Yann Moix : Michael Jackson fut les Beatles à lui tout seul

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Par Laurence Biava – bscnews.fr / Michael Jackson fut les Beatles à lui tout seul, il fut solitairement quatre, et même à l’époque des Jackson 5, il était déjà 5 à lui tout seul, Michael Jackson fut 5 comme les doigts de la main de son gant.

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Yann Moix a publié Cinquante ans dans la peau de Michael Jackson aux éditions Grasset, à peine trois mois après le décès fulgurant de la pop star internaitonale. L’écrivain et cinéaste évoque dans cet essai, le destin d’un « homme à l’envers », comme il avait qualifié l’artiste dans Le Figaro le 30 juin de la même année.Le récit a été écrit « d’un trait » à l’annonce de la mort du Roi de la pop le 25 juin 2009, cela fera déjà trois ans cette année. « Michael nous aura apporté, avec ces envers à l’endroit, quelque chose d’inattendu : la première paix mondiale ». L’essai est un écrit mystique que son sujet : il y est à la fois question d’enfance, de noir, de blanc, de sainteté et d’idolâtrie.
Dans «Cinquante ans dans la peau de Michael Jackson », l’allusion aux fameux sosies désoeuvrés de la star et la disparition de celle que Moix caractérise, avec raison, comme la plus grande idole planétaire, nous plonge dans l’immédiateté de cette mort précisément trop démysthifiée par les médias. Imprégné on ne peut mieux, il parle carrément de «deuil universel ». Jackson est mort le 25 juin 2009, Moix a écrit son livre en juillet 2009. Voici la 1ère grande mort de l’ère internet : la première mort non pas mondiale, mais mondialisée, mondiabuzzée, jamais mort n’aura à ce point été relayée. Et le degré d’interprétation supplémentaire de cette mort gigantesque a été jusqu’au délire au point d’en être inqualifiable. 

L’essai est très original. L’écriture du livre de Yann Moix est frénétique, alerte, elle vient retranscrire l’urgence de l’événement, les impressions sont retranscrites à chaud, il n’y a pas de coupure, jamais de perte d’élan, ce qui fait qu’on lit ce livre d’une traite, le souffle coupé par cette écriture soignée et avertie. Yann Moix ne s’inscrit pas dans une perspective romanesque. Il ne cherche pas à créer une histoire avec des rebondissements, c’est ce qui fait la force de cet opus atypique et admirable. L’analyse est sage et extrêmement fouillée : il cherche à l’intérieur de l’homme comme « dans la peau de John Malkovitch » et derrière le fameux masque, une fois retirés les gants blancs, les idées surgissent. C’est un récit écrit de l’intérieur avec un canevas très Benjamin Button. On nous conte une vie à l’envers. «quand Michael Jackson était noir, il était blanc. Maintenant qu’il est mort, le voici vivant ». Ce constat est exact. Plus loin, l’auteur écrit que Michael est vieux dès l’enfance, il procède par analogie. Alors ? L’époque du néant ? L’enfance ? l’art ? la liberté ? La presse ? On dirait qu’il prend le parti de dire le contraire de la pensée bienséante. Certains journalistes de la presse écrite en prennent pour leur grade. Les questions évoquées font forcément grincer des dents, puisque Moix traite tout à rebrousse–poil. Il décape, il défent son point de vue, étaye ses thèses propres, quitte à se heurter au mépris de cette élite intellectuelle gardienne du ton lisse et de la pensée en boite qu’il honnit. J’ai trouvé que son approche d’un non-fan revendiqué était audacieuse. Habité par une volonté de montrer qu’il existe une alternative à notre modèle critique, brandissant sa liberté de ton, il semble se foutre de ce que l’on pense. Moix explique bien comment Jackson, constitue un symbole : un idéal de vie qui diffère de tous les autres êtres. Quelquefois, il m’a semblé que le ton du livre était d’une grande candeur au sens noble du terme. Le côté oeuvre générationnelle, aussi, sans doute, qui n’a pas pour but de faire le deuil d’un homme mais d’une époque. On se dit que cette génération et l’époque de Jackson, Moix les a bien cernées. Surtout quand il décrypte l’insondable mystère d’un homme qui a fini par vaincre l’adulte en lui. Bien sur que des convictions intimes ne sont pas des preuves mais je partage ses thèses très affûtées au niveau de l’âge. Il écrit : « Jackson n’a jamais eu 50 ans mais deux fois 25. Avec son corps humain, Jackson faisait soit un aller simple jusqu’à 50 ans, soit il allait de 0 à 25 ans et dans un second temps de 25 ans à 0 dans le sens du retour. Il dépeint là l’essence même du personnage Jackson : c’est ce qui s’est produit.. Jackson est un génie musical, un homme qui a montré que l’enfance n’est pas liée à la régression. Moix nous explique alors dans des pages très convaincantes – les plus convaincantes de l’essai – qu’il n’y a rien de pire que de confondre l’Enfant et l’infantile. Jackson a progressé en enfance, par son inventivité permanente, où l’imagination ne suit aucune règle préétablie, il est revenu à une source de création originelle. Jackson était un Messie. C’est le Messie des Enfants. Juste vision. La société de consommation est friande de biens matériels mais aussi de biens immatériels. C’est la raison pour laquelle il faut appuyer la thèse mystique de Jackson. Moix enfonce le clou : «aucune différence entre les textes de Sainte Thérèse de Lisieux, sa vie n’était pas plus profonde ou mystique que Jackson. Ce n’est pas un déni du génie de Sainte Thérèse, entre les poèmes sulpiciens de la petite Thérèse et Billie Jean, il n’y a aucune réelle différence » Evidemment, on y retrouve la même imagerie naive. Plus loin : « On ne canonise jamais le second degré ». Le saint est effectivement celui qui est là pour le fan de Michael, celui que je suis, que je reste. L’inaccessibilité ne tient pas la route : il n’est pas le critère opposé, mais il est jugé paradoxalement, c’est-à-dire comme proche des gens, d’où le relief mégalomaniaque et les processions mystiques perçus au moment de son décès. C’est un bel essai, vibrant, décalé, éclaté, où l’on perçoit à la fois les contradictions du mystérieux et outragé chanteur Jackson et l’érithisme du cœur de Moix.

Yann Moix  » Cinquante ans dans la peau de Michael Jackson » – Le livre de poche


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