Interview de Barbara Canepa / Propos recueillis par Julie Cadilhac– PUTSCH.MEDIA/ Crédits-Illustration pour Sky-Doll : Alessandro Barbucci et Barbara Canepa / Barbara Canepa est illustratrice, coloriste et scénariste de bande-dessinée. Elle est aussi directrice de collections chez Soleil Editions. Un curriculum vitae sur lequel cette pétillante jeune femme italienne répond avec spontanéité et naturel.
Sky-Doll, le personnage qu’elle a créé avec Alessandro Barbucci, a séduit la planète entière avec ses grands yeux violets et sa personnalité enflammée. Dans une interview fleuve, elle revient sur l’éclosion et les ambitions des projets Métamorphose et Venusdea, nous présente quelques titres à paraître mais évoque aussi la naissance de la contre-utopie Sky-doll et de son héroïne androïde Noa. Plaisir d’échanger avec une artiste passionnée et entière dont le talent et l’investissement méritent assurément le succès qu’elle rencontre aujourd’hui….
Je vais d’abord m’adresser à l’éditrice de la maison d’éditions Soleil. Comment est née cette maison d’édition? Sur quelle ligne éditoriale?
Avant tout, je ne suis pas éditrice, même si mon travail est celui d’un éditeur à 90%. Ce n’est pas moi qui paye les artistes, ni la production, ni la presse, les distributeurs, les diffuseurs, c’est le travail du vrai éditeur des Editions Soleil : Mourad Boudjellal. Et je lui dois beaucoup, pour la confiance et l’engagement qu’il donne aujourd’hui encore pour les deux collections d’édition dont je m’occupe, vraiment « hors » catalogue. Je ne sais pas combien d’éditeurs auraient pu proposer comme lui, avec autant de sincérité et d’investissement, autant de temps et d’argent.C’est pour cela que je ne trouve pas légitime de pouvoir utiliser pour moi l’appellation d’ « éditeur. ». Je suis par contre la directrice de deux collections, la Collection Métamorphose et le label Venusdea. Cette dernière, même si c’est avec lui que je l’ai créée et dirigée la première année, aujourd’hui je la dirige avec une autre éditrice: Clotilde Vu. Et je ne pourrais pas faire ce que je fais aujourd’hui si elle n’était pas là, parce que nous sommes totalement complémentaires. Je soigne beaucoup la partie graphique des livres et la plupart du temps je cherche de nouveaux auteurs ( mais pas toujours) et elle s’occupe de la partie écrite et de toute la gestion administrative de la production ( et je la remplace quand elle ne peut pas le faire).
Les problèmes, nous nous les divisons toujours..et c’est normal! Quand elle n’y arrive pas, je m’y consacre après, parce que je suis plus « dure » qu’elle. Une tête brûlée italienne » comme on dit… C’est un avantage aussi d’être auteur car lorsque j’interagis avec les artistes, je parle avec eux le même « langage. » Nous sommes collègues, souvent amis et ils me font ainsi confiance … Par contre, lorsque se pose un problème où je me sens impuissante ( pour cette raison qui fait que je suis aussi une amie des artistes), avec son « savoir faire », c’est alors Clotilde qui réussit à remettre toutes les choses à leur juste place. Pour finir, nous ne devons pas oublier que je suis une artiste, une professionnelle libre et que pour gérer un tel travail, je me devais de m’appuyer sur une personne interne aux Editions Soleil.. Aujourd’hui donc: deux collections et deux éditrices!’
Pour revenir à la seconde question : les thématiques fondamentales de la collection Métamorphose restent celles de la mort , de la transformation ( donc la vie ! ) et peuvent être vues comme un voyage intérieur et extérieur. Une thématique liée à la recherche de nous mêmes donc? Fondamentalement oui. Tout est résumé dans le nom même de la collection: « la métamorphose. » En ce qui concerne le label Venusdea, il n’existe pas une vraie ligne éditoriale: les projets sont libres et selon les envies des artistes. Cela peut être des livres d’art (comme « Beautiful Nightmares » de Nicoletta Ceccoli), des livres illustrés avec un récit (Comme « Chat Siamois de Bianco et Ciou ou « Sabine » de Mihindou, des toyz comme « Mekaneko » de De Longis) ou les deux ensemble comme le prochain livre de Junko Mizuno. Il me plaît de penser la collection Venusdea comme un espace de création libre, un espace qui s’adresse à tous les esprits créatifs et ouverts, en quête de curiosités artistiques et de nouvelles énergies visuelles.
