BLOG LIVRES

Rentrée littéraire : les blogs ont la cote !

Partagez l'article !

Propos recueillis Emmanuelle de Boysson – A chacun son blog littéraire ! Depuis ces dernières années, ils fleurissent sur la toile. Il y en a pour tous les goûts. Certains sont devenus des références où des critiques littéraires donnent leur avis sur l’actualité des livres, d’autres se limitent à des chroniques plus légères, mais tous expriment la passion de la littérature et permettent de promouvoir des livres trop souvent délaissés par la presse dite « officielle ».

propos recueillis par

Partagez l'article !

Quel est leur impact ? Lesquels sont les plus lus et les plus sérieux ? Autant de questions que nous avons voulu poser à une passionnée qui a crée son blog : «Entre les lignes ».

Bénédicte, en quoi consiste votre travail ?
Passionnée de littérature, j’en ai fait mon métier. Je suis bibliothécaire, j’anime aussi des rencontres littéraires dans une grande librairie strasbourgeoise et je tiens un blog, témoin de mes lectures (www.lectures2benedicte.com). Depuis dix ans, je dynamise par tous les moyens possibles la lecture publique. J’ai créé un cycle de rencontres d’auteurs à la médiathèque Mélanie de Pourtalès où plus de trente-cinq auteurs sont intervenus dans un environnement chaleur et bienveillant. Depuis le 4 avril 2017, je m’occupe du pôle d’excellence de la médiathèque André Malraux dédié à la littérature européenne. Un nouveau challenge pour moi mais où je peux aussi poursuivre l’animation d’un club de lecteurs !

Comment vous est venue l’idée de créer votre blog, « Entre les lignes » ?
J’ai créé mon blog le 16 mars 2015 comme un prolongement de mon univers organisé autour des mots. Il est le témoin de mes lectures et des rencontres incroyables que j’ai la chance de vivre de par mon métier et mon engagement dans une grande librairie strasbourgeoise.

Comment avez-vous pu établir le site ? Avez-vous fait appel à un informaticien ? Quels étaient vos choix dans la présentation du site ?
J’ai la chance de maîtriser des outils informatiques de par ma formation et mes pratiques professionnelles. J’ai aussi été très bien conseillée par d’autres blogueurs expérimentés. L’identité du site a été pensée avec Jessica Lecubin, une amie photographe professionnelle dont vous pourrez retrouver l’excellent travail sur son site. www.jessical-photographe.fr

Quel est l’objectif de votre blog ?
Les objectifs sont multiples mais ils se fondent sur ce principe inaliénable : il y a forcément un bon livre pour chaque personne, le tout est de les faire se rencontrer. C’est le défi que je tente de relever chaque jour dans ma vie professionnelle ou sur mon blog. Dès lors, j’use de pédagogie et de sincérité pour parler de ce qui me plait dans un livre, tout en sachant que ce que j’aime pourra être détesté par un autre lecteur, et vice-versa ! Et c’est bien ainsi, la pluralité de points de vue est une grande richesse.

A qui s’adresse-t-il ?
Je crois qu’il s’adresse à tout le monde, amateurs éclairés ou néophytes curieux, en tout cas je l’espère. J’écris mes chroniques avec la même intention qu’un conseil aux lecteurs en médiathèque.

Vous y faites des chroniques et des interviews d’auteurs, qu’est ce qui guide vos choix ?
J’aime parler de ce qui me touche, me bouleverse, suscite des interrogations. Je suis très fidèle en littérature : rien ne me fait plus plaisir que de suivre le parcours d’un auteur. Il s’agit probablement d’une déformation issue de mes études de lettres modernes, mais j’aime saisir les grands axes thématiques qui constituent l’œuvre d’un auteur, sentir l’évolution ou la résilience. Mes choix sont aussi guidés par une volonté de mettre en lumière des premiers romans souvent moins exposés. Je fais partie depuis sa création du très beau projet initié par Charlotte Milandri, «68 premières fois» (68premieresfois.wordpress.com) qui réunit des passionné(e)s de littérature autour de deux sélections de vingt premiers romans des rentrées littéraires de septembre et janvier.

Les auteurs que vous contactez acceptent-ils tous une interview ?
J’ai été très surprise : sauf un, oui ! Je pardonne bien sûr à Vincent Message d’avoir botté en touche, mais qui sait, peut-être qu’à la faveur de l’été, il trouvera le temps de répondre et dépasser son aversion des questionnaires ! Je sais combien les 7 questions que je pose pour ma rubrique « Chut c’est un secret » peuvent prendre du temps à quelqu’un qui n’en a pas. Je suis d’autant plus reconnaissante que certains auteurs m’ont répondue en pleine promo !

