De l’Amérique aux States

par
Partagez l'article !

Par Sophie Sendra/ Illustration Yves BudinPUTSCH.MEDIA /

Un philosophe ne s’attache pas qu’à la Sagesse, il aime le langage. Il aime le Mot. Lorsque la Rédaction a proposé le thème USA, je me suis interrogée sur la portée de ces initiales. Après avoir écrit sur New York, après avoir fait une thèse de philosophie sur une partie de la littérature américaine, qu’avais-je donc à penser de ce continent ? Pour pouvoir répondre à cette question, je me suis demandée comment on appelait ce dernier il y a encore quelques décennies. En effet, même si ce continent a toujours été synonyme de « rêves », son image avait dû évoluer.

L’Amérique

Quand on se tourne vers le cinéma, on remarque que dans les vieux films en noir et blanc, les personnages parlent de l’Amérique comme d’un endroit refuge, fait de rêves. Ils ne disent pas « USA » ou « States », ils disent l’ « Amérique ». Comme un Fernandel dans le Schpountz. Ce film de Marcel Pagnol de 1938 montre un Irénée Fabre qui veut être vedette parmi les vedettes, et peut-être partir dans le pays de tous les possibles, l’Amérique.

Ce continent là, c’est aussi celui de Walt Whitman, de ses Feuilles d’herbe de 1891, du regretté Dennis Hopper dans Easy Rider de 1969 ou encore celui de Jack Kerouac dans Les Clochards Célestes de 1963. C’est le pays des écrivains, ceux de cette Beat Generation des Burroughs, Ginsberg et les autres. Cette Amérique qui inspirait les peintres de Pollock à Basquiat dans un grand écart de 40 ans, en passant par Fernand Léger et ses Constructeurs de 1950. C’est New York qui remportait les suffrages de ce désir de partir pour la Création.

Les USA

Quand on parle des USA c’est une autre période qui se fait jour. Celle des T-Shirt très voyants que les personnes de ma génération arboraient au collège. Celle de Bruce Springsteen et de Born in the USA de 1984. Un virage à 180° que l’on pourra voir sur les écrans avec le film de Tom Dicillo When You’re Strange. De L’América titre de l’album L.A Woman des Doors et Les USA sublimés par Springsteen, il y a une digression dans le terme et l’évocation de celui-ci.

Ce sont les USA de la série Dallas, les années 80 du Management et des débuts du Brainstorming, de Madonna petite fille du Michigan perdue dans Times Square. C’est la possibilité de partir de rien et de faire fortune. Le « rêve de création et de liberté » est devenu celui du Business, des « affaires ». C’est le « Made in USA » qui cartonne dans les commerces, qui est à la mode. Ce sont des programmes télé qui commencent à être copiés en France. Les dessins animés « Made in USA » commencent à être concurrencés par ceux du pays du Soleil Levant. Mais attention, une autre Amérique arrive bientôt, s’éloignant du « rêve » initial encore un peu plus.

Les States

Ici nous dépassons une frontière. Nous passons dans un autre monde, celui des States. Après les « rêves de liberté », les « rêves de fortune », de quoi pouvons-nous rêver de cette Amérique ? Il est difficile de répondre à cette question car l’Amérique a changé. Elle est devenue les « States ». Grande machine – pour ne pas dire grosse – qui nous donne du I Pad, du BlackBerry smartphone, du Mc Do. En grande quantité, en trop grande.

Il serait injuste de réduire ce continent cher à nos souvenirs à tout ceci, mais il est juste d’avoir l’impression que, comme il existe une « vieille Europe », il existe également une « vieille Amérique ». Celle qui se serait levée contre Monsanto, celui-là même qui, sans rire, « préserve les ressources naturelles et l’environnement » (site officiel français).

L’Amérique s’est levée contre la guerre du Viêt Nam, manifestant contre les tueries, les pulvérisations pendant que Monsanto produisait l’agent orange, sévère produit toxique dispersé sur les populations. Les States ont désormais le marché absolu dans ce domaine et Saint Louis dans le Missouri pleure toujours son T.S Eliot, sa poésie et sa littérature. Mon Amérique me manque parce que par bien des aspects elle reflète bien plus une nostalgie qu’une envie intestine de ces rêves anciens.

S’il fallait conclure

Mon Amérique à moi ne s’appelle pas Goldman Sachs, Madoff, crise des Subprimes, mais Walt Whitman, Toni Morisson, Henry Roth, Jack Kerouac, Jackson Pollock, Jean-Michel Basquiat et tous les autres…

1. Poèmes, Poésie/Gallimard. 2. Éditions Folio. 3. The Beat Generation, Éditions Flammarion. 4. Exposition à partir du 15 octobre 2010 au Musée d’Art Moderne de Paris. 5. New York, Histoire, Promenade, Anthologie et Dictionnaire, Éditions Robert Laffont, Collection Bouquin. 6. Sortie en salles le 09 juin 2010. 7. Album produit en 1971. 8. Siège situé à Saint Louis. Fondé en 1901 par JF Queeny. Fabriquant de désherbant. Producteur du PCB et de l’agent orange utilisé pendant la guerre du Viêt Nam.


Laissez votre commentaire

Il vous reste

0 article à lire

M'abonner à