Guillotine Sèche : le récit extraordinaire de René Belbenoit

par
Partagez l'article !

Par Eric Yung – bscnews.fr / A l’heure où un fait-divers plus ou moins dramatique fait la une de l’actualité il y a (l’avez-vous remarqué ?) toujours quelques rares, mais influents responsables politiques qui, oubliant la noblesse de leur mandat, se mettent à hurler avec les loups. Et, par démagogie élective sans doute, il n’est pas rare d’entendre leur voix s’élever au-dessus de la clameur publique pour réclamer, par exemple, le retour du bannissement et du bagne. C’est à croire qu’ils ont oublié les leçons de l’Histoire, qu’ils confondent vengeance et justice et qu’ils préfèrent l’instinct à la civilisation. A ceux-là, il faut conseiller de lire l’extraordinaire récit de René Belbenoit titré « La Guillotine sèche » et réédité, récemment, par « La manufacture de livres ». Un ouvrage qui, lors de sa première publication en 1938 a été lu par plus d’un million de personnes dans le monde.

Partagez l'article !

Chers amis lecteurs et lectrices de BSCNEWS Magazine, sachez qu’au-delà de l’enseignement qu’apporte à chacun d’entre nous ce livre admirable il est une autre dimension, toute littéraire celle-ci, que vous aimerez aussi : « Guillotine sèche » est un récit d’aventures qui mêle angoisses et noirceur, violences et suspens, doutes et solidarité, prouesses et rebondissements pour finir dans une sorte d’apothéose de l’espoir qui grandit l’âme humaine. C’est William La Warre qui, par son action et engagement, a fait connaître au grand public, « La Guillotine sèche » et son auteur René Belbenoit.
En effet, William La Warre, britannique habitant New-York, membre de la société Royale de Géographie, dès qu’il a appris par le « Trinidad Guardian », son journal préféré, que « six français affamés et presque submergés, six fugitifs qui, après dix-sept jours de navigation sur une mer démontée, à bord d’une frêle pirogue, avaient réussi à s’échapper de l’île du Diable, la colonie pénitentiaire de la Guyane française, a « poussé par la curiosité, voulu voir les évadés ». C’est ainsi qu’il a rejoint l’un deux pour, sans le savoir, le jour de leur rencontre, transformer sa vie en destin. En effet, ébahi par René Belbenoit, le héros de « Guillotine sèche », un homme qui « mesurait à peine un mètre cinquante et pesait moins de quarante kilos (…) dont il a vu dans les « yeux luire un feu, attisé, (…) par quinze années de mort vivante, par quatre tentatives d’évasion manquées, par un désir presque forcené de réussir la cinquième où d’y laisser sa peau » William La Warre a su qu’il devait aider ce banni des hommes à publier son livre qui « commence à son exil de la société et de la civilisation » et qui raconte « l’histoire du bagne, des îles Royale et Saint-Joseph, de Cayenne, la capitale d’une colonie du péché, l’histoire des libérés vivant comme des chacals, d’hommes rendus fous par la solitude dans des cachots obscurs, d’une existence plus terrible que la mort, de morts plus affreuses que celles qu’on invente dans les romans ». Et, c’est ce livre nous dit encore en préface William La Warre, qui a amené « enfin la France à supprimer le bagne de la Guyane, à ne plus y envoyer d’êtres humains endurer les souffrances de la Guillotine sèche ». Et cela a été possible pour trois raisons essentielles. La première est relative à la réussite unique de l’évasion de l’île du Diable sachant que René Belbenoit en sera, in fine, le seul survivant (cinq compagnons l’avaient accompagné dans sa cavale). La deuxième est que René Belbenoit avait écrit, durant quinze années, au jour le jour, des milliers de feuillets sur sa détention et qu’il les a, avant tout et contre tout protégé et qu’il a toujours refusé de se