Être et avoir

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Un auxiliaire est un soutien, une aide précieuse. Il est là en cas de coups durs. Il s’emploie à remplacer le « maître d’œuvre » lorsque celui-ci fait défaut. Il est un supplément dans une équipe, un pilier qui renforce. Il y a des auxiliaires de puériculture, des auxiliaires de vie, des professeurs auxiliaires etc. Il y a donc le sujet et celui (ou celle) qui renforce le sujet.
Il y a le sujet et son auxiliaire. Ce dernier détermine l’action ou l’état même du sujet : il a ou il est. C’est soit l’un soit l’autre.
Il y a donc une application indéfectible de la règle. On ne peut dire « Il a est » car c’est totalement incorrect du point de vue grammatical.
Et pourtant, notre société a réussi là où la grammaire a échoué…

Paradoxe

Notre société n’est pas une règle grammaticale, elle nous donne des paradoxes existentiels.
En effet, « il a est » est possible. Nous confondons bien souvent vivre et exister. Vivre c’est se donner les moyens de continuer de manger, de boire, de satisfaire les besoins vitaux. Exister, c’est « sortir de », c’est se donner pour but d’ Être, c’est-à-dire de croître, de demeurer, de subsister, en d’autres termes de faire sortir notre substance en dehors du fait de vivre pour vivre.
Cela a l’air bien compliqué pour une simple notion, un simple auxiliaire. Je l’avoue, cela est même très difficile à expliquer.
Tentons une explication plus simple.
Une plante vie, un être existe. Une plante a besoin d’eau, de lumière etc., alors qu’un individu a besoin d’exister pour être. Il a besoin d’« autre chose », de quelque chose de plus pour justifier son existence. Il a besoin de se remplir d’autre chose pour Être dans sa totalité et se sentir exister.
Le grand paradoxe est que nous nous sentons exister lorsque nous avons.
Notre société a créé une particularité grammaticale que nous sommes en train de payer…et le mot est plus que juste dans la situation qui nous occupe.
Nous avons cru qu’en ayant tout ou partie de ce que nous désirions, nous serions plus heureux, que notre existence serait meilleure. Ce que nous possédions devait nous faire Être.
Être quelqu’un, être meilleur que le voisin, posséder pour Être. « J’ai, donc je suis » et j’existe.
Ne plus avoir, c’est ne plus être.
Je ne suis rien si je n’ai pas ceci ou cela.
Je ne suis rien si je n’ai pas ma seconde, ma minute de célébrité.
Égaler le niveau d’existence du voisin, c’est vouloir vivre à son niveau, ne pas être en dessous ou moins bien que lui.
Nous avons confondu avoir et être, les auxiliaires du Je.

Avoir et Faire

Philosopher c’est aussi se demander ce que nous faisons de cette existence.
Sartre expliquait dans L’existentialisme est un humanisme, qu’exister est synonyme de Faire. Nous sommes ce que nous faisons de notre existence.
De plus, si vivre c’est avoir, nous pouvons déduire que lorsque nous perdons ce que nous avons, nous ne sommes plus.
Exister ne peut donc être-avoir.
Exister c’est être au travers de nos actions et de nos choix.
Si la société nous donne à choisir que le simple fait d’avoir pour Être, alors il faut être libre de ne pas vouloir avoir pour Être.
C’est bien compliqué tout ça…

Être à crédit

Comment créditer de l’ Être ? Très certainement en faisant croire que pour Être quelqu’un il faut posséder.
Je crédite (sur mon compte, pour mon compte) à l’avance, je paierai plus tard ce que je peux (ou veux) posséder tout de suite. Être à l’avance par ce que j’ai.
Dans 10 ans j’aurai, je ne serai pas.
Baser une société sur l’ Avoir plutôt que sur l’ Être, c’est parier sur un débit de substance.
On ne peut confondre les deux auxiliaires au risque de ne plus être soutenu, aidé, secondé. Notre seul auxiliaire possible en cas de panne c’est de ne pas transférer l’individu vers un individualisme, l’être vers l’avoir, l’existence vers la possession.

S’il fallait conclure

Cette chronique vous a donné du mal ? Vous avez eu des difficultés à suivre ? C’est normal.
Deux auxiliaires aussi faciles que Être et Avoir ne devraient pas poser de problèmes aussi existentiels que ça. Et pourtant…
Nous apprenons à nos enfants « qu’avec l’auxiliaire Être ça s’accorde avec le sujet et qu’avec l’auxiliaire Avoir ça ne s’accorde pas ».
La crise actuelle démontre exactement cela.
Sartre avait sans doute raison.
L’ Être EST lorsqu’il s’accorde avec ce qu’il fait, il ne s’accorde pas avec ce qu’il a.

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