Queneau & Nadeau : À ses hérauts, la France reconnaissante

par
Partagez l'article !

Par Marc-Emile Baronheid – bscnews.fr / « Bizarre, cette idée d’aller jusqu’à cent ans » écrit un participant à la gerbe d’hommages que La Quinzaine littéraire offre à son directeur Maurice Nadeau, né le 21 mai 1911, encore et toujours éditeur et critique respectable. « J’ai une très mauvaise mémoire » confie-t-il en préambule à la nouvelle édition de ses souvenirs littéraires. C’est bien pratique pour pardonner sans en avoir l’air ou ignorer définitivement les tristes sires que l’on a croisés. Nadeau sait combien l’acrimonie est stérile; il s’encombre peu des épisodes fâcheux. Editeur de Perec, il se souvient forcément. De sa brouille avec André Breton, mais ce n’est pas original. De ceux qu’il a découverts, révélés, admirés, publiés. Il assume avoir toujours fait perdre de l’argent aux éditeurs pour lesquels il a travaillé. C’est moins un titre de gloire que l’indice qu’il ne fut pas un forban. On l’étrille ? Il remercie, plutôt que de croiser le fer avec des gens de peu : « il serait trop beau qu’on ait toujours les ennemis qu’on mérite » On l’aime ? Il n’a pas lieu d’en tirer vanité. N’imaginez pas qu’il fut un prince du consensus mou. Nadeau a su montrer les dents chaque fois que sa conception de la littérature était menacée. Ce qu’il relate de sa traversée du siècle en porte témoignage.
Nadeau est assis un soir au théâtre, lorsque deux mains lui enserrent le cou, par-derrière. Il se retourne, sidéré. « Excusez-moi, je vous avais pris pour mon mari » dit Jeanine Queneau. De fait, on les a longtemps confondus et ils étaient loin de s’en offusquer. Trouvera-t-on ce qu’ils avaient en commun dans le désopilant « Cher Monsieur Queneau », florilège de lettres reçues par le père de Zazie, à l’époque où il dirigeait le comité de lecture Gallimard ? Des graphomanes impénitents estimaient essentiel de vanter leur manuscrit – et l’auteur – pour persuader Queneau de leur immense talent. C’est savoureux, naïf, plastronnant, flagorneur, éberluant. On va de « Le sein de Gallimard peut-il s’ouvrir enfin pour celui qui n’est que solitude … et impuissance … » à « je l’aime trop pour vouloir y changer quelque chose ». On décernera la palme à ce merveilleux « Que gagneriez-vous à me décevoir ? ».
En 1936-1938, Queneau a pratiqué le journalisme alimentaire en posant aux lecteurs de L’Intransigeant des questions sur Paris. Un recueil en propose plus de 400, assorties de réponses où se mêlent Histoire, anecdote, facétie, savoir. Un exemple : quel est le pont qui fut inauguré 13 ans après avoir été terminé. Ce pourrait être une histoire belge …

« Grâces leur soient rendues », Maurice Nadeau, Albin Michel, 481 pages, 24 euros
« Cher Monsieur Queneau », Dominique Charnay, Denoël, 298 pages, illustrations et fac-similés, 25 euros
« Connaissez-vous Paris ? », Raymond Queneau, Folio n° 5254, 181 pages, 4,60 euros

Laissez votre commentaire

Il vous reste

0 article à lire

M'abonner à