Quels souvenirs « galère » à raconter à propos de ses balbutiements? Quelles satisfactions?Tant et tant de problèmes! Il nous faut beaucoup d’énergie pour les dépasser et aller de l’avant! Ce fut plus facile pour la collection Métamorphose que pour le label Venusdea parce qu’il s’agit de livres plus simples, avec une thématique et la structure de Soleil qui s’était fondée déjà avec une collection. Nous travaillons beaucoup tout seuls lors de la fabrication chez Soleil, parce que chaque projet est un livre singulier .. Du papier, du format jusqu’à la pagination. Nous ne proposons pas de livres « standards ». Nous pouvons aller des 46 pages classiques de BD à des paginations- type roman ou à des coffrets comme le second « Billy Brouillard ». En octobre nous sortirons, par exemple, Notre Dame de V.Hugo illustré par Benjamin Lacombe qui fait 656 pages. Il mesurera 4 cm d’épaisseur! Nous utilisons d’habitude du papier recyclé de grande qualité ( avec des coûts additionnels) et une qualité de presse différente de celle de la BD, surtout dans le traitement des « noirs », pour respecter le trait du dessin original. Pour cette raison, nous sommes toujours à la recherche de meilleurs imprimeurs. Chaque livre nécessite un travail pour tous: pour l’artiste, pour nous, pour Soleil. Chaque livre est un univers unique, à protéger et à valoriser.Pour moi, un livre c’est pour toute la vie et il doit passer de mains en mains à travers les générations… C’est ce que l’on tente de faire avec cette Collection. Je mets beaucoup d’amour dans ce que je fais, ça semble banal de le dire, mais c’est ainsi! Cette passion je la dois toute à ma famille qui m’a enseigné la valeur de ces objets « magiques. »
Pour revenir au label Venusdea, c’est beaucoup plus long et complexe et je ne veux ennuyer personne. Mais pour être brève, les livres dans ce label sont créés par des artistes qui n’appartiennent normalement pas à la BD. Des designers, des photographes, des peintres, des illustrateurs.. etc.. etc.. aussi, chaque fois, le projet change de forme. Pour vous donner un exemple, nous avons édité des TOYZ! et nous continuerons encore et encore avec des projets plus fous!
Les artistes qui font partis du label sont des auteurs internationaux et très connus, comme Junko Mizuno ou Nicoletta Ceccoli. Mais en même temps, nous donnons une place aux auteurs qui éditent un premier « livre » comme Ciou, Maya Mihindou ou Lilidoll ou même Matteo de Longis qui a inauguré le label Venusdea en 2009. Soleil n’était pas structuré au départ pour un espace éditorial de ce genre! Il y a deux ans, elle a voulu créer une autre structure à l’intérieur d’elle- même , avoir des gens à Hong-Kong qui s’occupaient des productions, les contrôlaient et parfois nous étions confiés à une « com » extérieure. Nous nous sommes d’ailleurs appuyés récemment sur l’Artoyz qui deviendra en 2011 notre partenaire pour la production et la vente des toyz, mais aussi des livres. Nous devions mettre en place aussi une vraie collaboration avec les galeries d’art, chose que nous sommes en train de faire encore, pour la distribution des livres. En effet, Soleil n’a pas encore ce genre de contacts. J’organise souvent des expos liées aux projets..et en somme, beaucoup de travail qui nécessite une grande passion pour l’art.
Pour finir: les livres sont souvent traduits en deux langues: anglais et français. Et nous exportons, comme Soleil, Delsol, Hachette, les livres directement à l’étranger. Je dois dire qu’encore aujourd’hui la structure de Venusdea n’est pas complète ni parfaite et que nous sommes en train d’évaluer comment la restructurer mieux encore. Il nous faudra encore un an , je pense. Nous y allons calmes et tranquilles, parce qu’il y a aussi une crise mondiale dont nous devons tenir compte et nous ne voulons pas faire de fautes.. Ma grand-mère disait: » qui va piano, va sano et lontano ». Nous sommes en train de faire ainsi!
Quant aux satisfactions , elles sont déjà visibles pour tous: ce sont les livres mêmes!
Combien de titres compte la maison aujourd’hui? Quels sont les derniers titres parus?
