Macbeth: une oeuvre cinématographique d’un esthétisme abyssal

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Par Florence Yérémian – Adapter Shakespeare au cinéma n’est pas une mince affaire. En ce qui concerne Macbeth, beaucoup de grands maitres du Septième Art s’y sont risqués à l’exemple d’Orson Welles ou de Kurosawa. C’est à présent au tour du réalisateur australien Justin Kurzel de nous offrir sa vision de l’oeuvre et elle est d’un noir abyssal…

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Chacun connait la légende de cette envoutante tragédie : sous l’influence des augures et de sa femme, Macbeth assassine le roi d’Ecosse afin de lui prendre son trône. Rongé par le doute et la culpabilité, il va peu à peu sombrer dans la folie la plus macabre et emporter dans sa démence les grands du royaume ainsi que l’insatiable Lady Macbeth.
Afin de nous faire ressentir cette lente agonie, Justin Kurzel a plongé son film dans une sublime encre mortuaire éclaboussée de sang écarlate. Parant ses protagonistes de tenues funèbres ravivées uniquement par leur crimes, il a opté pour un esthétisme visuel poussé jusque dans la barbarie : jouant sur les accélérations et les ralentis, son approche filmique décuple l’élan guerrier lors des combats tout en cloitrant les scènes méditatives dans de pieuses pénombres. Il en va ainsi de la Bataille d’Ellon qui se déploie corps et âme sur la musique hurlante de Jed Kurzel ou des rares moments de recueillement de Lady Macbeth saisis à la lumière fébrile des cierges d’une église.

Dans cette adaptation très dense, tout repose sur les deux acteurs principaux. Excellent Macbeth, Michael Fassbender apporte une grande force à son personnage en lui conférant une intensité aussi physique que psychologique. Sa partition est pourtant fort complexe car c’est un meneur d’hommes qui va progressivement perdre pied: derrière son immense stature de guerrier, Macbeth va laisser ressurgir sa peur et tomber peu à peu dans un bain de sang pour conserver sa précieuse couronne. A ses côtés, Marion Cotillard (Lady Macbeth) nous fait songer à une prêtresse démoniaque qui répand sans relâche son venin dans l’oreille douloureuse de son époux. Aussi néfaste qu’inconsciente, cette femme d’influence va effacer tout obstacle entre son ambition et le trône, quitte à y perdre la raison…

Derrière l’ascension et la chute de ces monarques machiavéliques se dessine une profonde réflexion sur la destiné et le pouvoir. Dans cette pièce, Shakespeare a en effet développé ses principaux monologues autour de la fatalité et l’aptitude humaine à savoir demeurer maître de son existence. En voulant porter à l’écran l’ensemble de ces questionnements métaphysiques, Justin Kurzel nous donne l’impression d’avoir transposé une pièce au cinéma. A travers les interminables déclamations de ses acteurs cadrés en gros plans, le spectateur a l’impression d’assister progressivement à une théatralisation du film qui alourdit de façon emphatique sa puissante trame guerrière.
Malgré la beauté évidente de ce long-métrage et l’interprétation léchée de ses tragédiens, cette épique adaptation de Macbeth sonne « faux » par son excès d’esthétisme et son manque de fluidité. Il y a trop d’arrêts sur image, de transes inutiles et de remises en question où les personnages s’enlisent. A bien y réfléchir, il se pourrait finalement que l’oeuvre Shakespearienne ne soit sublime qu’à la scène : le cinéma, semble-t-il, lui retire toute sa grandeur méditative car un tel texte doit se jouer en temps réel avec des raisonnances palpables, des respirations sonores et des regards scrutateurs posés directement sur la conscience du public.

Macbeth: une descente aux enfers qui se perd dans les ellipses de sa parfaite esthétique.

Macbeth
De Justin Kurzel
Avec Michael Fassbender et Marion Cotillard
2015 – Durée: 1h53
Sortie nationale: le 18 novembre 2015

Ce film est déconseillé aux enfants de moins de 15 ans non seulement pour sa violence mais aussi pour le scénario qui s’attache excessivement à la psychologie des personnages.

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