Tim Burton peint le pays des merveilles…
Et cette Alice au Pays des Merveilles , en effet, ne manque pas de charme. Certes, son producteur Walt Disney, a certainement réfréné les folies burtoniennes, cadré un peu les dérives psychotropes que le roman de Lewis Carroll autorisait. Il ne reste plus que La Chenille et son narguilé, encadrée de champignons phosphorescents ,qui perdure et enfume la jeune Alice. Si l’on regrette de n’avoir pas pu voir la version non censurée d’une Alice au pays des délires à l’opium, on se laisse entraîner dans cette mission nouvelle imposée à la jeune adulte avec un plaisir enfantin! Et l’on est enthousiaste lorsque le chat farceur et invisible joue de son sourire canaille, lorsque le lapin blanc est en retard et agite sa vieille montre, lorsqu’on découvre le gâteau qui fait grandir et la potion qui rapetisse, et l’âme conquérante d’un gosse de huit ans, on s’embarque avec elle pour sauver ses amis des griffes de la méchante reine rouge!
Un bémol quant à l’utilité de l’utilisation de la 3D: la technique n’apporte en effet pas grand chose au film…on déplore même de voir l’artifice de la commande Disney : des effets ont été surajoutés, « plaqués » pour plaire au public. Ainsi, à part le vol de quelques insectes et un instant fugitif où l’on a l’impression d’être à la table du chapelier fou, le reste du film ne semble pas justifier le prix d’achat de ces lunettes fort esthétiques que l’on nous colle au nez et qui floutent le regard d’une manière très désagréable. Soi-dit en passant, si vous voulez voir Alice dans une grande salle, prévoyez ,avec l’achat de l’ustensile visuel adéquat, autour de 15 euros…prix proprement scandaleux et qui vient expliquer la désertion des salles…!!!15 euros, c’est le prix d’une pièce de théâtre avec de vrais comédiens en chair et en os!
Bref…revenons-en à notre Alice qui a des problèmes identitaires sérieux dans la version de Burton. Le choix de ne pas la mettre en scène enfant relevait d’une audace excitante et aurait pu dépasser de loin l’intrigue qu’on nous laisse à voir: la naïveté demeure, Alice apprend seulement que la folie est une qualité à conserver, une source d’imagination et de fantaisie inestimable. On espérait davantage, son courage final semble surfait , fabriqué, moins le résultat d’une révélation que d’une nécessité immédiate à agir.
Oui, assurément, le plaisir du film réside moins dans le scénario et les dialogues ( parfois un peu mièvres – mais c’est vrai que ce film est destiné aussi aux enfants…. sauf que, autour de vous, vous entendrez nombre de parents dire « on ne va pas l’amener voir du Burton, il est trop petit! ) que dans les paysages brossés et mis en scène par Tim Burton. Oui, mis en scène car le décor semble être un comédien à part, qui respire, qui frissonne, qui se meurt…et toute l’excellence des films du réalisateur nait du fait que l’on aime s’attarder sur l’arrière-plan, que l’on accepterait même de ne le voir jouer que lui. Dans Alice, tantôt il flamboie d’orange, tantôt il rugit de mille couleurs, parfois se teinte de blanc éthéré , parfois s’assombrit et sombre dans le fleuve aux têtes coupées.De plus, ce film est un ballet étourdissant de costumes extraordinaires, ceux de la Reine de Coeur, les robes d’Alice, les chapeaux conçus par le chapelier raviront tous les yeux goûteurs d’oeuvres de tissus.
-Les fans de Johnny Deep auront le plaisir de lui découvrir un nouveau rôle où il brille de mille feux: derrière des pupilles bicolores et ardentes, le chapelier dément qui prend à toute heure du thé avec un lièvre déjanté et une souris déboussolée ne pourra que vous séduire. Tim Burton a sculpté pour son acteur fétiche un rôle sur mesure et les décors, les couleurs et le costume bariolé du chapelier se confondent et se fondent pour mettre en valeur…. le jeu du comédien.
– Helena Boham Carter, l’épouse de Tim Burton, en Reine de Coeur impitoyable, enfin, est tordante autant par sa tête démesurément grosse que ses sautes d’humeur irrépressibles.
En résumé? Un bon moment assurément ! Non pas , à mon humble avis, le meilleur film de Tim Burton mais l’occasion quand même de passer un moment divertissant en compagnie d’animaux qui parlent, d’une végétation luxuriante et SURTOUT d’un grain de folie salvateur.