Ils sont déjà nombreux! Les deux collections commencent à avoir leurs lecteurs et leur place dans les librairies et c’est un pas important pour installer ses bases et se faire connaître. Métamorphose fait naître 8 ou 9 titres par an tandis que Venusdea n’en publie que 2, pour le moment, et pour les difficultés citées précédemment. Les derniers titres importants pour Métamorphose sont: le tome 3 de Billy Brouillard, la série phare maintenant de la Collection, un grand succès de public et de critique. » Alice – Au Travers les Miroir de Lostfish, en deux mois, déjà épuisé, nous sommes à la réimpression.. Pour Venusdea le 23 mars, « SABINE » de Maya Mihindou et début sortiront mai « MILKY de Lilidoll. Le dernier titre sorti a été le magnifique Art Book de Nicoletta Ceccoli « Beautiful Nightmares » qui est épuisé déjà et bientôt à la réimpression. Que dire, donc? Merci!
Adressons- nous maintenant à l’illustratrice talentueuse de Sky.Doll. Déjà 10 ans…comment est née cette poupée délicieuse?Oui, 10 ans sont passés déjà depuis la première parution, ou mieux presque 11 ans à vrai dire, parce que le premier tome était sorti en novembre 2010! Noa, ou mieux la série SKY DOLL, est née de la folie de deux artistes: Alessandro Barbucci et la soussignée Barbara que je suis. Dans quel contexte? La vie, la culture, les amis et l’époque d’une belle histoire d’amour entre nous et vécue 24 h sur 24.Mais pas seulement! Il y avait aussi de ma part, un vrai plaisir d’évoquer certaines icônes qui me sont chères: comme le roman de L.Carroll Alice dans le pays des Merveilles ou les « dolls » de l’artiste allemand Hans Bellmer ou les réplicants de » Blade Runner » en finissant par ces femmes objets de plaisir comme dans le film culte Barbarella. Voilà pourquoi sur la planète Papathea, les sinto-doll comme Noa ont besoin d’être rémontées toutes les 33 heures avec une grosse clé en métal lourd. Voilà pourquoi la serrure est placée à un endroit très spécial qu’elles ne peuvent pas atteindre elles-mêmes: leur dos. Je voulais souligner la dépendance à un autre être vivant et en faire un être esclave et » objet personnel. ». Je voulais évoquer l’automate et le débat intérieur qui naît dans quelque chose qui diffère d’un être vivant et d’une intelligence artificielle.En somme , pour poser cette question: qu’est-ce que la vie et qui sommes- nous vraiment?
La science-fiction: est-ce un genre qui vous sied à merveille ou est-ce juste ce projet qui vous a poussé à imaginer ces tenues et ces looks futuristes ?
Je lis de la science-fiction depuis que j’ai 8 ans. Ma mère collectionnait une série très connue de livres qui s’appelle URANIA, et encore avant elle, mon grand-père le faisait. Y étaient publiées toutes les oeuvres les plus connues des grands écrivains du genre, depuis les années 30 jusqu’aux contemporains comme P.K.Dick, peut-être l’auteur le plus populaire pour le grand public, grâce à son roman « Do Androids Dream of Electric Sheep? » qu’un metteur en scène pas encore trop connu du nom de R.Scott portait au cinéma en le faisant devenir un des 10 premiers « cult movie » du monde: « Blade Runner. »
Grâce à Urania, je me suis nourrie d’I.Asimov, A.C.Clarke, W.F.Gibbons ou encore D.Adams, quand les autres adolescents lisaient des mangas ou des romans d’aventure. J’ai une grande culture de science-fiction et je voulais rendre hommage à ce bagage culturel qui m’a formée. Les soirées en famille devant la télé étaient nourries par les films des années 50 en B/N comme « The day of the triffids », « War of the Worlds, « The Thing » ou encore « The Fly « , en allant jusqu’au choc total avec l’incroyable « Alien (…que j’ai vu au cinéma quand j’avais 16 ans. C’était interdit aux plus petits à l’époque) et puis évidemment « Star Wars. » Mais j’apprécie aussi les films complètement decalés dans leur narration et leur esthétique comme « Flash Gordon »ou l’incroyable « Brazil » de T.Gilliam. Et à part ces films, disons de goût « kitsch », pour moi le chef-d’oeuvre absolu reste et restera Barbarella de R.Vadim. Cette passion pour la science-fiction des années 70 est devenu aujourd’hui la base pour SKY DOLL. Et je clos ma réponse en disant que je suis une grande fan de la série animée « Futurama! » Vous n’avez pas d’idée du nombre de références et de clins d’oeil qui proviennent de ces vieux chef-d’oeuvre du roman de science-fiction: Matt Groening est un génie aussi pour ça!
Votre Sky-Doll est devenu une icône graphique internationale…comment expliqueriez-vous son succès?
