Canada : La francophonie menacée ? La révolte gronde

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Jeudi 15 novembre, Doug Ford, premier ministre de l’Ontario, a annoncé la suppression des services au français dans sa province. Entre indignation et colère, les réactions se sont multipliées, aussi bien dans la classe politique qu’au sein de la population, de la part de celles et ceux qui mettent un point d’honneur à préserver la langue française au Canada. Retour sur une polémique qui n’arrête pas d’enfler…

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Mise à jour le 11 décembre 2018

L’annonce de Doug Ford, premier ministre conservateur de l’Ontario, n’est pas du goût de tous. Ce dernier a annoncé, via un énoncé économique, la suppression du projet de l’Université de l’Ontario français, à Toronto, ainsi que le Commissariat aux services en français. Ces mesures restrictives auraient été décidées dans le but de réagir au déficit de la région, qui s’élèverait à près de 15 milliards de dollars, selon le gouvernement de Doug Ford.

Cette annonce, qui s’inscrit dans un contexte où la francophonie demeure le parent pauvre dans un pays majoritairement anglophone, passe très mal. Pour beaucoup, c’est un coup porté à la préservation de la langue française, chère aux québécois et aux communautés francophones partout dans le pays.

Ce n’est pas la première fois que la francophonie est menacée

Au Canada, la population francophone représente près de 8 millions de personnes. La province de l’Ontario, quant à elle, compte près de 600 000 franco-ontariens, soit 4% de la population ontarienne.
Les québécois, francophones majoritaires, représentent près de 8 400 000 personnes, soit 22,6% de la population totale, selon Statistiques Canada.

Considéré comme l’un des peuples fondateurs du Canada, le français peine pourtant à trouver sa place. À la fin des années 90, déjà, le gouvernement conservateur de l’époque avait annoncé la fermeture de l’hôpital Montfort, le seul établissement hospitalier universitaire francophone en Ontario. Après une bataille qui dura cinq ans, et une procédure judiciaire rendue possible grâce au Programme de contestation judiciaire fédéral, le gouvernement de l’Ontario abdiqua.

L’hôpital en question a d’ailleurs réagi sur Twitter à l’annonce du premier ministre ontarien :

Le Canada francophone en rogne

Depuis cette annonce portant atteinte à la langue française, les réactions des dirigeants politiques québécois vont bon train. Valérie Plante, mairesse de la ville de Montréal, Pierre Arcand, chef en intérim du Parti libéral Québécois (PLQ) ou encore Sol Zanetti de Québec solidaire (QS) ont exprimé leur indignation sur Twitter, tout en apportant leur soutien à la communauté franco-ontarienne.

— Valérie Plante (@Val_Plante) 17 novembre 2018

 

Du côté des franco-ontariens, la grogne s’est aussi faite entendre. Carol Jolin, président de l’Assemblée de la Francophonie de l’Ontario (AFO) et Jagmeet Sing, chef du Nouveau Parti Démocratique (NPD) se sont offusqués de cette décision et organisent la résistance.

Une résistance organisée

Un hashtag de solidarité est apparu sur Twitter : #noussommesnousserons. Le site web de l’AFO appelle aussi à se rassembler via sa page laresistance.ca.
Une pétition, relayée par l’AFO, a aussi été lancée sur change.org, regroupant près de 17 000 signataires à ce jour.

Extrait de laresistance.ca, lancée par l’AFO


Le gouvernement fédéral, à Ottawa, à la rescousse des franco-ontariens

Malgré un champ de compétence réduit, le gouvernement du premier ministre canadien Justin Trudeau n’est pas resté indifférent. C’est en entretien au journal Le Devoir que sa ministre des Langues officielles, Mélanie Joly, s’est indignée : « Je suis tout à fait choquée […] On parle d’une décision complètement inacceptable, une attaque frontale contre la francophonie. Aujourd’hui, on se retrousse les manches. Les francophones font un appel à la mobilisation, et le fédéral va toujours répondre présent ».

Dans la foulée, mardi 20 novembre, le gouvernement Trudeau a annoncé remettre sur pied le Programme de contestation judiciaire, partiellement supprimé en 2006, qui avait permis le maintien de l’hôpital ontarien francophone. Ce dernier accorde du financement aux personnes qui souhaitent recourir à la justice pour «faire valoir leurs droits linguistiques ». Il pourrait être saisie par la communauté franco-ontarienne dans les prochains jours.

Un mécontentement pris en compte ? En partie…

Vendredi 23 novembre, le gouvernement Ford a décidé de donner un peu de mou à la suite des nombreuses contestations qui sont apparues un peu partout dans le pays. Il a annoncé, dans une déclaration écrite en fin de journée, la création d’un poste de commissaire aux services en français : ce dernier sera dépendant du Bureau de l’Ombudsman, l’équivalent du Médiateur, en France. Dans le même temps, il restitue le Ministère des Affaires francophones, anciennement supprimé. La ministre Caroline Mulroney sera à la tête de cet ancien ministère. En revanche, le projet d’une université francophone reste toujours en suspens.
Ces dernières déclarations n’ont pas totalement satisfaits les franco-ontariens. Suite à cela, des manifestations sont prévues le samedi 1er décembre, un peu partout dans la province de l’Ontario.

Le 6 décembre dernier, les élus ontariens ont officiellement adopté le projet de loi 57, malgré les revendications de la communauté franco-ontarienne. Ce dernier supprime définitivement le poste de commissaire indépendant aux services en français et entérine, du même fait, le projet d’une université franco-ontarienne.

Que nous révèlent ces mesures sur l’état de la francophonie au Canada : est-ce les prémices d’une série de mesures visant à destituer la langue française ? Est-ce le symbole d’une francophonie en péril ?

Affaire à suivre…

 

Une autre image liée à la mobilisation des franco-ontariens

 


Repères

L’image à la une (© Marc Keelan-Bishop) a été imaginée par le franco-ontarien Marc Keelan-Bishop au moment du projet de création de l’université franco-ontarienne, en 2017. Depuis l’annonce de Doug Ford, elle a été partagée par un grand nombre sur les réseaux sociaux, en guise de protestation. Récemment, ce dernier a créé une nouvelle illustration (ci-dessous) à destination des franco-ontariens qui « ne luttent pas » pour leurs droits, a-t-il précisé en interview à Radio-Canada.

Sites internet :
– laresistance.ca
– Marc Keelan-Bishop

 

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