Noctiluque prend fin. Que retiendrez-vous de cette émission culte qui venait de rentrer dans sa 17e année ?
Ce furent des années fortes de direct en pleine nuit marquées par la fidélité des auditeurs et des auteurs qui, d’Amélie Nothomb à Fred Vargas, Charles Juliet, mais un peu aussi plus loin dans le temps, François Nourissier, Andrée Chedid, venaient en pleine nuit parler de leur dernier livre et de leur travail d’écrivain. Andrée Chedid parlait d’un « compagnonnage » au sujet de cette émission, je trouve que c’est le mot le plus juste pour parler de ces échanges et partages qui ont eu lieu pendant ces dix-sept années. La nuit ouvrait les ailes de la confidence, les coulisses et non dits de l’écriture sans jamais aller pourtant trop loin. Beaucoup de chemins ont été pris que je n’attendais pas.
Aujourd’hui, vous reprenez le flambeau sur les ondes de France Inter avec un nouveau magazine littéraire. Quel en sera le fil rouge ?
« Lire avec » est un magazine littéraire qui se déroule en quatre ou deux tableaux selon l’actualité d’un auteur. Le théâtre y trouve une large place puisque beaucoup d’écrivains écrivent aussi pour la scène. Un tableau est une émission à part entière. Quatre tableaux sont quatre « Lire avec ». Ces émissions sont toutes différentes et peuvent être écoutées soit comme un feuilleton de type « une semaine avec un écrivain », soit comme une bulle unique qui compose une fin de soirée avec l’auteur. Il n’y a ni coupe, ni mise en ondes après enregistrement. C’est de l’instantané. Ce que je préfère en radio.
La passion de la littérature et du livre est-elle plus forte que tout, Brigitte Kernel ?
Oui. C’est un peu comme boire de l’eau quand on a soif. Disons que je suis potomane (rires)
Si vous deviez définir ce nouveau rendez-vous en trois mots, que diriez-vous ?
Un seul mot vient tout d’abord : « pourquoi ? » Puis deux autres, « univers », « dire ». Je pourrais en ajouter un autre, « oser », car j’aime les auteurs qui « osent » écrire ce qu’ils sont au fond d’eux-mêmes. Et qu’est-ce que la littérature que l’ouverture sur les mondes internes et l’époque qui habitent un être ? Bien sûr, la fiction est un média. Évidemment, tout ce qu’écrit un auteur passe par le biais de la fiction. Mais au final, une vie plus tard, une œuvre ne s’inscrit t elle pas dans un temps mêlant histoires avec un petit h et Histoire avec un grand H d’un monde qui a été ou est. Une oeuvre telle une ligne, un chemin et aussi une courbe insistante dont on ne discerne pas la lueur au début d’une existence d’auteur.
Quels sont les invité(e)s de cette rentrée ?
Philippe Djian, Serge Joncour, Amélie Nothomb, Olivier Adam … En fait beaucoup d’auteurs très différents. Je ne veux pas priver l’auditeur d’auteurs qu’il apprécie. Et il me semble qu’avoir le privilège d’animer une telle émission doit ouvrir les portes sur toutes sortes d’écrivains. Et puis, il y a les surprises, toutes ces choses, ces événements qui ne peuvent se présenter, me semble-t-il, qu’à la radio. Bernard Pivot est resté le temps de six tableaux. Nous en avions prévu quatre au départ. Mais l’émission a si bien fonctionné que l’on s’est donné le luxe de rajouter au débotté deux tableaux. En fait, Lire avec devient une sorte d’espace où se passe toutes sortes de choses inattendues et souvent amusantes : Amélie Nothomb a proposé de venir quatre soirs de suite à la nage le long de la Seine, Philippe Djian a dit qu’il allait s’installer un lit dans le couloir de France Inter et s’y installer pour venir chaque soir dans « Lire avec », Bernard Pivot ne voulait plus partir …
Un happening, cette émission ?
Peut-être. On verra… C’est quand une émission a déjà un certain âge ou lorsqu’elle s’achève que l’on comprend ce qu’elle a ou pas représenté.
Qu’est-ce qui motive vos choix ? L’actualité littéraire ? La (re)découverte de livres ? Les jeunes auteurs ?
Tout cela à la fois. Et oui, le plaisir de découvrir de jeunes auteurs. Comme cela a toujours été le cas. Rien n’est plus sympathique d’emmener pour la première fois un jeune écrivain au micro.
Êtes-vous triste de laisser derrière vous ce mariage de la nuit et du livre ? Noctiluque n’était-elle une parabole du plaisir de lire ?
La vie est pleine de surprises. Tant qu’elles sont bonnes, je les accueille. C’est un privilège de mener une émission sur France Inter. Et ce rendez-vous est très sympathique. Et heureux pour les auteurs.
Est-il prévu des émissions thématiques ?
Oui, je ferai quelquefois des séries sur des écrivains tels que Françoise Sagan, Tennessee William, Faulkner et bien d’autres. La littérature doit dépasser nos frontières. J’espère bien accueillir Paul Auster, Ruth Rendell et d’autres encore.
Un livre coup de cœur ?
Le roman d’ Olivier Adam. Il n’est pas parfait donc ressemble à la vie. Mais pour des tas de raison, dont l’écriture de cet auteur, il reste gravé en moi.
Quand pouvons-nous vous écouter votre émission, Brigitte Kernel ?
Tous les soirs à 0h50.
« Lire avec » de Brigitte Kernel du lundi au jeudi à 0H50 sur France Inter
> Le site officiel de Brigitte Kernel
À lire aussi :
Max Monnehay : » Je ne suis pas là pour caresser les lecteurs dans le sens du poil »
Olivier Steiner : un feu d’artifice de Bohème
Joseph Vebret : une plume alerte et documentée
Funambules : le premier roman envoûtant de Julia Germillon
( Photo Brigitte Kernel / Copyright Christophe Abramowitz)