Amin Maalouf : l’éclairage de quatre siècles d’histoire de France

par
Partagez l'article !

Par Marc Emile Baronheid – Sous les lambris du quai Conti évolue depuis quatre siècles un monde qui passe pour versatile, ombrageux, sévère, parfois cruel, prompt aux crucifixions. Le voici passé en revue, avec une lucidité sereine.

Partagez l'article !

Amin Maalouf occupe depuis 2012 le 29e fauteuil de l’Académie française. Il a eu la curiosité de se pencher sur la vie des dix-huit confrères qui l’y ont précédé, abattant un travail considérable à tous égards. Là où d’aucuns se seraient contentés d’effleurer le sujet, pour ne butiner superficiellement que le pollen des seules fleurs anecdotiques, Maalouf a fait preuve d’une curiosité et d’une faculté d’analyse qui autorisent à considérer son livre comme l’arpentage éclairé de quatre siècles d’histoire de France, de la querelle du Cid aux grandes guerres du siècle dernier. Un parcours au style enlevé, précis, élégant, que l’on se gardera d’appeler académique, tant le qualificatif continue de faire tressaillir…

Gageons que M. Maalouf n’est pas superstitieux, puisque le premier élément de sa généalogie virtuelle se noya dans la Seine et le dix-septième – Montherlant – se suicida. La rigueur de l’approche ne souffre pas des épisodes rocambolesques qui la parsèment, certains mélodrames provoquant des démangeaisons durables car consécutives à des piqures d’amour-propre. On le sait, le nouvel impétrant doit faire l’éloge de son prédécesseur. Tous s’y sont prêté de plus ou moins bonne grâce, à l’exception de Challemel se déchaînant contre Renan, qu’il haïssait, dans un déferlement de napalm académique. On découvre l’improbable Cailhava. On se remémore André Siegfried, dont le nom ne doit pas tisonner la mémoire des lecteurs de Pascal Bruckner et Guillaume Musso. On revient aux élections manquées, celle de Molière constituant pour toujours l’un des grands remords de l’Académie. On évoque ceux qui, pressentis par l’institution, lui ont opposé un refus souvent poli, à l’inverse de Bernanos, proclamant « Quand je n’aurai plus qu’une paire de fesses pour penser, j’irai l’asseoir à l’Académie ». Au vu de la piètre qualité des candidatures aux récentes élections, il semble que l’habit vert ait aujourd’hui mauvaise presse et n’incarne plus l’appartenance à une parcelle de l’honneur intellectuel de la France.
Rien de tel avec Amin Maalouf, dont le choix de savoureuses ou coruscantes joutes oratoires et verbales, la maîtrise narrative des étincelles politiques, donnent tout leur prix à ces dix-huit blasons.

Un fauteuil sur la Seine – Quatre siècles d’histoire de France
Amin Maalouf
Grasset
20 euros

À lire aussi dans notre sélection :

La police des moeurs : une analyse sans concession de Jean-Marc Berlière

Lady Scarface : L’histoire des fiancées de la poudre d’Al Capone

Fabrice Luchini : l’obsession du texte et l’enfantement du comédien

Simone de Beauvoir : entre symbole du féminisme et narcissisme

Laissez votre commentaire

Il vous reste

0 article à lire

M'abonner à