Nous savions tous les deux que Sky Doll était un projet d’envergure…Nous n’étions pas quand même pas naïfs à ce point. Je mentirais! C’est aussi parce qu’ Alessandro était ( et est toujours ) un « maître Disney » et même un professeur et que je n’étais pas non plus une émérite inconnue en 99, l’année où nous avons commencé à présenter SKY DOLL aux éditeurs. Je participais à des cours réservés à un petit nombre d’élus et aux workshop importants internationaux et je donnais des cours de couleur et de manga à l’Académie Disney. Sans oublier que déjà en 99, nous vivions en plein ce qui sera devenu un des plus grands succès d’édition: WITCH. En somme, nous n’étions pas si débutants et nous avions déjà des expectatives assez positives sur cette série. Mais ce qui est certain, c’est que nous n’espérions pas ce succès!!! Surtout un succès mondial, d’une telle ampleur et d’une telle durée…Encore aujourd’hui, avec une second jeunesse grâce à Marvel ou aux publications en Chine, en Corée et au Japon. Et quand je rencontre un directeur artistique ou un metteur en scène Pixar, Disney ou Dreamworks, maîtres du manga ou de l’animation, qui sait qui nous sommes et qui admire notre travail..et bien c’est vraiment une grande satisfaction, c’est évident! Mais la chose la plus belle est de savoir que des gens du monde entier lisent nos histoires et s’y retrouvent .Ils la comprennent et il l’aiment. Voila quel est le succès pour moi. Le vrai. Chaque nouveau lecteur est … un cadeau. Mais en fait, non, je ne sais pas expliquer la raison de ce succès. La magie? Si ça l’est, je veux en profiter encore un peu!
Diriez-vous que Noa incarne la jeune femme idéale?
Je dirais vraiment que non! Noa est tout sauf une femme idéale!
Elle est née pour dénoncer la vision de la beauté d’aujourd’hui ,stéréotypée et vide, tout autre que féminine et sensuelle. Gros seins et des jambes maigres et longues…Un physique de mannequin de mode qui ne communique rien. La force de ce personnage est vraiment dans son caractère opposé à ce qu’elle représente.Et c’est pour cette raison qu’on l’aime.
Dans votre préface, vous évoquez la manipulation des masses dans un but lucratif qu’exercent la Walt Disney Company et l’Eglise Catholique….Skydoll est donc née d’un ras-le-bol?
Il y a une certaine vérité là-dedans… Pour le comprendre, il faudrait avoir fréquenté les écoles élémentaires , le collège et l’université en Italie, avoir suivi les événements de 2000 à la télé nationale, la RAI ( et celles de Berlusconi = même chose) , et avoir travaillé quelques années à la WDC. Ils ne sont pas politiquement si éloignés les uns des autres. Le discours risque d’être très long, il nous faudrait une interview à part pour traiter de ce sujet et je crois que l’intro de « SKY DOLL DÉCADE est un parfait résumé! … un conseil? Achetez-le et lisez-le! ( Rires)
Un univers très lointain qui ironiquement partage les mêmes travers que le nôtre….avez-vous d’autres auteurs à nous citer qui usent aussi du genre de la contre-utopie?
Ceux qui m’ont marquée le plus sont d’abord Moebius et Jodorowsky avec l’Incal, mais je ne veux pas oublier de citer H. Oesterheld et F.S.Lopez avec l’Eternauta ou F.Fernàndez avec « Zora » et encore ( je me répète) J.C.Forest avec « Barbarella « .Ils ont traité ces questions bien avant nous! Sans oublier le grand Otomo avec « Akira » ou J.C.Mézières et P.Christin avec « Valérian et Laureline. »
Trois ans pour que naissent l’infinité de nuances de violet, le grand sourire et les quelques questions à se poser de Skydoll….Alessandro Barbucci et vous -même semblaient partager un fort goût pour l’ironie….vos dessins très esthétiques se prêtent à des textes souvent caustiques. Est-ce dû au mariage heureux et complice d’un auteur et d’une illustratrice?
Évidemment. Alessandro et moi nous connaissons depuis 20 ans maintenant et nous avons fait ensemble beaucoup de projets dont nombre ont été difficiles et stressants. Souvent d’ailleurs nous ne comprenons pas comment nous réussissons à être si complémentaires. Une chose rare en effet et que nous voulons protéger avec les dents. C’est vrai que ces deux parties si différentes de SKY DOLL représentent aussi bien nos deux caractères.. Mais nous nous étonnons souvent à faire le contraire de ce que nous sommes au départ: des fois il lui arrive aussi d’écrire la partie « tragique » de l’histoire et moi celle qui est « ironique « …
Les couleurs qui pigmentent l’héroïne lui confèrent une aura extraordinaire: avez-vous réfléchi longtemps à la palette de couleurs à privilégier?
