Les livres qui ont marqué 2009 au Canada

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Ma sélection littéraire de 2009 – Je m’y essaie quand même, même si l’exercice est toujours frustrant et périlleux. Et jamais exhaustif, par définition. Tout comme le top 5 que je fais en danse pour le quotidien La Presse, j’y suis allée ici à la mémoire du choc reçu, donc aux livres dont je me souviens spontanément, sensitivement pour ne pas dire charnellement, car je continue de penser que la littérature doit toucher aussi (d’abord ?) le cerveau émotif qu’est le ventre. Si on n’écris pas avec ses tripes (cf plus loin à la phrase de JS DesRochers à ce sujet) on doit pouvoir s’en souvenir, je crois, par son impact sur les deux têtes, celle du haut, et celle du bas…
Allons-y :
Paul à Québec, de Michel Rabagliati (La Pastèque). Sixième opus de l’incontournable série des Paul par l’auteur et illustrateur montréalais Michel Rabagliati et son univers tendre et évocateur ses dessins dépouillés en noir et blanc, bâtis autour de deux héros: Paul, le sympathique alter ego de son « papa », et Montréal, celui des années 70 au premier chef. Un livre très très touchant autour de la perte, le deuil d’un proche et un déménagement.
Discours sur la tombe de l’idiot, de Julie Mazzieri (José Corti). Premier roman et Prix du Gouverneur Général roman 2009, tout de même ! Nota Bene : en France les livres ont la nationalité de leur éditeur (ici Français) mais au Canada les livres ont la nationalité de leur auteur (ce qui explique le Prix). Cette tragédie paysanne finement construite où des villageois dépossédés se retrouvent sous l’emprise d’une nature qui les dépasse, rappelle les drames atemporels de Dostoïevski.
Mais que lit Stephen Harper?, de Yann Martel (XYZ pour la traduction française). Yann Martel, dont on connaît mondialement L’histoire de Pi, envoie chaque mois, depuis plusieurs années, un livre au Premier Ministre du Canada qu’il soupçonne, avec beaucoup d’autres, d’être carrément inculte, au moins en matière de littérature. Il fait ainsi son éducation et dans ce livre, réunion de la liste des livres et des lettres qui les accompagnent, pousse à une réflexion fondamentale. Eh, qui va oser faire la même chose avec… Nicolas Sarkozy ? voir www.quelitstephenharper.ca
Ru, de Kim Thuy (Libre Expression), ou le périple hyper bien écrit et très interpellant, d’une jeune Vietnamienne arrivée au Québec à 10 ans. Une surprise sensible et intelligente.
J’ai eu peur d’un quartier autrefois, de Patrick Drolet (Hurtubise collection Texture dirigée par François Couture). Premier roman d’un jeune auteur, et jeune père, également acteur qui se définit comme « un auteur qui gagne sa vie en jouant ». Écriture sobre et tonique qui explore nos peurs et nos désarrois informulés, à travers un personnage qui commence par observer une voiture bizarre qu’il n’avait pas vu auparavant dans son quartier et finit par nous transmettre sa peur de perdre ses repères fondamentaux et fondateurs.
Maleficium, de Martine Desjardins (Alto), quatrième roman sous forme de fresque baroque en huit tableaux, d’une auteure confirmée et primée ( Le cercle de Clara ou L’Évocation), sous sa jaquette peu convenable qui fait brûler le Sacré-Coeur entre les jambes d’une femme nue, ce roman présente tour à tour sept narrateurs en proie à des tentations étranges, qui les mènent au bord du péché. Parfum de soufre et de révélations.
And the winner is : La canicule des pauvres, de Jean-Simon Desrochers (Les Herbes Rouges), ma découverte de l’automne 2009, mais je suis loin d’être la seule car le roman de 675 p. a à juste titre fait l’événement, pour tout, la forme, le fond, le choc issu de la rencontre des deux, et la fulgurante intelligence de son auteur de 33 ans qui a commencé par publier deux livres de poésie remarqués (Prix Émile-Nelligan 2003 avec Parle seul) avant de publier ce roman hors normes, après avoir lancé une revue, Dialogis, et d’entretenir un blog (L’Atelier parallèle, jsdrblog.blogspot.com). Jeune père et en cours de doctorat de littérature, ses trois prochains romans sont déjà chez son éditeur.

3. Voici donc ma découverte de l’année 2009. La canicule des pauvres. L’histoire se passe dans un immeuble de Montréal, frappé par une canicule sans précédent (souvenez-vous, une certaine canicule en France en 2003…) Le smog persistant s’immisce dans la conversation, s’ajoute aux thèmes récurrents de l’argent et du sexe. Les nantis climatisent leur maison, les pauvres endurent le calvaire. Au Galant, une ancienne maison de passe transformée en immeuble locatif, la vague de chaleur déferle comme un tsunami. Dans le climat surchauffé des appartements sordides se célèbre l’étrange carnaval qu’est la métropole contemporaine. Pour Zach le revendeur de drogue, Kaviak le pornographe, Sarah la tueuse à gages, Takao le bédéiste japonais, Lulu du groupe punk Claudette Abattage et une vingtaine d’autres personnages aussi tendres que cyniques, qui se croisent et s’imbriquent au rythme drôle-acide et effréné de chapitres de quatre pages max, chacun, et qui nous happent au point qu’on ne peut pas s’empêcher de lire le tout d’un trait. Un tour de force réussi. Mais l’auteur, lui, en plein hype, ne perd pas la tête. Une vidéo présente le roman, à voir sur le blog de sa partenaire et compagne, Andrée-Anne Dupuis-Bourret sur son blog Le territoire des sens territoiredessens.blogspot.com/

Aline Apostolska, correspondante du BSC NEWS MAGAZINE à Montréal
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