Roland Topor : Le bachique Bouzouk
Par Pascal Baronheid – bscnews.fr / Topor a fréquenté assidûment les bistrots, cette université du burlesque. Voici sa thèse de doctorat, composée de trente-huit chapitres qui n’en constituent qu’un seul, long serpent de la comédie humaine.
Nous ne sommes pas chez Balzac, quoique le père Gourio s’y pavane. Fin connaisseur du jus de la treille, il préface ce recueil comme on débouche un grand cru : religieusement, avec une vénération complice : « Café Panique, c’est le monde des buveurs bavards concentré en un seul zinc ». Un zinc aux noms qui caressent et gouleyent : Sancerre, Mâcon, Brouilly. Une vaste bibliothèque du gosier. Où, ivresse oblige, les langues se délient, se dilatent. Où les pythies des chais populaires rendent des oracles loufoques mais frappés du bon sens de la dinguerie.
Lire Topor, c’est fréquenter une cour des miracles où l’eau se change en vin sans intervention divine. Où l’on croise Tranche-Lard, Vodka-aux-herbes, Tue-Mouches, Pas-ce-soir, Pisse-Vinaigre et autres grands seigneurs à la verve truculente, que l’on croirait sortis tout droit d’un album des Pieds Nickelés. Il y a même un cactus appelé Jésus because sa couronne d’épines et possiblement un tramway nommé délire. Preuve qu’il ne fait pas les choses à moitié, Topor raconte Double-Face, inventeur d’un cocktail qui transforme les hommes en femmes.
Jamais lauréat du Prix de l’Humour noir ( Topor le fut en 1961) n’a autant donné raison à un jury. Ecrivain, dramaturge, poète, humoriste, chansonnier, cinéaste, acteur, photographe, Il était aussi peintre et dessinateur. En page 94 du livre, on croit reconnaître Amélie Nothomb cherchant son chapeau. Un Topor au crayon calamiteux ? Pourquoi pas !
Ayant assez éclusé de par le monde des troquets, il propose en guise de bonnet de nuit des « Taxi stories » de la même veine cul-sec. Ainsi celle d’ une certaine Gilberte « une grande rousse avec une belle poitrine » demeurée dans les mémoires, non en raison de sa plastique avantageuse, mais parce qu’elle avait une cave incroyable, avec des bordeaux de 1947.
De ces virevoltantes tournées grotesques, burlesques, tragi-comiques, ô combien édifiantes, on sort le gosier à fleur de coin.
Garçon, remettez-nous ça !
« Café Panique suivi de Taxi Stories », Roland Topor, Wombat, 16 euros
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