Le simili-mélo d’Amélie

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Par Olivier Quelier – bscnews.fr / 1992. Une jeune inconnue bruxelloise publie son premier roman : Hygiène de l’assassin. Dix-sept ans (et donc dix-sept livres) plus tard, Amélie Nothomb conserve son titre de Miss rentrée littéraire. Elle préserve son corps et soigne son histoire, à défaut de donner du corps à ses histoires. Brillante et superficielle, c’est comme ça qu’on l’aime. Petite homélie à Amélie.

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Elle est incontournable, comme le tiers provisionnel de fin août et la chute des feuilles en automne. Depuis plus de quinze ans, impossible d’envisager une rentrée sans Amélie. Imaginez ! Qui les animateurs télé en quête d’audience inviteraient-il sur leur plateau ? Qui occuperait les encarts publicitaires des magazines ? Et qui amènerait des milliers de clients dans les librairies ?
Titeuf ? Euh… oui… c’est pas idiot. Mais Amélie ! Amélie Nothomb ! Un être de chair et d’os, visage pâle et lèvres écarlates. La reine des talk-shows, la rock star des salons du livre. Pour elle, le lecteur transi d’admiration béate (c’est bien elle, là, tu es sûr, sous l’énorme chapeau ridicule ?) n’hésite pas à patienter une heure. Obtenir d’elle une signature, un mot, un sourire… Et, qui sait – suprême bonheur – une délicate poignée de main…
Amélie Nothomb a depuis longtemps dépassé les frontières du strict domaine littéraire. Heureusement pour elle : les volumes se suivent avec un bonheur relatif, la qualité n’est pas toujours au rendez-vous. Qu’importe ! Au diable les critiques ! Vive les controverses ! Le public, lui, répond présent. Fidèle pour Stupeur et tremblements (le versant nippon de son inspiration) ; fidèle pour Biographie de la Faim (versant gastro-intestinal de son œuvre – de là à dire qu’elle fait dans l’alimentaire…)
Aujourd’hui, Amélie Nothomb revient avec Le Fait du prince. La veine ? Disons : comment-rédiger-un-roman-à-partir-d’un-embryon-d’idée. « Roman » est d’ailleurs un bien grand mot pour ce court ouvrage de 170 pages au format modeste et aux caractères généreux. Gide parlait de «sotie». Mais Gide parlait de littérature.
Mystère et bulles de champagne
Revenons à Amélie. Et au Fait du prince. Une couverture kitch à souhait, signée Pierre et Gilles (on ne lésine pas sur la qualité chez Albin Michel) et un tirage de quelque 200 000 exemplaires (une broutille…)
Le thème ? L’usurpation d’identité. L’histoire ? Elle part d’une remarque faite un soir au narrateur, Baptiste Bordave : « Si un invité meurt inopinément chez vous, ne prévenez surtout pas la police ». Et le lendemain, qu’arrive-t-il à ce brave Baptiste ? Un inconnu, demandant à téléphoner pour cause de panne de voiture, meurt d’une crise cardiaque dans son appartement. Baptiste décide de suivre le conseil et s’abstient d’appeler des secours.
Il va même plus loin : disposant des papiers du défunt, de sa voiture, de ses clefs et de mille euros en billets de cinquante, il décide d’endosser son identité. Le voici Olaf Sildur, ressortissant suédois domicilié à Versailles. Où il part s’installer, au volant d’une superbe Jaguar, dans une immense villa. Où l’accueille Mme Sildur, charmante hôtesse qui ne s’étonne pas de sa présence. Pourquoi ?
Le mystère – léger, rassurez-vous – s’épaissira entre deux flûtes de champagne millésimé. Avec un tel sujet, tout auteur sombrerait dans le ridicule. Sauf Amélie. C’est qu’elle possède un talent incroyable pour les situations loufoques, les rencontres improbables et les scénarios anémiques.
Aucun risque pour le lecteur de refermer l’ouvrage repu. Grisé ? A peine. Un rien bluffé, d’une fois encore s’être laissé porter, en de rares moments avec plaisir, jusqu’à la dernière page. Il pourrait croire qu’Amélie Nothomb, à défaut de construire une œuvre, s’est bâti une légende. Il aurait raison. A un détail près: le talent. Il est là, pas forcé, mais bien présent. Il jaillit au détour d’une réplique, vous cueille au gré d’un aphorisme, vous assomme d’une trouvaille « hénaurme ».
Alors oublions derechef les couvre-chefs, les litres de thé quotidiens, le goût pourri pour la nourriture, les soixante et quelques livres assoupis dans les tiroirs et rêvons, amis lecteurs, à la rentrée 2010 : les feuilles qui tombent, des impôts ou des arbres, et les bonnes feuilles d’Amélie. Un dix-huitième roman. LE grand roman d’Amélie. Peut-être… L’attente commence.

Le fait du prince: le choix du roi

Fainéants et fauchés, ce qui suit vous intéressera : le meilleur des 170 pages compilé en très exactement 106 mots ne vous coûtera pas un centime. Inutile de lire le reste du livre, vous en savez assez pour attendre sans angoisse le prochain et briller dans les salons où l’on cause – une flûte de champagne (frappé) à la main.
– Depuis Kafka, c’est prouvé : si vous n’êtes pas paranoïaque, vous êtes le coupable.
– Passé l’âge de vingt-cinq ans, toute rencontre humaine est une répétition.
– J’ai horreur des villas. Les villas, c’est l’idée que les âmes simples se font du luxe.
– Dormir n’importe quand est encore meilleur que manger entre les repas.
– Les plus belles rêveries se produisent lors des boulots les plus bêtes.
– C’était une tiède soirée d’été, mon hôtesse portait une robe courte qui dévoilait des jambes dignes d’une Scandinave. On contracterait le syndrome de Stockholm pour moins que ça.
– Les mensonges ont de curieux pouvoirs : celui qui les a inventés leur obéit.

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