SAINT BARTHELEMY - Sauveterre - Tome 1

Saint-Barthélemy : une page sombre de l’Histoire de France en bande dessinée

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Par Nicolas Vidal – Le dessinateur Eric Stalner et le scénariste Pierre Boisserie, partenaires de longue date sur de nombreux projets BD, s’attaquent cette fois-ci à un épisode sombre de l’Histoire de France : le massacre de la Saint-Barthélemy. Dans une interview croisée, ils évoquent avec nous les coulisses de la création et de la mise en scène d’une période historique avec les codes de la bande dessinée.

propos recueillis par

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Pierre Boisserie – scénariste de la bande dessinée Saint-Barthélemy (Editions les Arènes)

Pierre Boisserie, qu’est-ce qui a vous plu dans cette épisode tragique de l’Histoire de France ?
La résonance avec les événements actuels. La religion est encore de nos jours un outil de pouvoir et de manipulation politique. De plus, par rapport au déroulé de l’Histoire de France, cet épisode a été le début de la désacralisation de la royauté qui a mené, 200 ans plus tard, à la Révolution.

Comment avez-vous travaillé sur cette période pour bâtir cet opus ? Aviez-vous déjà une connaissance préalable de la Saint-Barthelemy ? Vous êtes vous beaucoup documenté ?
Ce fut une énorme documentation sur l’époque, sur le contexte, sur les acteurs et leurs motivations. Le factuel sur la Saint-Barthélémy reste très flou encore aujourd’hui. Il n’y a que des théories sur l’enchaînement des événements, sur la répartition des responsabilités. C’est clairement du pain béni pour les auteurs de fictions que nous sommes, car nous avons pu construire notre propre version sans prendre trop de largesse avec l’Histoire.

Vous avez choisi d’aborder la Saint-Barthélemy sous le prisme d’une famille et notamment d’Elie de Sauveterre. Pourquoi cet angle?
Les personnages historiques ne sont pas forcément les meilleurs vecteurs pour accrocher le lecteur dans nos histoires. Nos récits sont des fictions, autant prendre des personnages fictionnels et les lancer dans le grand bain de l’Histoire, ce qui nous laisse beaucoup plus de liberté. Et j’adore les histoires de familles !

Quels ont été les écueils à éviter pour écrire ce scénario et raconter le plus fidèlement possible le massacre de la Saint-Barthélemy ?
L’écueil est de vouloir raconter l’Histoire de France en pensant faire le travail d’un historien. Il faut avant tout raconter l’histoire de nos personnages. L’Histoire n’est que le contexte dans lequel ils évoluent. Spécifiquement pour la Saint-Barthélémy, il a fallu s’autocensurer dans le degré de violence que nous pouvions montrer. Bien que notre histoire soit particulièrement violente, nous ne racontons que le quart de la moitié de ce qui s’est réellement passé. C’était l’horreur totale : des hommes et des femmes devenus fous, ivres de Dieu, prêts à commettre les pires exactions au nom de leur foi. Ça vous rappelle quelque chose ?

Comment s’est déroulée l’élaboration de l’album pour cette nouvelle collaboration avec Eric Stalner qui dure depuis 1999 ?
Bizarrement comme toujours. Nous voulions travailler sur la Commune de Paris… au bout du compte, nous nous sommes retrouvés sur la fin des Valois et la Saint-Barthélémy. Nous nous connaissons suffisamment bien pour savoir quand les choses fonctionnent ou pas. Après, le récit se construit par la discussion et l’échange. Nous commençons à faire vivre nos personnages, puis nous construisons leur parcours à travers les événements que nous racontons. Et vogue la galère…

ERIC STALNER – Dessinateur de la bande dessinée Saint-Barthélemy (Editions les Arènes)

Eric Stalner, comment appréhende-t-on le dessin d’un sujet aussi tragique que le massacre de la Saint-Barthelemy ?
Le dessin ou plutôt la manière de dessiner ne change pas techniquement suivant les histoires que l’on raconte. C’est la narration qui peut être différente. La narration, pour moi, c’est le rythme, le nombre de cases par page, la façon d’enchainer les images, les variations de cadrages. C’est la mise en scène en quelque sorte. Dans un récit qui se passe à Paris au XVIe siècle et dans un contexte assez dur, j’ai voulu montrer des larges plans de la ville encore très médiévale, très différente d’aujourd’hui, et aussi des plans plus resserrés et rapides pour les scènes d’action.