Combien d’abonnés avez-vous ? Vous écrivent-ils ? Font-ils des commentaires sur le site ?
J’ai 97 abonnés par mail. Au 100e, j’ouvre une bouteille de crémant ! J’ai la chance de réceptionner depuis quelques mois des courriels d’auteurs, de maisons d’édition me demandant de lire un de leurs ouvrages. J’accepte autant que possible mais il faut que le livre me plaise ! Parfois, j’ai un peu honte de lire tardivement des livres envoyés. Je sais combien les retours sont importants pour les auteurs qui en font la démarche. Oui, je reçois des commentaires souvent encourageants ou des avis plus nuancés sur un aspect du roman que j’ai développé dans ma chronique. J’adore cette interactivité, ça élargit l’horizon et permet de se remettre en question !

A quel rythme publiez-vous des articles ?
Dans l’idéal, j’aimerais publier trois articles par semaine. Dans la réalité, je suis plus proche de deux.

Comment élaborez-vous vos critiques ? Les livres lus, la présentation de l’histoire faite, qu’est-ce qui vous le plus important à dire ?
Je pars souvent d’une sensation de lecture, de quelque chose de très personnel. Je déteste raconter l’histoire ! Je préfère parler d’ambiance, de personnages, de questions que soulèvent les romans. J’ajoute aussi la présentation de l’éditeur pour ceux qui ne peuvent se passer d’un résumé.

Vous citez un extrait des romans, comme chez Delphine Bertholon, qu’est-ce qui oriente ce choix ?
Les citations dans mes chroniques proviennent de ma manière de lire. Je ne peux pas m’empêcher de prendre des notes, de mettre des post-it dans les romans que je dévore. Souvent ces citations sont fortes et feraient de bons sujets de réflexion ! Mais je peux aussi les sélectionner pour leurs originalités linguistiques ou la force des images qu’elles suscitent. J’aime beaucoup les jeux de mots même si je suis rarement capable d’en faire de bons !

Vous soignez beaucoup votre style, regrettez-vous que certains critique ne le fasse pas ?
La richesse de la langue française est un trésor qu’il faut défendre. Je milite pour la nuance. Nous pouvons faire sautiller les mots comme sur une partition, je crois qu’il faut se saisir de tous les possibles. Après, à l’ère du numérique et de l’instantanéité de l’information, je comprends que l’on puisse baisser la garde et succomber aux sirènes de la facilité.

« La richesse de la langue française est un trésor qu’il faut défendre »

BENEDICTE JUngerVous arrive-t-il d’exprimer des réserves, voire dénoncer de une fausse valeur ?
J’ai déjà du mal à trouver le temps pour parler de tous les livres que j’aime, alors m’attarder sur ceux que je n’aime pas… je n’y pense même pas. Globalement, je préfère dire du bien que du mal ! Mais je ne m’interdis pas d’exprimer des déceptions ou de pointer des fragilités.

Quels sont les blogs que vous aimez ?
Je suis beaucoup de blogs à la fois proches et différents du mien. J’aime beaucoup celui de Céline Huet (arthemiss.com) qui réenchante son quotidien de livres, de thés et de chats ! J’ai la joie d’être jurée du mois d’octobre du Grand prix des lectrices ELLE avec elle.
J’aime aussi me laisser surprendre par le blog de Jostein (surlaroutedejostein.wordpress.com) qui a des lectures très éclectiques qui font la part belle à la littérature étrangère et les blogs d’Amandine Brion (leselucubrationsdefleur.wordpress.com) et Nathalie Germinal (eirenamg.canalblog.com) avec qui j’ai partagé l’aventure du Prix Orange du livre 2017.

Êtes-vous en relation avec d’autres blogueuses ? Des lecteurs, via une communauté ?
J’aime beaucoup le site communautaire Lecteurs.com qui promeut entre autre l’attribution du Prix Orange du livre. J’apprécie également Babelio pour la richesse de ses ressources.

Comment faites-vous la promotion de votre blog ?
J’essaie d’exister du mieux possible en rebondissant sur des liens sur twitter, facebook et en taguant régulièrement auteurs et maisons d’édition. J’organise aussi des jeux concours en partenariat avec des maisons d’édition pour faire gagner des livres ! J’ai la chance aussi d’avoir des amis formidables qui partagent les actualités de mon blog sur leurs réseaux et permettent ainsi d’agrandir mon lectorat. Les maisons d’éditions et les auteurs me citent aussi de plus en plus régulièrement dans leurs revues de presse ; cela me procure une grande joie de me sentir reconnue.

Pensez-vous que les blogs littéraires supplantent la critique presse ?
Je pense qu’il s’agit de deux manières de faire bien différentes qui sont toutefois complémentaires. Un blogueur est probablement plus libre qu’un critique signant dans des grands journaux. Le sérieux des critiques de presse et parfois leur côté « donneur de leçons » me laissent parfois perplexes. Pourquoi démonter gratuitement un livre alors qu’il y a tant de bons livres dont on ne parle pas ?

