À l’assaut de l’empire du disque : le piratage de la musique selon Stephen Witt

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Par Jean Christophe Mary – Conçu comme une enquête journalistique, voici l’histoire du piratage de la musique numérique qui a entraîné la chute de l’industrie de la musique. L’auteur dresse un portrait de la décennie des années 2000 autour de trois personnages emblématiques : Karlheinz Brandenburg, ingénieur allemand créateur du mp3, Dell Glover, ouvrier dans une usine de pressage aux Etats Unis, et Doug Morris, patron de Warner puis d’Universal music. Fascinant !

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Dès les premières pages, ce livre plonge le lecteur dans une intrigue passionnante, les chapitres s’articulant autour des personnages clés dans l’histoire de l’industrie de la musique et de la piraterie de la musique de ces trente dernières années. Cela commence par les efforts répétés mais vains de Karlheinz Brandenburg pour sensibiliser les majors au format de compression audio MP3 que son équipe vient de mettre au point. Dans l’industrie du disque du début des 90’s, personne ne veut voir le potentiel révolutionnaire et explosif de cette technique de compression du son facile à utiliser, rapide et accessible à n’importe quelle personne équipée d’un ordinateur et d’un lecteur CD.

L’histoire nous amène ensuite autour de deux ouvriers, apparemment sans importance, qui travaillent à l’usine de fabrication de disques compacts de PolyGram en Caroline du Nord . James Glover est « graveur » sur une chaine. Il porte des gants chirurgicaux et assemble les disques avec leurs autocollants. Anthony Dockery est lui « cartonneur ». A l’autre bout de la chaine, il prend les disques sous film plastique et les empile dans des cartons prêts à être expédiés aux quatre coins du monde. Malgré les apparences, ces deux-là ont beaucoup de choses à partager. Ils aiment la même musique et surtout ils sont tous les deux férus d’informatique. C’est de cette usine que ces deux « geek » feront « fuiter » tous les plus gros disques des années 2000 d’Eminem, à 50 cents, Jay-Z, Björk, non pas pour gagner de l’argent, mais pour se faire mousser dans leur vie parallèle sur Internet. Le phénomène sera développé et amplifié par des sites comme Napster, eMule, MeagaUpload, Oink ou Soulseek ce qui permettra aux internautes d’accéder à des centaines de millions de chansons. Au fil des mois, les internautes découvrent des centaines de milliers d’artistes qui existent en dehors de la « musique officielle » que présente l’industrie musicale, tel le rock iranien et cambodgien des années 70, le funk rock africain des années 80, ainsi que des artistes oubliés telle la chanteuse de blues gospel Sister Rosetta Tharpe.

Un chapitre plus loin, nous nous retrouvons dans la confidence d’échanges privés entre le nouveau directeur général de Warner Music et ses collègues des majors du disques. On découvre que les majors du disque préféreront poursuivre en justice les internautes et financer des alternatives sans lendemains qui ont achevé de démonétiser la musique. Une fois de plus, les maisons de disques n’auront pas compris l’intérêt du streaming, c’est à dire l’écoute de la musique sans téléchargement. Au milieu des années 2000, Spotify, Deezer et Youtube prennent le pouvoir sur le major, héritières d’entreprises nées au début du XXème siècle. Les « tuyaux » ont pris le pouvoir sur les artistes et leurs producteurs.

On dévore ce livre d’une traite les yeux écarquillés pris par le récit de cette incroyable histoire. L’épilogue, assez surprenant, est un happy end qui provoque un fort sentiment d’émotion. Fortement recommandé.

Stephen Witt, « A l’assaut de l’empire du disque », Edition Le Castor Astral, Castor Music, Broché, 288 pages, 24€.

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