Élections Régionales : Eric Besson, victime expiatoire

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« J’ai ma part de responsabilité dans les résultats de ce soir, c’est évidence absolue » : et voilà Eric Besson contraint le soir du second tour des élections des régionales d’endosser le costume du bouc émissaire !
Dès le premier tour, le responsable de la débâcle de la majorité présidentielle est tout trouvé : c’est Monsieur Besson, instigateur du débat sur l’identité nationale. « Débat inopportun » selon Alain Juppé, « qui a profité davantage au FN qu’à l’UMP » selon Jean-Claude Gaudin, « qui a redonné de l’oxygène » au parti d’extrême-droite selon Christine Boutin. Même rengaine à gauche. Pour Martine Aubry, Nicolas Sarkozy et son ministre ont « rouvert une porte au FN ». Même les humoristes s’y mettent et voilà Stéphane Guillon sur France Inter qui accuse le ministre de l’Immigration d’être une taupe de Jean-Marie Le Pen.
En réalité, Eric Besson est la victime expiatoire des résultats décevants de son camp. Ancien lieutenant de Ségolène Royal, figure emblématique de l’ouverture prônée par Nicolas Sarkozy, l’homme a autant d’ennemis à gauche qu’à droite, qui ne rêvent que d’une seule chose : le livrer en pâture aux éditorialistes politiques et lui faire payer pour les uns sa défection, pour les autres le fait d’avoir réussi à s’imposer dans le staff présidentiel.

Pas de remontée du FN

Car les chiffres contredisent l’hypothèse d’une remontée du FN. Aux dernières élections régionales, en 2004, l’ensemble de l’extrême droite totalisait 16,14% des suffrages au premier tour, soit plus de 3,9 millions de voix. En 2010, ce score n’est plus que de 12,31% à près de 2,4 millions de voix. Entre temps, c’est 1,5 millions d’électeurs qui se sont évaporés.
Pire : le Front National fait son pire score depuis 1986. A l’époque, 2 658 500 personnes lui accordaient leur confiance, soit 9,5% des votants. A partir de 1992, le parti est toujours au-dessus de 13% avec plus de 3,2 millions de voix. Cette année, le FN seul ne réussit à mobiliser que 2,2 millions d’électeurs au premier tour. Avec 11,42% des suffrages, c’est bien son résultat le plus bas depuis 24 ans.
Si l’on s’intéresse à présent aux résultats du parti frontiste au second tour [1] (Rappelons que les élections régionales se déroulent en deux tours depuis 2004 seulement ) , 12,38% des électeurs votaient en sa faveur en 2004, ce qui équivaut à 3,2 millions de voix. En 2010, le parti perd 3 points et redescend à 9,17% des suffrages, avec un peu moins de 2 millions de partisans. Au second tour, il manque toujours 1,3 millions de voix pour égaler les scores des précédentes élections régionales.

Le constat est sans appel : loin de progresser, le Front National régresse sur le plan national si l’on s’en tient à des élections au mode de scrutin similaire.

Un parti en baisse depuis 2002

Pour arguer d’une remontée du parti frontiste, certains analystes politiques avancent comme élément de comparaison les Européennes de juin dernier (6,3% des voix) et les Législatives de 2007 (4,3%). Argument fallacieux là encore si l’on compare les résultats de Jean-Marie Le Pen aux deux précédents élections du même type. Loin d’être exsangue, le FN est néanmoins sur une pente descendante.

La tableau récapitulatif des scores FN depuis 2002Reprocher à Eric Besson d’avoir servi de tremplin aux frontistes est au mieux de mauvaise foi, au pire révélateur d’une méconnaissance des chiffres tant ces derniers contredisent tout ce qui a pu être dit ou écrit sur un prétendu sursaut de l’extrême-droite.

Qui veut la peau d’Eric Besson ?

Chouchou du président, figure emblématique de l’ouverture, Eric Besson paye aujourd’hui la rancœur d’élus de la majorité furieux d’avoir été écartés du pouvoir au profit de personnalités de gauche. Son arrivée à l’UMP avait déjà fait jaser. Les caciques de l’UMP ont aujourd’hui les moyens de réclamer des comptes.
Dès lundi matin, Jean-François Copé demandait la fin l’ouverture : « On a sollicité des gens de gauche acceptables par la droite, je pense que maintenant c’est bien de solliciter des gens de droite acceptables par la gauche ».
Dans la perspective d’un remaniement ministériel, les premières victimes pourraient être d’ailleurs du côté des ministres de gauche. Fadela Amara et Jean-Marie Bockel sont donnés partants. Mais par Eric Besson qui confiait dans l’entre-deux-tours vouloir conserver son poste.
Ministre de l’Immigration, il reconnaissait dimanche soir avoir mené des débats qui avaient pu déranger : « Certains pensent que ces débats ont contribué à l’affaiblissement de la majorité, ce n’est pas ce que je ressens, mais je l’entends ».

Affaiblir la majorité… ou peut-être avoir raté sa manœuvre électorale, à savoir priver le FN des voix qui lui permettent d’accéder à la barre de 10% et de se maintenir au second tour des élections régionales. Les triangulaires avec le Front dans des élections de liste à deux tours nuisent à la majorité.

Nicolas Sarkozy assurait le mois dernier qu’il tirera en avril les conclusions du débat sur l’identité nationale. Début mars, Eric Besson annonçait un colloque le 8 avril sur les identités nationales et européennes. Un deuxième séminaire gouvernemental avant l’été apportera des réponses aux inquiétudes soulevées par les différents débats. Mais décidément, le calendrier est bien facétieux : les prochaines élections n’auront lieu que dans un an.

Par Neila Latrous / BSC NEWS.FR
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