J’ouvre une petite parenthèse pour rappeler qu’au début, la série était colorée à la main, mais aujourd’hui , c’est avec Photoshop…. sinon ma réponse n’aurait pas de sens. J’adore les couleurs flashy et acides, pures et à l’époque, j’avais un sérieux problème: je ne réussissais pas à les reproduire avec les acryliques. Il m’était impossible, donc, de créer certaines intensités, même le jour où j’ai découvert les écolines: des couleurs liquides, très semblables à l’aquarelle. Cette attirance pour certaines tonalités « fortes » n’est qu’une réminiscence de ma passion pour la période des années 70, la culture Hippie et la même révolution qu’il y a eu dans le cadre de l’art, du design et du cinéma avec la culture POP. Je n’ai pas fait autre chose que de m’inspirer de ce que j’ appréciais déjà.
Cette bande dessinée doit-elle se lire aussi comme un sursaut féministe?…où même les objets sexuels se libèrent et mènent une guerre contre l’obscurantisme et le machisme ambiants?
Il y a sûrement un niveau de lecture qui induit à penser cela aussi et je l’ai indirectement fait peut-être. Mais je ne me sens pas sincèrement une féministe, je n’ai pas envie de dénoncer une société machiste. Chacun finit par trouver sa place. Il faut se faire apprécier pour ce que sommes et pour ce que nous valons.À la fin, il en ressort toujours quelque chose. Le discours est beaucoup plus complexe, évidemment, et il nous faudrait un débat sociologique de plus de 2000 ans d’histoire… Ne nous ennuyons donc pas avec cela. Pour moi,il y a d’autres choses plus importantes à dénoncer.
Quelles nouvelles aventures en préparation pour Skydoll?
Sky Doll terminera avec le tome 5. Le tome 4 se déroulera sur une planète très particulière, Sudra, avec des empreintes iconographiques très orientales… Balinaises, je dirais. Ce sera très coloré, étant donné que nous nous inspirerons de la religion hindouiste. Une planète vue comme un « cirque », où les habitants seront des sortes de freak. Une idée que j’adore, vous le savez bien, dejà ! Les personnages feront des rencontres inattendues et ce livre développera encore plus le caractère de Noa et son histoire. Ce sera un livre sur elle en fait, étant donné que dans le troisième tome, elle a été un peu bousculée par les événements – événements que nous devions quand bien même relater par la force des choses… Le tome 4 ne sortira pas cette année (même s’il y aura peut-être une surprise à la fin) mais pas trop tard en 2012… Allez, encore un peu de patience…
Travaillez-vous sur d’autres projets ?
Oui.. Je suis en train de finir actuellement la série que j’ai conçue après SKY DOLL: END. Un projet très différent des précédents et plus près de celle que je suis aujourd’hui. Il y a toute mon enfance, mon amour incessant et infini pour la nature, pour les petites choses…Le microcosme m’a toujours fasciné. Je pouvais perdre des heures à observer les racines d’un arbre, la faune et la flore en miniature qui l’habitaient, leurs petites vies se développer avec les saisons, mourir et recommencer. L’incessant devenir et l’incessante répétition de la vie. Nous avons perdu, je trouve, le sens d « observer le monde qui nous entoure» .Je voulais retrouver ensuite une certaine lenteur et certaines réflexions, mais surtout arrêter le temps! C’est un projet né il y a longtemps , au moins 5 ans et la co-autrice de cette série est une autre artiste italienne : Anna Merli. C’est un livre auquel je tiens beaucoup, étant donné que le sujet de cette BD est la mort et qu’il n’est pas facile d’en parler, évidemment. Mais j’ai tâché de l’affronter de plusieurs manières romantiques possibles. Au niveau graphique, nous nous sommes inspirées des illustrateurs de la fin du siècle dernier A.Bauer , A.Rackham ou Dulac jusqu’à arriver à l’Art Nouveau. Les planches ont été réalisées à la main, à l’aquarelle et pas au hasard… c’est une espèce de bande dessinée faite à 4 mains. END est une fable, un parcours initiatique assez difficile d’un personnage qui devra décider de grandir et de s’ouvrir vers quelque chose de nouveau, en y mêlant angoisses et peurs, comme n’importe quel être humain qui laisse son enfance derrière lui. Ce sera une fable racontée à ma manière, avec beaucoup de questions que je me pose souvent dans mon quotidien.
Pour lire l’interview de Barbara Canepa dans le BSCNEWS de MARS 2011, cliquez ici!