La revanche de Blanche : un roman sensuel

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Propos recueillis par Pierre Canavaggio – bscnews.fr / Elevée à Paris par sa marraine, la courtisane, Ninon de Lenclos, Blanche de La Motte n’a pas connu son père et peu sa mère partie le rejoindre en Nouvelle-France. Avant de mourir, Emilie révèle à sa fille qu’elle a été déshéritée, bannie des salons des Précieuses, Blanche n’oubliera jamais. Elle deviendra comédienne dans la troupe de Molière et sera la maîtresse de trois hommes, dont le jeune Roi Soleil. Son amitié avec la Montespan, entre fascination et rivalité, l’entraînera au cœur des intrigues de Cour et de plus criminelle d’entre elles, l’affaire des poisons et des messes noires. Un roman captivant et sensuel.

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Lequel de vos livres avez-vous relu ?

Des passages de L’Amazone de la foi (Presses de la Renaissance). Je m’y suis inspirée du départ de Madeleine de La Peltrie, en1639, vers la Nouvelle-France sur le « Saint-Joseph » pour celui de Blanche et d’Antoine, en 1680, à la fin de mon roman. Je n’aime pas relire mes livres ; celui qui me tient le plus à cœur est Le secret de ma mère, un roman dont elle est le sujet, (Presses de la Renaissance), comme on s’endoute.

Vous considérez-vous comme une journaliste qui écrit des livres, essais ou romans comme cette saga, Le temps des femmes dont vous publiez le deuxième tome ?

Je suis avant tout écrivain. J’écris depuis mon plus jeune âge. A onze ans, la lecturedu Journal d’Anne Franck fut une révélation. Un peu comme la représentation des Précieuses ridicules, pour Blanche. Blanche, c’est moi. J’ai voulu être comédienne. Préparé le Conservatoire, joué quelques pièces dont Le Rouge et le Noir » j’ai adapté au théâtre ; j’y interprétais le rôle de Louise de Rénal.

En quoi Blanche est-elle la fille d’Emilie ?

Emilie a quitté sa Bretagne natale pour monter à Paris et devenir gouvernante chez Aglaé de La Tour. Déterminée, ambitieuse, elle a réussi à s’introduire dans les salons des Précieuses. S’est mariée avec le magistrat, Georges de La Motte. Après la naissance de son fils, Guillaume, elle est tombée amoureuse du poète Ronan Le Guillou. Blanche est née de cette liaison clandestine. Janséniste engagé dans la Fronde, La Motte l’a reconnue mais a voulu que l’enfant du péché disparaisse. Confiée à une nourrice en Bourgogne, la petite fille a souffert de cet abandon. A l’âge de quatre ans, sa mère, l’emmène en Bretagne. Le roman commence lorsque Blanche a sept ans. Emilie décide de rejoindre, seule, son amant, Ronan, en Nouvelle-France. La séparation est un déchirement. A Paris, grâce à sa marraine, Ninon de Lenclos, Blanche découvre le théâtre. Comme sa mère, elle est avide de reconnaissance, aventurière et artiste. Elle a soif d’indépendance. Elle veut plaire, briller. Comédienne dans la troupe de Molière, elle devient l’amie de l’impétueuse Montespan, l’une des maîtresses du roi. Comme Emilie, trop confiante, un peu naïve, elle ne voit pas dans l’ombre, les intrigues de Cour, rivalités, rumeurs et autres guet-apens qui se trament. Se laisse entraîner par Athénaïs de Montespan dans l’affaire des poisons : pour garder l’amour du roi, la marquise prend le risque d’assister à des messes noires et se sert de Blanche pour lui fournir des poudres à base de sperme, de sang,de chauves-souris. Aussi passionnée qu’Emilie, la comédienne fait l’apprentissage de l’amour, tombe dans les eaux troubles de la passion. Elle a hérité de sa mère l’énergie de la survie, le goût du bonheur, l’art de s’adapter. Malgré les chausse-trapes, elle saura s’entourer, rebondir.

Pourquoi ce titre, « La revanche de Blanche » ?

A la mort de sa mère, Blanche apprend que celle-ci a été humiliée par ses amies. Lecercle des Précieuses lui en a voulu de découvrir dans un roman qu’elle vient de publier des vérités dérangeantes. Ces grandes dames ne lui pardonnent pas d’avoir du talent, d’être une roturière. Blanche décide de venger sa mère. Avec ses armes, sur les planches. Grâce à Molière.

