Indignez-vous d’espérer

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Par Sophie Sendra – bscnews.fr / Illustration: Arnaud Taeron/ Ce qui caractérise l’époque dans laquelle nous sommes, c’est l’indignation générale inspirée par Stéphane Hessel. Ce qui doit succéder à cette indignation c’est l’espoir comme générateur d’actions et de quête du bonheur. Quand on regarde les différentes définitions philosophiques concernant cette notion d’espoir on peut lire tour à tour « confiance dans l’avenir », « espérer, c’est considérer comme réalisable ce que nous désirons le plus intensément », c’est « la passion dans l’avenir ».

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Il existe même une vision chrétienne qui fait un lien entre « espoir » et « grâce divine ». Même Kant consacre sa troisième critique (Critique de la Faculté de Juger) à la question essentielle « Que m’est-il permis d’espérer ? » liant ainsi sa morale qui met en avant l’action et celle qui nous occupe.

La bonne question

Quelle question que celle de Kant. Si actuelle diraient certains. En dehors des critères donnés par les dictionnaires et les philosophes, il faut bien se rendre compte que c’est une notion relative. L’espoir donné à la révolution française en tant qu’acte politique n’est pas du même ordre que celle présente dans les esprits de ceux qui partaient reconstruire leurs vies en voguant vers l’Amérique. L’espoir de vivre pour un condamné à mort aux États-Unis est différent de celui d’une hypothétique vie éternelle promise par les églises. L’origine de l’espoir n’est pas si positive. Cet « espoir » qui nous occupe est une notion qui voit le jour sur un épuisement, sur des sentiments négatifs, sur un présent trop lourd. Tel le lotus qui naît de la boue, l’espoir naît de la crainte, de la peur. Il est donc la résurgence d’une négativité. Ceux qui expliquent qu’il faut avoir de « l’espoir dans l’avenir » n’évoquent jamais le fait que celui-ci reflète une situation peu engageante. D’autant plus si ce sont des sociétés entières qui expliquent qu’il « faut espérer », comme un impératif vital, une nécessité. L’espoir devient alors catégorique, presque moral.

La mauvaise réponse

Face à cet espoir si étendu au sein des populations, les réponses données ont été tout d’abord religieuses. L’espoir venait (ou vient) d’en haut, il n’était pas de ce monde, il était guidé par des instances qui traçaient la route à suivre pour atteindre un mieux être, une vie satisfaisante faite de bonheur. Après la période des Lumières, petit à petit, ce sont les Idées politiques (bien lointaines de l’esprit religieux) qui donnaient un espoir particulier, celui de peuples entiers voulant un bonheur ici-bas, sans attendre une hypothétique existence venant d’« en haut ». Après cette période, quelle réponse donner à cet espoir que réclament les peuples ? Il n’y en a pas de mauvaises car il ne semble pas que nous ayons su remplacer ces piliers censés guider la lueur métaphorique que nous attribuons à cette notion bien étrange. Bien entendu il y a les Indignés, leurs mouvements, mais pour que l’espoir soit, il faut l’action. Les actions morales pour Kant, les actions politiques pour les révolutions, mais contre le quotidien pesant, incertain, les paroles des politiques qui sont codifiées, mécanisées, les marchés financiers qui existent en dehors de nous, qui existent par eux-mêmes dans une virtualité vivante et tentaculaire, l’espoir est mince de trouver ce que nous cherchons.

L’esperanto

Cette langue internationale créée en 1887 par Zamenhof (médecin et linguiste polonais) est à elle-même un espoir commun de compréhension totale, contre une individualité persistante dans nos sociétés modernes car elle mélange toutes les langues en une seule. La réponse possible serait en fait d’anticiper la venue de l’espoir, ainsi elle serait remplacée par la notion de projet. Se projeter c’est avoir des envies. L’espoir c’est simplement sortir de la « boue » dans laquelle nous sommes. Cette boue est nourrie d’individualisme, d’immédiateté, d’incompréhension. La seule chose que nous pourrions dire c’est que la comparaison avec le lotus n’est pas anodine : sans boue, le lotus ne serait pas aussi beau et aussi adoré parce qu’il a pour particularité de s’élever de l’eau pour éclore enfin. L’espoir se trouve donc dans la substance qui le fait naître. Il ne sera positif que lorsqu’il s’élèvera au-dessus de ce qui stagne.


S’il fallait conclure

Il faut arrêter d’espérer, il faut agir, s’élever. Lire c’est se nourrir, c’est s’inspirer. Écrire c’est lancer des idées pour que les actions se forment. Écrivez et écrivez encore. Ce sont vos idées qui feront les actions.

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