Plus que dans d’autres projets, on image que votre trait doit être documenté et précis pour coller au mieux à la période. Qu’en est-il pour vous ? Comment vous êtes vous immergé dans cette période ?
Le moment de la recherche de documents pour coller le mieux possible au récit est un moment que j’apprécie particulièrement. Je connaissais un peu le sujet de la Saint Barthélémy sans être un spécialiste. Alors j’ai lu des romans et des essais, j’ai regardé des films qui se passent à la bonne période, j’ai cherché sur internet des gravures, des dessins et des peintures. J’ai fait, comme à chaque fois, une grande bibliothèque iconographique. C’est un gros boulot mais le plus précis il est et le plus libre on se sent par la suite pour dessiner. Après, les erreurs, on en fait toujours. Notre histoire se passe en 1572, la mode de 1570 n’est pas celle de 1580, mais il faut être un spécialiste pour s’en rendre compte. Ce qui est le plus important est de sentir le souffle romanesque dans un cadre historique précis qui paraisse correct. Si on regarde de près le film La reine Margot de Patrice Chéreau, c’est bourré d’erreurs historiques et on s’en fiche, le film est superbe.

Qu’est-ce qui vous a paru le plus délicat à retranscrire : les décors ou les personnages ? Car les spécialistes de la période sont assez pointilleux sur le rendu historique.
Être dessinateur de BD, c’est à priori être capable de tout dessiner, décors aussi bien que personnages. Alors je me débrouille avec mes qualités et mes défauts. Il y a des choses que je sais mieux faire que d’autres mais j’essaie de faire en sorte que l’ensemble sonne à peu près juste et qu’il n’y ait pas trop de fausses notes. Je colle au plus près tout en restant libre. Nous ne faisons pas un livre d’histoire sur la Saint Barthélémy, les historiens ne sont déjà pas tous d’accord entre eux. Nous faisons un récit romanesque dans une période historique donnée.

Comment travaillez vous, Eric Stalner, plutôt au crayon/papier ou sur tablette graphique ou harmonisez-vous les deux supports ?
Depuis quelques années, je travaille uniquement sur tablette graphique. La Cintiq 27 HD pour les spécialistes. J’adore cet outil. Il m’apporte une liberté considérable et il est vraiment adapté à ma façon de dessiner. Je fais des crayonnés assez succincts et j’encre très rapidement. Sur papier, les erreurs sont parfois irréparables ou vraiment très longues à corriger. Sans rentrer dans les détails, c’est beaucoup plus simple sur tablette.

Comment s’est passée la collaboration ( déjà longue) avec Pierre Boisserie concernant la combinaison entre le dessin et le scénario de ce premier tome de la Saint-Barthélemy ?
Comme d’habitude avec Pierre, nous faisons le scénario ensemble. Ensuite je prends la responsabilité du découpage et lui celle des dialogues. Cela fait plus de quinze ans que nous travaillons comme ça et cela nous convient très bien.
Le dessin ou plutôt la manière de dessiner ne change pas techniquement suivant les histoires que l’on raconte. C’est la narration qui peut être différente. La narration, pour moi, c’est le rythme, le nombre de cases par page, la façon d’enchainer les images, les variations de cadrages. C’est la mise en scène en quelque sorte. Dans un récit qui se passe à Paris au XVIe siècle et dans un contexte assez dur, j’ai voulu montrer des larges plans de la ville encore très médiévale, très différente d’aujourd’hui, et aussi des plans plus resserrés et rapides pour les scènes d’action.

SAINT-BARTHÉLEMY
Tome 1 – Sauveterre
Pierre Boisserie et Eric Stalner
Editions les Arènes

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