Il y a une grande part d’imagination dans « Le salon d’Emile », en va-t-il de même pour« La revanche de Blanche » ?

Bien sûr. Blanche est un personnage de roman qui traverse les débuts du règne de Louis XIV. Exceptée, la famille La Tour, ceux qui l’entourent ont existé, mais je me suis donné beaucoup de liberté. On ne sait presque rien de Charles de Longueville, fils illégitime de La Rochefoucauld, ni d’Antoine de La Boissière. Mon plaisir a été de faire revivre la Montespan, Louise de La Vallière, Angélique de Fontanges, le roi…

La domestication de la noblesse par Louis XIV vous a-t-elle amusée, irritée ?

Humilié par la Fronde, l’enfant devenu roi s’est vengé. Saint-Simon n’a cessé de fustiger les courtisans, les dérives du monarque absolu qui a asservi la noblesse durant son long règne au point d’en faire une Cour mortifère, confite en dévotion. Ses portraits cruels, croustillants sont un modèle de style.

Votre nature vous incline-t-elle à la rancune ?

Pas du tout, j’oublie, c’est ma force. « Je suis trop inconstant pour en vouloir longtemps à quelqu’un, même s’il m’a fait du tort, voire du mal » disait ce dandy de Benjamin Constant.

Enceinte des œuvres du roi, comment Blanche va-t-elle élever sa fille bâtarde ?

Au XVII°siècle, les femmes s’occupaient peu de leurs enfants. Blanche enfreint les ordres du roi, garde sa fille auprès d’elle, Marquise, s’absente souvent, mais lui donne l’affection dont elle a été privée. Elle se bat pour qu’elle soit légitimée, une des raisons pour lesquelles elle fréquente à la Cour.

Ninon de Lenclos ressemble-t-elle au personnage de la marraine ?

J’ai voulu garder l’esprit de cette libertine lettrée, généreuse et tolérante. Ellesait aimer, se fait respecter, déborde d’humour, de bons mots.

Aimez-vous écrire ou est-ce votre métier ?

Les deux, mon général ! Ecrire est un travail d’artisan, un plaisir, une évasion aussi.

 

Vous préoccupez-vous du plaisir de lecture de votre public ?

Je commence par le mien. Dès que je m’ennuie, je reprends une scène, une phrase. Je me moque de mes personnages, j’essaie de pimenter mon texte de touches amusantes, détails incongrus, surtout dans les passages tragiques. J’applique le page turning ! L’art de tenir en haleine mon lecteur, de créer le suspens. Rebondissements, intrigues, passion, scène de cape et d’épée : j’espère que mes lecteurs s’attacheront à ma Blanche.

Blanche est-elle une femme facile, « ayable » comme dirait Stendhal, votre auteurfavori ?

Eternelle insatisfaite, elle est attirée par la lumière, par ce qui lui échappe. Elle aime conquérir plus que d’être courtisée ce qui lui vaut de vivre des amours interdites, au risque d’être ridicule, de se perdre. Ce romanest une autopsie sans morbidité de la passion, dans ce qu’elle a de racinien.

Le plus important est-il d’aimer ou d’être aimée – pour une femme s’entend ?

Un homme qui vous aime éveille en vous le goût de l’amour. L’essentiel est d’être désirée. Comme dit Athénaïs, dissuadant Blanche de se marier : il est déjà assez difficile de faire durer un amant !

Quelle part de vous peut-on découvrir dans ce roman ?

Comme Blanche, j’ai souffert de ne pas me sentir aimée autant que je l’aurais voulu, d’avoir manqué de protection. J’ai longtemps douté de moi, désiré être reconnue. Comme elle, je suis tombée dans des pièges, j’ai vécu des trahisons. J’ai pardonné, comme j’aurai pardonné à la Montespan ses machinations, son ambition inextinguible.

Emilie aura-t-elle un jour un petit-fils ?

Elle l’a déjà. Au bout du conte, Marquise aura deux enfants, Alexandre et Clarissa.Entre la fin du règne de Louis XIV et le début de la Régence, elle deviendra peintre et vivra une belle histoire d’amour avec le jeune Watteau, quatorze ansde moins qu’elle. Mais ça, c’est pour avril 2013 !

La Revanche de Blanche, Emmanuelle de Boysson, Flammarion, 21,90 euros

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