« Le sérieux des critiques de presse et parfois leur côté « donneur de leçons » me laissent parfois perplexe »

Que pensez-vous en général de la critique presse ? Lui reprochez-vous les renvois d’ascenseur, le côté moutonnier ?
La diversité n’est pas toujours évidente pour tout le monde et si je comprends parfaitement que l’économie du livre s’appuie sur des têtes d’affiche et des auteurs « bankables », je regrette toutefois que certains grands quotidiens et mensuels spécialisés restent dans un éventail d’une quarantaine de romans pour une rentrée littéraire qui en propose souvent quinze fois plus !

« Je regrette toutefois que certains grands quotidiens et mensuels spécialisés restent dans un éventail d’une quarantaine de romans pour une rentrée littéraire qui en propose souvent quinze fois plus ! »

Quels sont les avantages des blogs littéraires ?
Les blogs littéraires ont plus de liberté de ton, de choix, de fréquence. Nous sommes nos propres rédacteurs en chef, journalistes, correcteurs, communicants. C’est à la fois la liberté totale même s’il peut exister une frustration par manque d’émulation ou d’avis contradictoires (à moins de se poser soi-même énormément de questions).

Quels sont les romans que vous aimez (d’auteurs morts ou vivants) ?
J’ai passé beaucoup de temps avec Marguerite Duras. De longues heures suspendues à une voix, un style, une sensibilité à fleur de peau. Rendre mon mémoire de maîtrise sur un auteur du XXe siècle était une évidence. L’œuvre de Marguerite Duras s’est imposée au détour d’une rencontre fortuite à la médiathèque de l’université quand j’ai emprunté parmi des traités de linguistiques, « Les yeux bleus, cheveux noirs ». Très vite, son univers, la pertinence de ses dialogues, l’éloquence de ses silences, la poésie de l’instant m’ont conquise. J’ai lu presque la totalité de son œuvre. Ma rencontre avec l’imaginaire durassien a conditionné mes exigences et ma sensibilité de lectrice. J’aime les personnages en devenir, à la psychologie bien développée. J’aime la profondeur et la gravité de ses écrits mais tout cela sans lourdeur ou pathos dégoulinant. Si je devais ne citer qu’un livre d’elle, ce serait « Le ravissement de Lol V. Stein » qui me bouleverse toujours autant à chaque fois que je le relis.

J’apprécie aussi beaucoup le premier roman de Nicolas Clément : « Sauf les fleurs ». Un tout petit livre, de 80 pages mais si dense de mots justes et d’émotions vraies qu’il nécessite un temps de lecture égal par rapport aux romans qui font le triple de pages. Sa magie, c’est une langue faite de silences, d’ellipses, de métaphores filées ou non. L’imprégnation philosophique de ce roman est subtile et tout en finesse. En cinq courts chapitres, l’auteur nous expose l’histoire de Marthe, héroïne ou victime, malgré elle, d’un drame familial. La voix de cette jeune fille, puissante et fragile, musicale et nue, accompagne le lecteur dans cette enfance fauchée. Quand il n’y a plus de mots, quand le silence et l’absence résonnent jusqu’au plus profond des blancs entre les caractères, que reste-t-il ? Un roman d’apprentissage qui m’a poursuivie encore longtemps après sa lecture et sur lequel je suis revenue plusieurs fois avec le même plaisir. J’attends avec beaucoup d’impatience, sa prochaine publication.

Tout récemment, j’ai connu un choc littéraire avec « Le garçon » de Marcus Malte. La vie est faite de rencontres et de choix. Marcus Malte fait des rencontres d’un jeune garçon, un prétexte pour explorer l’âme et le monde début 1900. Il est un incroyable conteur. Son style m’a fait penser à Véronique Ovaldé et à Carole Martinez. Il raconte à grand renfort de candeur et descriptions naturalistes, l’incroyable vie d’un jeune garçon qui ressent la vie sauvage ou domestique intensément et qui a tout à apprendre de ses congénères.
Tout au long de sa vie, il va rencontrer des personnages hors normes. Recueilli et exploité dans un village, il va explorer les relations humaines qu’il nouera par exemple avec Gazou, un jeune homme simple d’esprit mais libre, ou plus tard avec Brabek, un philosophe tout en muscles qui a vu l’Amérique et ses sirènes. Jusqu’à sa rencontre avec Emma qui va bouleverser sa vie et les frontières de son âme.
Roman initiatique, roman d’aventure, roman d’amour, l’auteur parvient à tenir une histoire sur 540 pages avec un personnage qui ne parle pas, certes, mais qu’il sait rendre terriblement expressif. Livre contemplatif et doux aux métaphores maîtrisées et poétiques, ce roman se déguste.