séparer de « son seul trésor » c’est-à-dire de ses treize kilos de notes enveloppés (pour les préserver de l’humidité et de la pourriture) dans une toile cirée hermétiquement close. La troisième est qu’un autre homme, un anglais, le commandant du port de l’île de la Trinité où a débarqué René Belbenoit après son évasion, a bravé la loi en refusant « de le livrer au consul de France » considérant que « La Guyane française est une des hontes de la civilisation » (…) et qu’il a donc choisi, même si « les autorités françaises s’en arrachent les cheveux » de lui « donner de quoi manger, de lui trouver un endroit où il pourra se reposer, de lui procurer un meilleur bateau pour le laisser tenter de nouveau sa chance ».
Quel crime avait commis René Belbenoit pour être condamné à huit années de travaux forcés et au bannissement à vie ? Il a volé « un écrin de cuir rouge où étaient enfermées quelques perles et une liasse de billets » à une châtelaine de Nantes. Arrêté le lendemain du délit, il a aussitôt été traduit devant un tribunal et jugé. Geste malhonnête et un peu fou qui l’a vite mené sur le quai de Saint-Martin-de-Ré pour embarquer, chevilles et poignets enchaînés, sur le « Martinière » le bateau qui, de triste mémoire a, enfermé dans des cages et transporté dans ses cales plus de 7000 hommes condamnés au bagne. La traversée de l’Atlantique a duré trois semaines. Il y avait avec lui, Guillaume Seznec, et Henri Charrière dit « Papillon ».
Dès son arrivée à la colonie pénitentiaire René Belbenoit n’a eu de cesse que de la fuir, quitter l’île du Diable et rejoindre les Etats-Unis d’Amérique un pays neuf où, lui avait-on dit, chaque homme libre peut refaire sa vie. Une liberté qu’il avait crue, avant son arrestation, acquise à jamais par son engagement volontaire dans l’armée française où, envoyé au front il y avait été blessé gravement durant les combats de tranchées contre l’ennemi allemand. Libre ? Il a cru l’être encore lorsque, la poitrine médaillée par trois fois de breloques d’or et d’argent il a été célébré héros de la nation à son retour à Paris. Mais, sa nouvelle vie civile n’a été que désenchantement et misère. La France, pour tout remerciement, lui a offert le fameux complet deux-pièces « Abrami », costume retaillé dans de vieux uniformes parfois encore tachés du sang des soldats morts au combat. Après, René Belbeboit a quitté la grande ville et a promis à sa fiancée (l’infirmière qui l’avait soignée de ses blessures à l’hôpital Percy) qu’il reviendrait avec un peu d’argent pour la demander en mariage avec l’espoir, enfin, qu’ils seraient ensemble heureux. C’est ainsi qu’il a pris le train et débarqué à Nantes. Il est alors entré au service de la noblesse locale. Mais il y a eu le petit écrin rouge posé sur la tablette de la chambre de la comtesse d’Entremeuse. Ce foutu petit écrin rouge qu’il a mis dans sa poche avec les perles et les quelques billets qui traînaient à côté. Après… on sait ce qui s’est passé.
Il s’est donc évadé du bagne et sa cavale à duré vingt deux mois. Il a progressé dans la jungle en pirogue, à cheval, à pieds, franchi des montagnes et traversé la mer. « Guillotine sèche » raconte la colonie pénitentiaire et toutes ses péripéties, sa longue marche vers la liberté qui de Cayenne l’a conduit à Hollywood. « Guillotine Sèche » réédité à « La manufacture de livres » est donc, comme l’écrit son préfacier « la biographie la plus extraordinaire, le document le plus étonnant qu’il m’ait jamais été donné de voir sur le crime et son châtiment ». « Guillotine sèche » aurait pu être un roman terriblement noir. Il est le récit d’une histoire vraie. Sa lecture en est plus forte encore.

Laissez votre commentaire

Il vous reste

0 article à lire

M'abonner à