Charles le Téméraire, entre complexité et ambivalence

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Par Régis Sully – bscnews.fr/ À la mort de Philippe III le Bon ( 1467), le duché de Bourgogne était vaste et puissant. Il comptait plusieurs provinces, entre autres la Franche Comté, la Flandre, l’Artois, la Hollande, le duché du Luxembourg … À la mort de Charles le Téméraire en 1477, le duché de Bourgogne est dépecé entre le Saint Empire et le royaume de France. La Bourgogne revint à la France tandis que les provinces du nord-ouest, c’est à dire la Flandre et d’autres régions voisines tombaient dans l’escarcelle des Habsbourg tout comme la Franche-Comté après l’union de Maximilien et de Marie, fille de Charles le Téméraire.

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Comment en est-on arrivé là? Comment Charles le Téméraire a-t-il pu dilapider un tel héritage en 10 ans de règne? C’est ce que nous fait découvrir Marcel Brion dans son livre passionnant de bout en bout sur Charles le Téméraire. Un personnage complexe qui a des difficultés à accepter l’hétérogénéité de son domaine. La liberté de commerce, la prospérité industrielle faisaient que les Flamands étaient loin du régime seigneurial et des coutumes féodales. Une forme de démocratie s’était installée. Rien n’était plus étranger à Charles le Téméraire. «Pour lui , la volonté divine et les lois mêmes de la nature avaient crée des maîtres et des sujets; la mission des uns étaient de commander, le rôle des autres d’obéir». Le duc de Bourgogne avait-il tourné le dos à son temps?

En réalité le personnage est plus complexe. Cohabitaient chez lui, des aspects novateurs et d’autres plus traditionnels. Ainsi son armée était composée de mercenaires, de condottieres italiens prêts à tourner les talons lorsque la défaite se dessinait ou même à trahir comme le fit Campobasso, un aspect traditionnel qui voisinait néanmoins avec des éléments plus modernes ainsi il avait compris l’importance de l’artillerie et son armée en était largement pourvue. Autre aspect moderne, c’était sa conception de l’Etat qui était semblable dans ses grandes lignes à celle de son grand rival Louis XI et qui avait pour finalité l’absolutisme, c’est à dire l’assujettissement de tous, nobles, bourgeois, manants à cet Etat incarné dans la personne du roi. Restait ce refus de prendre en compte l’importance prise par la banque, le commerce et l’industrie. Pour lui, c’était accidentel donc provisoire. À cela il fallait ajouter ces deux ambitions démesurées qui tour à tour ébranleront sa puissance et feront disparaître son duché; celle de ceindre la couronne impériale et cette autre, une fois éteinte la première chimère, de vouloir bâtir un empire au sud. Hélas, il se mit à dos tous ses voisins: le duc de Lorraine, les Suisses et la France de Louis XI. À la suite de la bataille de Nancy (1477) on retrouva son corps trois jours après « nu, la tête plaquée de boue gelée d’un côté et de l’autre rongée par les loups». La curée pouvait commencer.
À lire pour saisir la complexité de cette époque charnière par le truchement d’un personnage aux prises avec son temps.

« Charles le Téméraire, ce féodal attardé. Ce survivant de la chevalerie éteinte qui persistait à entretenir la flamme de la dévotion devant l’autel des dieux disparus»

Charles Le Téméraire
Duc de Bourgogne
1433-1477
de Marcel Brion
Editions Tallandier
Collection Texto dirigée par Jean-Claude Zylberstein
10 euros

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