Delphine Chedru : aiguiser l’oeil et l’esprit du lecteur

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Par BSCNEWS.FR / Entretien avec Delphine Chedru : « Images ludiques et poétiques »
Graphiste, coloriste dans la bande dessinée, Delphine Chedru est aussi l’auteur d’une quinzaine d’ouvrages pour la jeunesse. Avec un style graphique à la fois riche et épuré, un goût pour la poésie et l’absurde, elle excelle dans les jeux visuels. Elle publie en cette rentrée quatre albums.
Propos recueillis par Jean-Marie David-Lebret, Librairie Sauramps Polymômes, Montpellier

Vous êtes une graphiste reconnue. Vos débuts dans l’édition jeunesse sont pourtant récents… Qu’est-ce qui vous a donné envie de vous orienter vers les livres pour enfants ?
J’ai été fortement marquée par mes livres d’enfants (dont le souvenir reste très précis). Ma grand-mère paternelle était une grande lectrice et nous lisait régulièrement des livres savamment choisis ; je garde en mémoire ses intonations de voix sur L’Enfant d’éléphant de Kipling, Apoutsiak de Paul-Émile Victor ou Le Joueur de flûte illustré par Samivel. Des livres (d’ailleurs souvent illustrés par l’auteur lui même) où la cohésion texte-image était parfaite ! Cet attachement au livre pour enfant m’est revenu lorsque, mère à mon tour, j’ai retrouvé le chemin des rayons jeunesse pour mon fils.

Votre graphisme maîtrisé donne une impression de simplicité. Quelles sont vos influences ? M.C. Escher avec ses combinaisons de motifs et ses images impossibles ?
Mon graphisme correspond surtout à ce que je veux transmettre (une notion de jeux et de lecture évidente, rapide, presque instantanée) ainsi qu’à mes goûts visuels pour la couleur, les formes et les motifs. Je m’intéresse aux jeux visuels… Certes, Esher est un maître en matière d’images impossibles ; mais j’aime également les images d’Épinal (et leur esprit ludique et joyeux), ou l’œuvre de Bruno Munari (qui a beaucoup travaillé sur les formes et les couleurs) et dont je suis une grande admiratrice, tant au niveau du concept qu’au niveau du graphisme.

Quand tu dors… raconte à l’enfant ce qui se passe, de la tombée de la nuit au petit matin. De ce que vous imaginez se dégage un charme poétique…
La nuit est une inépuisable source de fantasme et d’angoisse pour l’enfant. L’arrêt imaginaire de toute activité, de toute vie, fait peur. J’ai voulu, par ce livre, montrer que justement la vie continuait ! Même lorsqu’il ferme les yeux, des foules de choses se passent, de la plus simple (la lune qui brille) à la plus complexe (les lettres qui voyagent vers leurs destinataires). Je vois ce livre comme une petite ritournelle nocturne qui rendrait l’espace noir de la nuit, un peu plus familier.

Que deviennent les ballons lâchés dans le ciel ? propose au lecteur de s’interroger sur le sort des objets du quotidien que l’on perd… avec imagination et fantaisie !

Ce livre est né d’une interrogation que j’ai eu (il y a peu de temps !) en voyant un vrai ballon s’éloigner dans le vrai ciel ! Et de m’interroger… La disparition, quelqu’elle soit, est très marquante pour un enfant. Je me souviens de questionnements lorsque, petite, je perdais du regard quelque chose, ou quelqu’un… Que deviennent tous ces « absents » lorsqu’ils ne sont plus à la portée de notre regard ?

Après Têtes de pioche, vous proposez un autre livre d’activités : L’Arbrier. Racontez-nous son principe amusant, puisqu’il associe recherche, dessin, histoires et documentaire.
Travailler sur des formes déjà existantes, pour les détourner, est un peu le fil conducteur de ces deux livres. Après l’utilisation des objets quotidiens, j’ai puisé dans la nature les bases formelles de ce nouveau jeu. Car les feuilles d’arbres présentent des formes très variées tout en étant très accessibles ! Ainsi, je propose au lecteur d’utiliser des feuilles d’arbres (qu’il aura préalablement collectées), pour faire des impressions à la peinture et compléter des illustrations, des décors déjà existants dans le livre.
Le Chevalier courage ! place le lecteur dans la peau du héros, ses décisions permettant de mener à bien l’aventure. Qu’est-ce qui vous a séduit dans le principe du « livre dont vous êtes le héros » ?
L’approche ludique de la lecture (le coté participatif) qui permet de capter le jeune lecteur. Cette participation me tient a cœur : l’enfant devient alors acteur, et donc objet presque central du livre. Poussant à l’extrême cette constatation, c’est tout naturellement que j’ai eu envie de faire un « livre dont vous êtes le héros »

Dans vos livres, vous aimez solliciter l’attention du lecteur, en jouant avec sa perception des choses.
Je travaille autour de l’idée que ce que l’on voit au premier regard n’est pas forcement la vérité définitive : qu’une forme peut en cacher une autre, que derrière une feuille se cache peut-être un hélicoptère, que sous une prise électrique sommeille peut être un lémurien timide ou que le papier peint de la chambre contient peut être des dragons cabotins, ou des koalas apeurés… J’ai envie d’aiguiser l’œil et l’esprit du lecteur. En le prenant à partie, de le faire réagir, participer, et qu’il se forge son propre regard tout en s’amusant : une sorte d’éveil visuel.

Quand tu dors…
Gallimard jeunesse
32 p., 12,90 €
Dès 3 ans
Parution : 26 août 2010

L’Arbrier
Albin Michel jeunesse
68 p., 14,90 €
Dès 6 ans
Parution : 1er septembre 2010

Le Chevalier courage !
Hélium éditions
40 p., 14,90 €
Dès 4 ans
Parution : 6 octobre 2010

Que deviennent les ballons lâchés dans le ciel ?
La Joie de lire
36 p., 13 €
Dès 2 ans
Parution : 21 octobre 2010

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