Héros et modernité

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Par Sophie Sendra- Bscnews.fr / Illustration d’Arnaud Taeron Quand on parle de « Héros », plusieurs images nous viennent à l’esprit. La première est celle du « super héros », doué de pouvoirs surhumains, sans peur et sans reproche. Ceux de notre enfance, loués par des bandes dessinées. La deuxième image est celle de ces héros qui ont fait preuve de courage durant un événement particulier, ou celle liée à une profession (pompiers, sauveurs en tous genres etc.). Afin de savoir réellement ce qu’est un héros, en dehors de toute imagerie mentale, il faut regarder dans un dictionnaire : « Nom donné par les Grecs aux grands hommes divinisés (demi-dieux). C’est celui qui se distingue par des vertus ou des actions extraordinaires, particulièrement à la guerre. Principal personnage d’un poème ou d’un roman, d’une aventure ou d’un film. (Ulysse est le héros de l’Odyssée, d’Homère) ». Partant de cette définition, j’ai cherché des « héros » actuels, modernes…et j’ai cherché encore…et encore.
Le Héros est mort, vive le Héros Suivant cette définition, il est possible d’étirer cette dernière, tel un élastique, afin de répondre à la question : existe-t-il encore des Héros ? Si nous reprenons la première phrase de notre Petit Larousse, nous arriverons peut-être à un début de réponse. Des hommes divinisés, des « demi-dieux »..? Le gros problème de la modernité c’est qu’elle « héroïse » des hommes lorsqu’ils sont morts. Le concept de « demi-dieux » n’est accessible que du moment où vous n’êtes plus. Vous êtes alors considérés comme une « Icône », une « légende », dont on croit mordicus que vous n’êtes pas passés à trépas. Que vous allez revenir. Le « demi-dieux » par définition se range du côté du divin, il ne peut que réapparaître. Les exemples sont nombreux : Elvis Presley, Jim Morisson, Michaël Jackson etc., dont on suppose qu’ils ne sont pas morts, qu’ils ont simplement changé de vie ou encore qu’ils réapparaissent en fantôme sur des vidéos. Pour la vertu de ces « demi-dieux », elle est accordée après leur règne ici-bas, réhabilités aussitôt dès leur décès, excusés, blanchis, presque « javellisés ». Actions extraordinaires ? Certes, mais par leur talent respectif. Mais qu’avaient-ils donc combattu dans leurs « guerres » supposées ? Héros et Héraut Le langage qui entour le héros est celui du divin, mais c’est également un verbiage guerrier. Ce sont des « combattants » de la première heure : les héros de guerre, ce furent de vaillants résistants. Ils se bâtèrent pour leurs idées : les héros intellectuels. Ils ripostèrent aux critiques : les artistes, les auteurs. Loin de notre histoire faite de guerres auxquelles on rend hommage régulièrement, et pour lesquelles les héros sont célébrés auprès de mausolées, les autres « demi-dieux », porteurs de messages, ces hérauts de la pensée sont oubliés mis à part par quelques uns faisant pèlerinage en des lieux « saints ». Ils sont alors mystifiés, collectionnés, entretenus dans la mémoire. On cite Zola, Baudelaire, Picasso, Sartre, Proust. Ces « demi-dieux » deviennent mémoire collective, références. Personnages auxquels on peut s’identifier, dont on peut s’inspirer pour des combats intellectuels et politiques. Ils deviennent « hérauique », messagers au-delà des temps. Héros et modernité C’est dans l’enfance que l’on « adopte » des Héros. Leur héroïsme se tient dans leurs activités, dans leurs allures, dans leurs fonctions. Ils défendent des valeurs (au-delà de la vertu), ils nous font rêver. Le héros est un homme, un être humain ou un personnage humanisé qui peut nous laisser penser que nous aussi nous pouvons lui ressembler. Le super héros, c’est autre chose : quand on dépasse le principe de plaisir, le principe de réalité nous rattrape (je joue à Spider Man et lorsque je pense pouvoir coller au mur, le principe de réalité du sol, se rappelle à moi plus vite que je ne l’avais prévu !). Le héros (en dehors de tout personnage de littérature), lui, est vivant, il est là en chair et en os. Il écrit, s’insurge, répond aux questions. Il est alors possible de s’identifier et de le prendre pour exemple. La modernité nous offre-t-elle cette possibilité ? Quels sont ces héros auxquels les enfants peuvent s’identifier ? Au risque de paraître un brin négative, disons avec diplomatie, que je cherche encore. Héros positifs ? Je cherche. Héros de la littérature ? Je cherche. Héros intellectuels ? Je cherche. Il existe toutefois des héros qui se mettent en avant. Qui cherchent à mettre leurs idées en exergue : le quart d’heure de célébrité de Andy Warhol est bien exploité, mais il est cauchemardesque. « Héros » de la télé-réalité, « héros » du buzz sur internet, « héros » de guerres dans les jeux vidéos, « héros » de l’école sur téléphone portable. Héros politiques ? La guerre des petites phrases, des tractations, des images, des apparitions. Héros intellectuels ? Messagers et hérauts de deuxième partie de soirée, passages à la télévision obligatoire, sujets voués à la mode de la dernière polémique. S’il fallait conclure Nous devons chercher encore plus loin afin de trouver des héros, des vrais. Aung San Suu Kyi (Prix Nobel de la Paix, prisonnière politique en Birmanie), Lui Xiaobo (Prix Nobel de la Paix, prisonnier politique en Chine), Muhammad Yunus (Prix Nobel de la Paix pour avoir créé la Grameen Bank, une banque pour les pauvres, gérée par leurs soins), Toni Morrison (Prix Nobel de Littérature) et bien d’autres encore. Mais ceux auxquels je pense réellement sont ceux qui, en ce début de XXIème siècle, n’ont plus de modèles, de héros mais de pâles photocopies dont on ne distingue plus le relief.

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