Lisez Voici et philosophez que diable !

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Par Sophie Sendra – BSCNEWS.FR / À la question « Qu’est-ce que philosopher ? », il existe plusieurs réponses possibles. Certains pourront vous donner une réponse historique : « A l’époque de Socrate c’était… », « A l’époque de Voltaire c’était… ». D’autres vous feront l’apologie d’un thème : « philosopher c’est conceptualiser l’idée de… », « c’est mettre en œuvre un absolu… ». D’autres encore penseront qu’il s’agit de connaître sur le bout des doigts tel ou tel philosophe ou l’Histoire de la philosophie toute entière.
À mon sens, philosopher c’est s’inspirer du monde pour le comprendre, ou tenter de le comprendre.
C’est s’interroger afin de trouver un début de réponse aux questions que l’on se pose. Celles-ci peuvent concerner des sujets divers : la littérature, l’Art, les sciences (toutes sans exception), la politique, etc.
S’inspirer du monde qui nous entoure, c’est prendre une inspiration (proche de l’action physique proprement dite) et intégrer (voire ingérer) ce qui se passe à l’extérieur de nous afin de le « comprendre », c’est-à-dire de « le prendre avec soi ».
C’est inspirer pour s’inspirer.
En cette période estivale, il est parfois difficile de s’inspirer du monde. En effet, la chaleur, les vacances, l’envie de flâner sont de rigueur et la concentration, l’envie de réfléchir semblent loin.
D’habitude il n’y a guère que les festivals pour nous tenir en alerte culturelle ; les programmes télévisuels sont en vacances neuronales, les films sont des rediffusions, les débats politiques sont absents.
Alors, où trouver cette inspiration tant attendue ?

S’inspirer c’est ingérer

En ce moment, justement, l’inspiration est difficile, non pas à trouver, mais à « ingérer ».
Ce que « j’inspire » en ce moment ne me donne pas envie forcément de m’imprégner du monde. Ou alors, ce que je peux constater ne me donne que trop de raisons de comprendre ce qui se passe ou va se passer…alors que faire ? Je m’en inspire ou pas ?
Mais : c’est l’été tout de même, il faut sourire, profiter, se faire bronzer, sortir et prendre des forces pour cet hiver, cette année à venir ! Bref, il faut se forcer : philosopher, oui, mais avec distance, sans être habillé de noir, sans avoir la mine triste et le regard sérieux. Il faut lire Voici et philosopher que diable !
Gambader sur la plage, s’inspirer d’iode et d’huile de bronzage, étendre sa serviette autant que les doigts de pied, ne penser à rien… et le monde vous rattrape.
Le voisin, radio trop forte (parce que trop proche de vous géographiquement) annonce la fin d’une étape du Tour de France, le journal tendu de votre voisine expose les dernières photos de l’affaire DSK et les titres attirent votre attention, car ils parlent des dernières déclarations de Ségolène Royal ou de François Fillon, des présidentielles, ceux qui y vont, ceux qui ne savent pas encore, du défilé du 14 juillet et d’Éva Joly, des scandales sexuels de la classe politique, de la Libye, de la Syrie…
Le Japon : radiations ou pas radiations ? Écoutes téléphoniques en Grande-Bretagne. Faire du jogging peut tuer (sic!). Manger des légumes peut tuer (re-sic!). Des découvertes incroyables : faire la guerre tue !
Apparemment, les nouvelles ne sont pas en vacances cette année.
Alors « Quid ? » de la philosophie ?

La croisée des chemins
Afin de tenter une réponse, peut-être faut-il regarder les choses de plus haut. La philosophie c’est aussi cela : se détacher du monde tel l’Albatros de Baudelaire pour ne pas se faire « bousculer » par celui-ci, trop agressif, trop primaire parfois. C’est aussi ne pas trop s’en détacher afin de garder un contact avec lui : philosopher c’est garder la bonne distance en somme.
À observer les choses, il est possible de dire que nous sommes à la croisée des chemins. D’un côté, nous pouvons voir une sorte de « grand ménage » s’opérer : les grands de ce monde tombent un à un. On découvre des choses, on met à mal l’impunité politique, affairiste, on fait tomber des dictateurs, les standards de l’économie vacillent. De l’autre, des citoyens se mobilisent au nom d’une pensée populaire d’autodétermination. Entre ces deux pôles, les avancées intellectuelles issues des Lumières tremblent sur leurs fondements. Certaines populations se referment sur elles-mêmes et renouent avec des principes redonnant à Sartre La Nausée.
La politique, qui était un art noble, va se transformer à coup sûr en règlements de comptes. Les enjeux sont énormes cette fois-ci et l’inspiration des campagnes américaines s’est inscrite dans les mentalités.
Il faudra donc choisir le bon chemin.

Une grande expiration

Quelle est donc la bonne philosophie à adopter pour cette période chaude avant une rentrée mouvementée ?
Pour pouvoir « s’inspirer » du monde, il faut avoir les poumons vides, la cage thoracique écrasée par l’expiration afin de se « gonfler à bloc » suivant l’effort à fournir. L’effort cette année risque d’être énorme.
La philosophie n’est pas, contrairement à ce que certains voudraient vous faire croire, une réflexion perpétuelle, sans pause, sans cesse sur le qui-vive de la métaphysique et de la recherche du concept. C’est aussi le repos et la prise de conscience de l’immédiateté, de l’ici et du maintenant. C’est la chose la plus difficile à faire.

S’il fallait conclure

Profitez de vos vacances pour savourer le sable jeté par vos voisins de plage secouant leurs serviettes en pensant qu’ils sont seuls au monde. Savourez les moments où les touristes se perdent dans votre belle ville, encombrant ainsi les ronds-points sans mettre leurs clignotants. Méditez sur ces conducteurs se croyant en visite sur l’autoroute. Appréciez à leurs justes valeurs ces enfants qui hurlent leur joie de s’amuser pendant que vous tentez de manger en tête à tête au restaurant. Tentez la lecture profonde des journaux people sur fond de chansons d’été « politiquement engagées » à en faire pâlir Jean-Jacques Rousseau ou Émile Zola.
Philosophez donc sur ces moments uniques, vous en aurez besoin pour vous « inspirez » l’année qui vient.

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