangereux de se moquer du foot que d’Hitler.
Vous êtes également l’auteur de deux albums jeunesse : Le Stylo à cancre et le Zarbi Zoo (racontés par François Morel).Qu’est-ce qui vous séduit dans le public enfantin ?
Ce qui me plaît chez les enfants c’est leur cruauté, leur indiscipline et leur immaturité. Qu’est-ce qu’ils sont puérils ! En plus, ils sont très influençables. Du coup, je me sens totalement en phase avec eux, plus libre, plus à l’aise. Non, sérieusement, écrire pour la jeunesse c’est un remède contre la vieillesse. C’est une crème antiride, un lifting pour l’esprit, mais sans bistouri.
Pourriez-vous nous parler de votre prochain livre jeunesse, un livre-CD intitulé « Allo Docteur Ludo (narrateur: François Morel encore)?
C’est une comédie médicale dont le héros est doudoutologue : il soigne les jouets, les poupées, les peluches. À cause d’un oiseau de malheur (Nocébo), il doit faire face à une terrible épidémie de peur bleue dans sa salle d’attente. Le remède se trouve au fin fond d’un abîme très, très, très profond : « le Gouffre de la Sécu ». Il est gardé par un monstre sanguinaire qui s’appelle le « Médiataure ». Il faut être complètement malade pour oser l’affronter ! C’est un livre qui se lit aussi avec les oreilles, car il y a un CD dedans. L’histoire est racontée par François Morel en super forme, les chansons sont arrangées par le talentueux Cyril Douay (The Chase et les Acrobates), le tout est illustré par Arnaud Boutin. Le docteur Ludo consulte à partir du 7 novembre dans toutes les librairies.
Enfin des signatures prévues fin 2012 et en 2013 ? Où pourra-t-on vous rencontrer?
Je serai au salon du livre jeunesse à Montreuil et participerai à beaucoup d’autres. Je ferai aussi pas mal d’interventions en milieu scolaire. Le planning n’est pas encore défini, ce sera surtout en 2013 avec la sortie de la version « enrichie » d’Adolf.
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Titre: Adolf (roman hystérique) d’Olivier Costes – Oskar Editeur – 14,95€
Mais aussi:
« Allô docteur Ludo » comédie médicale ( livre CD pour enfants )
Narrateur François Morel
Actes sud junior/ New track
sortie le 7 novembre
« Adolf, roman hystérique » version « adulte » augmentée et enrichie
collection Osaka
Sortie janvier 2013
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