La mariée mise à nu

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Par Julie Cadilhac – bscnews.fr /« Le besoin de réfléchir visite rarement les gens satisfaits ».

Un roman cruellement féminin. Rose et cynique.

Nikki Gemmel y fait un portrait brûlant de l’insatisfaction féminine et son énonciation, qui vient récupérer souvent le pronom personnel « vous », violente encore davantage la lectrice qui se sent viscéralement visée.
Un roman dérangeant à ne recommander qu’à celles qui oseront affronter les problématiques qui y sont soulevées: peut-on être heureuse en couple? comment avoir une sexualité épanouie? les désirs féminins sont-ils contradictoires et impossibles à combler?
On y parle ( beaucoup) de sexualité au travers de divers angles: le quotidien affligeant des câlins conjugaux, la passion éphémère de l’amant parfait, la folie de l’épouse qui assouvit ses fantasmes au prix de sa sérénité et de sa dignité.
Le roman est chapitré sous forme de leçons façon Aubade et s’amusent à réciter les soi-disants clichés de la bonne épouse.
L’histoire? Terriblement banale.
Une femme londonienne; un mari, Cole; un amant, Gabriel; une amie castratrice, Théo; une mère (toujours trop ou pas assez) présente. Et tout tourne autour du nombril de la jeune femme perdue dans ses envies et ses manques.
Alors?
La Mariée Mise à Nu m’a d’abord séduite par la sémantique plurielle de son titre et je n’ai pas été déçue. Erotisme et psychologie s’affrontent au fil des pages. L’auteur décrit les tribulations psychiques d’une femme ambivalente qui évolue dans un univers sentimental, familial, amical déstabilisant et inconfortable. Le résultat? la perte de contrôle de ses émotions. Nikki Gemmel montre avec justesse la lente dérive d’une femme obnubilée par ses désirs contradictoires: celui d’être blottie dans des bras rassurants, celui d’être un objet de désir, celui de se sentir libre, celui d’être maman.
Au travers du récit d’une héroïne déséquilibrée par les sursauts peu maîtrisables de ses désirs, la réflexion sur les notions de besoin et de désir devient omniprésente et salvatrice.
« A l’origine, La Mariée Mise à nu a été publié anonymement […] j’avais parfaitement l’intention de faire figurer mon nom sur la couverture en commençant le livre, mais je me suis bien vite rendue compte que je me censurais. Effrayée des réactions possibles de mes proches, effrayée à l’idée de les faire souffrir, n’ayant pas tout à fait le courage de me dévoiler avec une aussi complète nudité. »

Peut-on parler de roman sulfureux, profondément érotique? Je ne pense pas. Le sexe est un lieu d’illustration idéal des malentendus d’un couple et des absurdités d’une personnalité.
Certes,le roman ne manque pas de passages coquins où l’auteur-femme s’exprime sur ses attentes érotiques et délivre des leçons fort pertinentes que tout homme avisé ne devrait pas hésiter à appliquer. Mais l’intérêt de ces scènes érotiques n’est pas que « stimulant »… Nikki Gemmel cherche d’abord à nous faire réfléchir et montre ainsi une épouse pour laquelle le sexe est une question de soumission, de compromis et de non-dits qui finissent par enlaidir le rapport sexuel au lieu d’en faire un objet de plaisir.
C’est un livre d’expérience- et c’est toute sa saveur- qui montre combien la négligence de tous les jours provoque des situations de souffrance quotidiennes inimaginables.
Un livre qui rappelle qu’au début, « vous êtes pleine d’amour pour lui, pleine jusqu’à ras bord » et puis, ensuite, lorsque l’état de « limérence ( terme de psychologie désignant un amour de type obsessionnel) » s’éteint,vous vous sentez dépossédée de tout ce que vous donniez avant avec générosité.
Assurément non, La Mariée Mise à Nu n’est pas un livre révolutionnaire: vous n’y découvrirez pas de solution miracle. D’abord parce que l’héroïne est trop égoïste et excessive pour que l’on puisse nettement s’y identifier. Cependant, ce portrait exacerbé détone des romans de midinette que les collections féminines aiment à nous servir. Ici on parle crument et tant mieux! C’est ainsi un roman agréablement dérangeant. Par sa folie. Par ses excès. Par ses insatisfactions et ses doutes et par cette sensation d’autobiographie qui soutient les mots en filigrane.

« Vous aimez Cole d’une façon que vous n’avez jamais pratiquée auparavant. Calmement. C’est un amour qui ne fait pas d’étincelles, il luit plutôt comme une chandelle. vous l’aimez même quand il s’endort tout en vous faisant l’amour. Vous n’aviez jamais aimé calmement avant, quand vous n’aviez pas encore trente ans. C’était l’époque de l’amour avide, plein d’exaltation et de terreur; quand il vous arrivait de dire « Je t’aime », vous aviez toujours l’impression d’être dépouillée; jamais vous n’avez eu l’impression que l’amour pouvait être un sauvetage. »

Critique publiée dans le BSCNEWS spécial érotisme


Titre: La mariée mise à nu
Auteur: Nikki Gemmel
Traduit de l’anglais par Alfred Boudry.
Editeur: Au Diable Vauvert
Prix: 22 euros

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