REBECCA DAUTREMER – Une artiste incontournable
Le journal du Petit Poucet de Rebecca Dautremer est « presque » un objet d’art. On est immédiatement saisi par le portrait en première de couverture d’un garçonnet au regard pénétrant et mélancolique dont le collier de lézards donne une dimension onirique et une irrépressible envie d’ouvrir ce livre plein de promesses…
Et puis, à l’intérieur, le texte de Philippe Lechermeier saisit nos émotions refoulés, nous lance dans cette quête d’identité et de survie du Petit Poucet au travers d’un langage époustouflant de poésie et de drôlerie mêlées. Evidemment que L’histoire du Petit Poucet est parsemée de tristesse et de cruauté. Evidemment que c’est un récit qui force à différents niveaux de lecture et de compréhension et les réseaux de sens seront apprivoisés différemment suivant l’âge du lecteur.
Mais, avant tout, le Petit Poucet parle de thèmes universels, de débrouillardise d’apprentissage de la vie.
Les illustrations de Rébecca Dautremer, en contrepoint, sont d’une justesse et d’une finesse à saluer. Et le travail de complicité entre le dessin et les mots éclate sous le sens…et c’est ce qui fait de ce livre un petit bijou.
Petits détails éthérés,élucubrations humoristiques des représentations enfantines, délicates touches volatiles qui font s’envoler l’imagination et le coeur, et grands portraits poignants ou effrayants: Rébecca Dautremer utilise de ses talents d’illustratrice aussi bien que de graphiste pour donner à ce texte poignant une dimension onirique en surimpressions charmantes.
Oui! Il faut voir, aller toucher ( l’aspect granuleux de la couverture est déjà un plaisir pour la main) !
Assurément ce livre plaira aux enfants…et peut-être davantage aux parents et à tous ceux qui raffolent des belles histoires illustrées et ont gardé une âme d’enfant pressé, le soir, d’entendre une histoire étourdissante de voyages et de pays lointains….
Pourquoi en dire plus lorsque l’idée de génie de bousculer votre emploi du temps de la journée et de parcourir quelques …mètres, kilomètres? vous portera devant le rayon jeunesse d’une librairie accueillante et vous donnera l’occasion de faire un cadeau qui recevra , à coup sûr, un accueil enthousiaste!
Quelques phrases empruntées à Philippe Lechermeier, histoire de vous donner un avant-goût:
» Avant de se coucher, elle a enlevé son dentier et a réveillé père.
Elle lui a dit:
« Y’a plus rien à becqueter. Demain, on abandonne les mioches dans la forêt. »
Papa, endormi, n’a rien compris.
« Ici! lui a -t-elle dit et elle a pris sa main après avoir frotté une plume contre un morceau de charbon. Elle lui a fait signer un document dont le titre était:
Officiel certificat d’Abandon éternel des enfants, petits et grands , gentils comme méchants.
Puis elle l’a glissé dans son corset et elle s’est couchée. »
« J’ai passé la journée à tenter de convaincre mes frères mais ils se sont tous dégonflés.
Barnabé m’a dit gentiment:
« va te faire cuire un oeuf si tu trouves une poule, « S’il te plaît »
et les autres m’ont traité de niaiseur. Bertrand a même ajouté que mes histoires, c’étaient que des vilaines conteries, des pièges à attraper les mouches. Du coup, il n’y a que Boris qui paraissait intéressé par mes projets, mais après une heure d’explications, alors que je pensais avoir été clair, il m’a demandé:
« Mais c’est qui, cette Popette dont tu parles tout le temps? »