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Arash Derambarsh : un élu en lutte contre le gaspillage alimentaire

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Par Nicolas Vidal – « Agir contre le gaspillage invite à affirmer la fraternité entre les citoyens« . Engagé très tôt dans le monde politique, Arash Derambarsh est familier du dynamisme de l’action politique et citoyenne. D’origine iranienne, ce jeune quadra hyperactif, né à Paris en 1979 est un fin connaisseur des réseaux. Il a plusieurs cordes à son arc : éditeur aux Editions du Cherche-Midi, conseiller municipal dans sa ville de Courbevoie, futur avocat et fondateur de l’association Courbevoie 3.0 pour le vivre-ensemble.

propos recueillis par

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Rien que ça. En décembre 2014, il s’est saisi de la question épineuse du gaspillage alimentaire. Depuis Arash Derambarsh est sur tous les fronts pour mener ce combat : action citoyenne, happening, démarches auprès des institutions et de la sphère politique. Il est parvenu à faire signer un amendement en mai dernier par l’Assemblée nationale, invalidée par le conseil constitutionnel en août. Arash Derambarsh nous en dit plus aujourd’hui sur son action et son engagement contre le gaspillage alimentaire, lui qui en appelle au Président de la République pour qu’il se saisisse de ce dossier après avoir remporté ce mardi 24 novembre 2015 le prix Edgar Faure, présidé par Rodolphe Oppenheimer ( lire l’interview ici ) qui désigne le meilleur livre politique.

Vous avez un parcours personnel atypique Arash Derambarsh qui semble vous pousser à mener ce combat aujourd’hui. Pouvez-vous vous présenter en quelques mots ?
J’ai été élu, à Courbevoie, en mars 2014. J’ai décidé de ne pas me taire et de mener une action concrète auprès de mes concitoyens. Avec des amis, avec des bénévoles, nous avons récupérer les invendus du Carrefour Market du centre commercial Charras à Courbevoie. Puis, dans la foulée, nous les avons distribués aux personnes qui en avaient besoin. Trois soirs par semaine, nous avons ainsi distribué 50 kilos de nourriture soit l’équivalent de 500 euros à la classe moyenne et aux SDF. Fort du soutien d’organisations à l’image de la Croix Rouge et d’Action Contre la Faim ainsi que de nombre de personnalités, j’ai voulu tirer profit du vide juridique sur la distribution immédiate. Face à la pauvreté, nous ne pouvons pas ne rien faire. Il y a urgence face au 15 millions de Français qui n’ont plus d’argent après le 10 de chaque mois.

Qu’est ce qui vous a sensibilisé à la question du gaspillage alimentaire ?
La faim m’a sensibilisée. Alors que j’étais étudiant, j’avais 20 ans, je ne gagnais que 800 euros par mois. Après le 10 du mois, il ne restait plus que 400 euros. Au lieu de m’enfermer dans une énergie qui aurait pu devenir négative, j’ai tenu à la positiver. J’ai décidé de me présenter à une élection et de faire changer la loi. Il s’agira ainsi d’imposer aux supermarchés de céder les invendus consommables à l’association de leur choix.

Mathieu Kassovitz préface votre ouvrage. Comment s’articule-t-il autour du projet ? Joue t-il un rôle important au sein de cette initiative d’envergure ?
Dans ce combat contre le gaspillage alimentaire, mon ami le réalisateur Mathieu Kassovitz a été d’une grande aide. Très sensible à ce combat, il m’a apporté son soutien. Nous avons, lancé un appel et initié ensemble, la pétition « Stop au gaspillage alimentaire » sur Change.org qui a récolté plus de 210 000 signature. Quant à notre pétition européenne soutenue par la Croix Rouge France et Action Contre La Faim, elle a dépassé les 732 000 signatures.

Une citation de Thomas Jefferson est en incipit de votre livre. Dans quelle mesure introduit-elle bien ce combat que vous menez, Arash Derambarsh ?
« La vie, la liberté, la recherche du bonheur ». Si la vie est un don, la liberté est un acquis historique, démocratique, sociétal alors que le bonheur est propre à chacun. On tend, chacun vers le bonheur en s’impliquant pour les autres, avec les autres.

