Beyoncé & Jay-Z au Louvre : une entreprise de démolition culturelle

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Ah la belle affaire culturelle ! Le couple Carter ( dit The Carters) formé par la starlette américaine Beyoncé et son époux, le rappeur ( et homme d’affaires) Jay-Z ont choisi le Louvre pour tourner leur dernier clip «  Apeshit ». Leur objectif : chanter à la face du monde entier le bonheur de leur couple grâce à l’amour retrouvé devant 17 chefs-d’oeuvre. Un sujet ô combien passionnant !

Mais quelle image déplorable est donnée avec ce clip de l’un des fleurons de la culture française qu’est Le Louvre, et ce, pour deux raisons qui me paraissent centrales.

D’une part, Le Louvre est un sanctuaire culturel où les oeuvres devraient nous préserver des modes et des tendances du monde extérieur d’autant plus lorsqu’elles sont issues d’un mainstream musical des plus indigents.
Les collections du Louvre sont censées nous procurer l’émotion de l’histoire avec ce regard universel, nous émerveiller par tant d’oeuvres splendides, fondatrices, et cruciales pour mieux comprendre l’évolution de notre humanité et nous sortir de notre condition individuelle en contemplant des siècles d’histoire.
En somme, nous amener vers l’universalisme et l’altérité grâce à la beauté de l’art. Nous en sommes très loin avec Beyoncé et Jay-Z, à la fois purs produits commerciaux du star system et ayathollahs de l’industrie musicale. Alors oui, certains argueront que cela représente une manne financière non négligeable pour le musée du Louvre afin d’augmenter sa capacité de financement propre. Mais la vulgarité doit-elle être une source de revenus ? Je le réfute et je vous renvoie vers  les paroles déplorables car grossières du clip en question.

Quelle est la place légitime de ces paroles face à des oeuvres aussi grandioses et grandiloquentes que « La Victoire de Samothrace », «La Pietà» de Rosso Fiorentino , « Les notes de Cana » de Véronèse, «  Le radeau de la Méduse » de Géricault ou encore la Vénus de Milo ?

Plus grave, certain(e)s se réjouissent déjà que le musée du Louvre, grâce aux gesticulations grossières du couple Carter, gagne en légitimité et en visibilité auprès des jeunes publics et puisse les convertir enfin à l’admiration pour les grandes oeuvres. Que Nenni ! On miserait donc  sur des millions d’albums vendus et de vues sur YouTube pour intéresser les jeunes générations au Louvre?  Cela ressemble étrangement à la manoeuvre d’un Etat aux abois qui ne sait plus comment faire pour boucher le fossé abyssal entre les jeunes et la culture.

 

« On miserait donc  sur des millions d’albums vendus et de vues sur YouTube pour intéresser les jeunes générations au Louvre?  Cela ressemble étrangement à la manoeuvre d’un Etat aux abois qui ne sait plus comment faire pour boucher le fossé abyssal entre les jeunes et la culture »

 

Force est de constater que, oui, les jeunes gens, pour certains, viendront au Louvre suite à ce clip. Mais ne soyons pas naïfs car ils trouveront ici un nouveau lieu de pèlerinage, autant qu’un chemin de dévotion pour prendre des selfies sur les marches où se sont déhanchés les starlettes américaines et leurs figurant(e)s. Ils iront désormais au Louvre comme ils se pressent à un concert. Alors oui, le Louvre fera plus d’entrées et augmentera sa fréquentation auprès d’un public plus jeune. Mais il m’est difficile de croire que cette frange de la jeune génération biberonnée à Beyoncé, Rihanna et Hanouna se passionnera spontanément pour les oeuvres de Léonard de Vinci, du Louvre médiéval, de la Victoire de Samothrace, ou au travail du peintre Delacroix. En somme, l’abrutissement prend une fois de plus le pas sur l’émancipation avec la complicité des institutions publiques.

Capture d’écran du site – « Musée du Louvre.fr »

 

Penser le contraire confine à la naïveté ou relève de la démagogie pure et simple. Il n’y aura pas d’initiatives culturelles, ni d’intérêt spontané pour découvrir des oeuvres censées nous émerveiller, nous dépasser, nous confronter à l’art et finalement à nous-même. Non, il y aura seulement des attroupements de jeunes adolescent(e)s hystériques devant chacun des tableaux qui se livreront tout entier et sans aucune retenue à la cash machine du star system. Oui Le Louvre sera en Une des réseaux sociaux mais pas pour de bonnes raisons.

 

« Cette frange de la jeune génération biberonnée à Beyoncé, Rihanna et Hanouna se passionnera spontanément pour les oeuvres de Léonard de Vinci, le Louvre médiéval, la Victoire de Samothrace, ou au travail du peintre Delacroix. En somme, l’abrutissement prend une fois de plus le pas sur l’émancipation avec la complicité des institutions publiques »

 

Le Louvre vient de rentrer, à son tour, avec fracas dans la sphère du mainstream le plus navrant et le plus dévastateur pour les jeunes qui associeront définitivement Beyoncé au Louvre. Quel recul terrifiant ! Terminé les siècles d’histoire, les trésors des civilisations, les oeuvres oniriques et rarissimes. Au Louvre, place à Beyoncé et Jay-Z, Reine & Roi de la vulgarité ! Et dans ce clip, tout est dit : « J’amasse vite ma cagnotte et je me tire (vite, vite, tire) Rapide comme une Lamborghini (skrrt, skrrt, skrrt) Je saute du haut de la scène (saute, saute, hey, hey) La foule devrait s’en délecter (la foule est en délire, hey) Je n’arrive pas à croire que nous ayons réussi (voilà ce qu’on a réussi, réussi) ». Et oui, ils ont réussi ! Un brin cynique, vous en conviendrez.

Et le fond est touché : Le Louvre vient de mettre en place « un parcours Jay-Z et Beyoncé »  au sein même du Musée en prenant soin de nommer seulement la moitié le titre du clip «  Apes**T » qu’ils n’assument manifestement pas. On peine à y croire tant la bêtise est sans limite. Les édiles du Louvre et Jean-Luc Martinez, directeur du Musée, continueront-ils à se compromettre en osant proposer à la vente les albums du couple à la sortie du Louvre ? Rien n’est moins sûr.

La seule question qui se pose est : mais que fait la Ministre de la Culture, Françoise Nyssen ? On imagine qu’elle cautionne cette fumisterie et ce massacre culturel qui continue de plonger notre jeunesse dans la vulgarité du mainstream et qui remplace peu à peu notre héritage culturel. Probablement qu’elle ne sait pas si elle doit ranger le business musical de Beyoncé et de Jay-Z dans la sphère culturelle. En tout état de cause, le musée du Louvre et Françoise Nyssen participent joyeusement à une entreprise de démolition tout azimut.

 

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