Delphine De Vigan nous enchante avec un roman contemporain et haletant

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Par Mélina Hoffmann – bscnews.fr / « Il est fatigué. Il aimerait qu’une femme le prenne dans ses bras. Sans rien dire, juste un instant. Se reposer, quelques secondes, prendre appui. Sentir son corps se relâcher. Parfois il rêve d’une femme à qui il demanderait : est-ce que tu peux m’aimer ? Avec toute sa vie fatiguée derrière lui. Une femme qui connaîtrait le vertige, la peur et la joie. »

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Thibault et Mathilde. Deux êtres qui ne se connaissent pas. Deux inconnus pourtant prisonniers d’une même détresse, d’un même mal de vivre enfoui en eux-mêmes. Deux êtres fragilisés par la vie, un peu trop cruelle.
Mathilde est cadre dans une grande entreprise. Alors que tout allait pour le mieux, son destin bascule lorsqu’elle est victime de harcèlement moral de la part de son patron – même si le mot n’est jamais prononcé dans le livre. Pour Mathilde, c’est la descente aux enfers. Un véritable processus de démolition semble avoir été lancé à son égard. « Des oublis, des erreurs, des agacements qui, isolés les uns des autres, relevaient de la vie normale d’un service. Des incidents dérisoires dont l’accumulation, sans éclat, sans fracas, avait fini par la détruire. »
En plus de devoir subir l’humiliation que lui inflige son patron, Mathilde est bientôt confrontée à l’isolement – déménagée dans un bureau sans fenêtre – et à l’indifférence de ses collègues, trop soucieux de conserver leur place dans l’entreprise. Rongée par l’incompréhension, la jeune femme ne sait plus quoi faire ni comment se comporter.
Thibault, lui, est médecin, il se rend chaque jour aux domiciles de ses patients. La souffrance à laquelle il se trouve ainsi confronté chaque jour le ramène à la sienne. Thibault souffre d’aimer follement une femme qui ne lui offre rien d’autre que son corps et un peu de son temps. « Elle n’a pas peur de le perdre, de le décevoir, de lui déplaire, elle n’a peur de rien : elle s’en fout. Et contre ça il ne peut rien. Il faut qu’il la quitte. Il faut que ça s’arrête. »
Leurs mal-être et leurs sensibilités se font échos au fil des pages, au fil des mots qu’ils se partagent aussi parfois, sans le savoir. Nous nous immergeons dans leurs vies respectives et, à mesure que les pages se tournent, on ne souhaite plus qu’une chose : rassembler ces deux destins égarés qui semblent avoir tant besoin l’un de l’autre ; qu’ils se croisent enfin pour réunir leurs solitudes. Tout semble vouloir les pousser l’un vers l’autre, mais parviendront-ils à se rejoindre, à se reconnaître, à se retenir ?
Un roman douloureusement réaliste qui sonne juste et nous plonge dans deux quotidiens qui pourraient être les nôtres ; qui sont probablement ceux d’anonymes que nous croisons, au détour d’un couloir de métro, dans la plus parfaite et tragique indifférence.
Delphine de Vigan aborde avec lucidité et sensibilité des réalités graves auxquelles chacun de nous est susceptible d’être un jour confronté, lorsque notre vie nous échappe, que nos forces nous abandonnent jusqu’à sombrer dans un précipice de solitude. Elle nous emmène au cœur d’une vie souterraine qui nous est familière, qu’elle dépeint avec une plume formidablement réaliste et fluide.
« Le métro ralentit, s’arrête, il est là. Il dégorge, régurgite, libère le flot, quelqu’un crie “laissez descendre”, on se bouscule, on piétine, c’est la guerre, c’est chacun-pour-soi. Soudain c’est une question de vie ou de mort, monter dans celui-là, ne pas devoir attendre un improbable suivant, ne pas risquer d’arriver plus tard encore à son travail. »
Si vous cherchez du rêve et de l’espoir, reportez votre lecture de ce livre à plus tard. Mais ne vous en privez surtout pas, vous passeriez à côté d’un roman contemporain à la qualité indéniable, très touchant, qui nous tient en haleine jusqu’aux toutes dernières lignes.

Les heures souterraines
Delphine de Vigan
Éditions Livre de Poche

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