« Ni excuse, ni révérence » l’édito du journal de l’île de la Réunion qui buzze suite à la visite d’Emmanuel Macron

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Suite à la visite du Chef de l’Etat sur l’île de la Réunion, notre confrère Lukas Garcia du Journal de l’île de la Réunion a publié un éditorial qui n’est pas passé inaperçu alors que les journalistes de ce média ont été recalés à la visite organisée aux Camélias par les services de l’Elysée.

En cause, la publication la veille d’une Une qui titrait « Pour l’instant c’est du vent » pour analyser le court séjour d’Emmanuel Macron à la Réunion ou encore un autre article sur le discours du président de la République sur le Tarmac de l’aéroport sous la pluie, intitulé d’un cinglant « Cinq minutes douche comprise » (vidéo ci-dessous).

Putsch, avec l’accord du Journal de l’île de la Réunion, publie l’édito de Lucas Garcia ci-dessous en intégralité.

« Par Lukas Garcia – Vous trouverez aujourd’hui dans nos colonnes une page blanche. Pour marquer le coup et faute de mieux. Nous aurions beaucoup aimé vous raconter les poignées de mains, les tapes dans le dos et les bises aux matantes émoustillées. Le Président de la République s’est offert hier matin une visite, improvisée, aux Camélias. Mais nous n’avons pas été conviés à couvrir cette séquence. Le gratin de la presse nationale y était, nos confrères de la presse locale, aussi. Mais pas nous. Nos journalistes sont restés à quai à la préfecture quand leurs collègues montaient dans le bus de la visite organisée. Ils étaient pourtant rasés de près et habillés sur leur 31, ils sentaient bon. Il y a forcément, donc, une autre explication. Il leur a clairement été signifié qu’il n’y avait pas de place pour eux. Difficile alors dans pareil cas de ne pas y voir le signe d’une punition mesquine. Parce qu’il ne fait pas bon se montrer trop critique à l’égard du Président. On nous l’a fait savoir. La Une de notre édition d’hier ; « Pour l’instant, c’est du vent » ; a déplu en haut lieu. Tant pis. Ou tant mieux. Car si c’était à refaire, nous ne changerions pas un mot de ce titre. Il n’y aura donc de notre côté ni excuse, ni révérence. La présidence va devoir se trouver d’autres courtisans.

Oui, nous l’écrirons tant de fois que nous le souhaiterons : le cap fixé par Emmanuel Macron est aussi flou qu’abstrait. Il a plein d’ambition pour La Réunion. Il croit en nous, il nous flatte. Mais remarquez que c’est le contraire qui eut été étonnant. Cela n’arrive jamais qu’un type débarque de Paris et balance : « Vous êtes un peu cons, votre Miss est moche, Dimitri Payet est en surpoids et vos bichiques ressemblent à des vers ». Le chef de l’État ne cesse donc de vanter l’extraordinaire potentiel de notre île. Ça fait dix, vingt, cinquante ans, qu’on entend ça. Giscard débitait les mêmes banalités en 1976. Du Président disruptif, on attendait donc mieux. C’est dit en franglais, avec plein de mots modernes qui font chic, mais cela revient au même. Le potentiel, ça ne remplit pas les frigos. Au mieux, sommes nous ravis d’apprendre que nous allons devenir une force conquérante dans la zone indo-pacifique. La belle affaire ! Tremblez grands de ce monde : la Réunion lé la. Les Japonais, tracassés par cette concurrence nouvelle, ont mal dormi, et les Canadiens, de peur d’être dépassés par notre puissance émergente, font déjà des réserves de viande de caribou.

La deuxième journée de la visite présidentielle n’a guère été plus réjouissante. Sur la question de la vie chère, le Président a notamment proposé hier une plateforme numérique où les consommateurs viendraient dénoncer, photos à l’appui, les abus des commerçants. Le voilà à deux doigts d’inventer Facebook ! A propos d’emploi et de formation, il a le plus souvent décliné des mesures initiées par sa ministre Annick Girardin. Elles étaient connues ou déjà sur les rails. Les voilà juste joliment emballés sous l’appellation « Emploi Réunion ». Le fossé entre l’urgence sociale et l’ambition stratosphérique du chef de l’Etat, ou la légèreté de ses propositions, est effrayant. Voilà pourquoi nous ne serons pas dupes du manège qui est train de se jouer. Avec ou sans le consentement de l’Élysée. Quitte à être privés de dessert ce midi à l’heure du pique-nique. »

Le lien de l’éditorial sur le site du Journal de l’île de la Réunion

lgarcia@jir.fr

( visuel : capture d’écran du site Journal de l’île de la Réunion)

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