Si vous deviez dégager des grands piliers de cette action collective, quels seraient-ils ?
La fraternité en est le pilier principal de combat sociétal. Agir contre le gaspillage invite à affirmer la fraternité entre les citoyens. Le refus de la division sur cet enjeu est crucial. J’en appelle à chacun pour enfin mettre fin à ces aberrations que sont la faim et la soif dans notre pays.

« La fraternité en est le pilier principal de combat sociétal. Agir contre le gaspillage invite à affirmer la fraternité entre les citoyens. Le refus de la division sur cet enjeu est crucial. »

 

Quelle a été la teneur de vos premiers contacts avec les directeurs de supermarché ? Qu’est ce qui a changé aujourd’hui depuis le début de votre lutte ?

Si, Franprix et Monoprix ont tous deux refusé un partenariat en prenant pour prétexte que je ne disposais pas de chambre froide pour stocker la nourriture, j’ai décidé de contourner la chaîne du froid. Je ne me suis jamais laissé prendre par le découragement. J’ai rebondi. Le directeur du Carrefour Market du centre commercial Charras a accepté. J’ai, ainsi, fait une distribution immédiate. J’ai, en effet, obtenu la possibilité de faire une distribution immédiate en venant à la fermeture du supermarché.

Comment avez-vous reçu la décision du conseil constitutionnel d’invalider la loi sur le gaspillage alimentaire le 13 août 2015 ?
Bien sûr, je la regrette. Mais je respecte cette décision. Pour des raisons de procédure, le Conseil Constitutionnel a, en effet, invalidé cette loi. C’était prévisible. Le Député des Français de l’étranger, Frédéric Lefebvre avait déjà averti de ce risque. Très rapidement, il a déposé une proposition de loi avec Jean-Pierre Decool à l’Assemblée nationale. La sénatrice Nathalie Goulet en a fait de même au Sénat.

Comment jugez-vous l’accord du 27 août 2015 entre Ségolène Royal et les enseignes de la grande distribution quand on connaît les attentes fortes de la très attendue de la Cop 21 ?
Je regrette fortement que les associations n’aient pas été conviées pour cet accord sur le gaspillage alimentaire. La solution proposée par Mme Royal n’est pas la bonne. Si elle a signé avec les enseignes de la grande distribution, n’oublions pas que les deux tiers sont des franchises. Il faut que l’ensemble des acteurs soient considérés de la même manière afin qu’il y ait un encadrement légal et clair.

Avez-vous bon espoir à ce jour que la loi soit enfin votée, Arash Derambarsh ?
Bien entendu, elle se doit de faire l’union et de dépasser les clivages partisans. La loi sera votée en première lecture le 25 novembre prochain. En effet, je suis persuadé que Guillaume Garrot (PS), Fréderic Lefebvre (Républicains), Jean-Pierre Decool (DVD) et l’ensemble des députés arriveront à un consensus républicain.

Dernière question, ce livre est définit comme un manifeste autant qu’un guide pratique sur les bonnes attitudes à avoir pour lutter contre le gaspillage alimentaire. Pensez-vous que le succès de cette action collective repose plus sur une prise de conscience citoyenne ou sur une législation politique claire et précise en la matière ?
Ce combat est porté par une action collective citoyenne qui n’est nullement politicienne. Ce sont des milliers d’anonymes qui ont rejoint ce combat, qui ont décidé de se mobiliser. Jour après jour, les consciences ont été interpellées. On ne peut pas décemment fermer les yeux face à la faim.
A noter que la préface est signée par Jean-Jacques Eledjam (Président de la Croix-Rouge française) et la postface par Stéphanie Rivoal (Présidente d’Action contre la faim). Enfin, l’intégralité des droits d’auteur seront renversés à la Croix-Rouge française.

> Arash Derambarsh, a remporté ce mardi 24 novembre 2015 le prix Edgar Faure du meilleur livre politique pour son ouvrage « Manifeste contre le gaspillage alimentaire ».

Arash Derambarsh
« Manifeste contre le gaspillage »
Editions Fayard – 100 pages – 10 euros

Crédit Photo – Bertrand Guay ( AFP )

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