Quels sont vos derniers coups de cœur ? Et pour la rentrée littéraire ?
J’ai beaucoup apprécié « Ronce-Rose » d’Eric Chevillard pour sa langue pleine d’images et la douceur bienveillante qui surgit entre les lignes de cette incroyable histoire d’une jeune fille qui part à la recherche de son père dans une ville aux contours flous. Un livre sur la normalité, l’imaginaire et la beauté des choses simples.
Pour la rentrée, j’ai eu un coup de cœur pour le second roman de Sophie Lemp « Nos séparations ». Lire son dernier roman c’est à la fois renouer avec soi et découvrir une autre vie que la sienne. Un roman doux-amer, de la réparation à l’acceptation. Il est bouleversant et universel.
J’ai aussi été cueillie par le roman à quatre mains d’Evelyne Pisier et son éditrice Caroline Laurent (dont c’est le premier roman). « Et soudain, la liberté » c’est une fresque intime et universelle sur le destin d’une femme exceptionnelle qui n’a jamais renoncé à ses convictions. Les passages qui dessinent la genèse du roman : des doutes éditoriaux à la naissance d’une amitié incroyable m’ont fait penser à l’excellent roman de Delphine de Vigan « Rien ne s’oppose à la nuit » qui traitait également l’intime avec pudeur et justesse.

Vous faites partie du jury du prix Orange, comment s’est passée cette aventure ? Et que pensez-vous des prix littéraires ?
Ma participation en tant que jurée du Prix Orange du livre a été très instructive mais aussi très frustrante. Instructive car c’était ma première fois dans un jury. J’ai pu me confronter à la cruauté et à la richesse des délibérations, rencontrer auteurs, libraires et lecteurs passionnés tout comme moi. Cela a néanmoins était frustrant car il fallait lire le plus de livres possibles en quatre mois. J’en ai lu une bonne soixantaine et bien que cela soit honorable, je regrette de ne pas avoir pu offrir la même égalité à tous les romans sur ma pile.

Parlez-nous de votre nouveau travail ?
Mon nouveau travail n’est pas si différent du poste que j’occupais précédemment. Je suis toujours en contact avec les lecteurs, j’anime un club de lecture et je prépare des animations de promotions du livre et de la lecture publique. En revanche, j’ai la charge de la littérature européenne et cela est nouveau pour moi. Je garderai toujours un œil intéressé sur la littérature française dont je me suis occupée pendant des années. J’explore en ce moment la littérature danoise que nous allons mettre en avant lors d’un prochain temps fort. Finalement, le plus agréable pour moi, dans ce passage d’une petite médiathèque de quartier à une médiathèque sur 5 étages, c’est d’être perpétuellement surprise et je crois que je ne suis pas prête à ne plus l’être.

Quelques blogs parmi tant trouvés sur le Net par Emmanuelle de Boysson

Parmi les plus reconnus, véritable référence, celui de Pierre Assouline, La république des livres.
larepubliquedeslivres.com
Le journaliste et écrivan Pierre Assouline y partage sa lecture de l’actualité, ses découvertes littéraires, etc.

rue89.nouvelobs.com/blog/cabinet-de-lecture
Blog sur l’actualité de la littérature et du monde de l’édition proposé par Rue89.

bloggalleane.blogspot.fr
Passionnée de livres, Galléane vous fait part de ses dernières lectures, et des impressions qu’elle en retire. Ses goûts littéraires tournent d’abord autour du fantastique, mais aussi de la romance, du roman historique, du roman contemporain et des mangas et

lireestunplaisir.skynetblogs.be
Chronique littéraire, interviews d’auteurs à travers des podcasts, etc proposés par Brice Depasse, de Nostalgie Belgique.

delivrer-des-livres.fr
Blog sur la littérature jeunesse proposé par un documentaliste dans un collège.

www.milleetunefrasques.fr
Des billets fréquents sur des livres sont proposés sur ce blog animé par Stephie.

redericferney.typepad.fr
Blog du critique littéraire Frédéric Ferney.

lafeuille.blog.lemonde.fr
Blog consacré à l’émergence de l’édition électronique.

liliba.canalblog.com
Les lectures de Liliba chroniquées quotidiennement

polar.blog.lemonde.fr

www.blog-laprocure.com

litterature-a-blog.blogspot.fr
Blog littéraire où l’on lira très régulièrement des présentations de livres.

lettres.blogs.liberation.fr
Blog littéraire de Raphaël Sorin, critique à Libération.

www.legoutdeslettres.com

( crédit photo Bénédicte Junger : SL )

 

Il vous reste

0 article à lire

M'abonner à